Sous-titré Comsic fric-frac
De Léo Henry, 2014
Il y a bien longtemps, dans les profondeurs de ce blog, j’avais chroniqué ma lecture de La panse, de Léo Henry, inédit sorti directement en poche en 2017 chez Folio SF. J’ignorais alors qu’il s’agissait en fait du deuxième volet d’une trilogie planifiée par l’auteur. Une trilogie qui ne présente cependant aucun lien entre les livres qui la compose d’un point de vue narratif : l’auteur avait simplement l’intention de créer trois récits dans trois genres de la SFFF pour couvrir le spectre complet de l’imaginaire. Ou, plus ou moins complet, car on ne va pas s’embêter avec les dizaines de sous-genres qui ont fleuri au cours des dernières décennies.
Donc, La panse était donc sa plongée dans le thriller de SF urbain. Le casse du continuum, sorti trois ans plus tôt était le planet-opéra de Léo Henry. Thecel, sorti il y a quelques semaines (soit trois ans après La panse, l’auteur a une certaine régularité dans son planning !), conclut la trilogie avec une plongée dans la fantasy. Mais comme Léo Henry est un auteur malin, il ne se contente pas d’évoquer un genre par ses poncifs. Il tente de les réinventer. Et c’est exactement ce qu’il faut avec Le casse du continuum. Bien sûr, on y croise une civilisation spatiale exotique, des IA capricieuses, des batailles à coup de pistolasers aux quatre coins de la galaxie. Mais c’est aussi un bouquin sur une braquage, comme le titre le laisse deviner.
On rencontre donc dès les premières pages sept personnages hauts en couleurs, tous spécialistes dans leur domaine respectif : les explosifs, l’assassinat, le cambriolage, la séduction, etc. Ils sont chacun repérés et contractés par une entité relativement mystérieuse, l’un des développeurs qui a accès au DOS de l’IA qui régule l’univers connu, en résumé. Cette entité charge les sept mercenaires (ce n’est pas un hasard, bien sûr) de « braquer » le CPU central de l’IA en question lorsqu’elle est phase de sommeil pour y réécrire des directives qui lui permettront de lutter contre un virus méconnu du grand public qui affecte l’IA et risque de mener l’humanité à sa fin. Les mercenaires devront donc intervenir dans la phase de sommeil de la machine dans une fenêtre de temps réduit, sans quoi ils risquent d’y rester coincé pour toujours, provoquant leur mort dans le monde réel.
Le bouquin est donc clairement influencé par Inception, sorti quelques années plus tôt, en y ajoutant un cadre de space-opéra exotique et efficace. Le bouquin se lit vite et le suspense est maintenu de la première page jusqu’à la conclusion (en cascade, chaque protagoniste ayant droit à sa scène post-générique). C’est un bon divertissement sans être un grand livre. Il n’y a pas dans Le casse du continuum le souffle particulier que Henry a mis dans Hildegarde, par exemple, ni le désespoir latent La panse. Le casse repose bien davantage sur des mécanismes rodés et des personnages archétypaux. C’était le risque, évidemment, de présenter sept personnages principaux dans un livre qui fait un petit 300 pages en poche : certains sont plus esquissés que réellement travaillés et l’on reste, parfois, sur sa fin quant aux trajectoires, aux enjeux et aux motivations des uns et des autres.
Il n’en demeure cependant pas moins que le livre est un divertissement honnête et un hommage sincère à la littérature de genre qui nourrit l’imagination de son auteur. Certaines envolées lyriques (probablement dues aux relectures de Laurent Kloetzer, ami et collègue de Henry) sont parfois over-the-top, mais cela ne gêne pas le récit outre mesure qui évite de verser dans le gloubi-boulga technologique malheureusement habituel en hard SF. Un livre sans prétention, mais un bon divertissement dans les publications originales de Folio SF.