Lovecraft – Au cœur du cauchemar

Collectif, 2017.

Beau livre des éditions ActuSF, financé via Ulule, la monographie « Lovecraft – Au cœur du cauchemar » nous plonge au cœur de la vie et de l’œuvre du reclus de Providence. Pour un prix somme toute modique (30 €) compte tenu de la qualité du recueil -belle couverture cartonnée, illustrations inédites très jolie, papier de qualité, quadrichromie intégrale, etc.-, l’amateur des Grands Anciens et des Contrées du rêve trouvera là un très bel essai couvrant tant la vie de l’auteur, les grands traits de son œuvre que quelques éléments sur l’univers étendu, le fameux « mythe de Cthulhu ».

Comme dans tout monographie signée collectivement par plusieurs auteurs, il y a à boire et à manger quant à la qualité du contenu. Si certains textes, déjà publiés ailleurs (les préfaces de David Camus, le texte sur la correspondance entre Lovecraft et Howard par Patrice Louinet, etc.) ont d’indéniables qualités littéraires, c’est moins vrai pour d’autres textes davantage mineurs : j’ai personnellement un peu de mal avec le style de Bertrand Bonnet, tout en périphrases et apartés, et je fus frappé par la qualité toute relative du texte de Mathilde Manchon sur les lieux lovecraftiens. On peut également regretter qu’il n’y ait pas davantage eu de relectures attentives avant que la maquette soit envoyée à l’imprimeur : il y a tout de même un bon stock de fautes de frappe, d’espaces manquants et autres problèmes de mise en page mineurs.

Au-delà de ces quelques remarques, la monographie est une agréable surprise qui compte quelques apports très intéressant pour comprendre la place de Lovecraft dans l’imaginaire mondial et francophone en particulier. Le texte de Marie Perrier sur l’histoire des traduction françaises de l’auteur est particulièrement intéressant et surprenant. L’article très complet de Sam Azulys sur les adaptations cinématographiques est également une référence. D’autres ont de belles intentions, mais sont un peu tirés par les cheveux (le texte d’Elisa Gorusuk sur Lovecraft et la science fonctionne davantage sur des clins d’œil que sur un vrai corpus appuyé et argumenté et celui de Florent Montaclair sur Lovecraft et la génération perdue et sa comparaison bancale entre Lovecraft et Dos Passos ne fonctionne tout simplement pas, comparant des pommes et des poires). S’ils restent des curiosités amusantes à découvrir, il ne faut, je pense, pas les confondre avec des vraies contributions universitaires.

Pour le reste, l’amateur éclairé de Lovecraft découvrira des éclairages avec lesquels il ne sera pas forcément familier. Si le public visé n’est pas un public de complet béotien, les lecteurs irréguliers de Lovecraft ne seront pas totalement dépaysés et retrouveront les éléments clés de l’œuvre du maître, de sa personnalité et de son fandom, qui permettront de mieux comprendre le phénomène. En résumé, si l’on ferme les yeux sur quelques erreurs éditoriales, Lovecraft – Au cœur du cauchemar est un très bel objet, érudit et suffisamment complet pour que chacun y trouve son compte. Un bel objet, donc, à mettre en toutes les mains, pour autant qu’elles soient un minimum sensibles au genre.

PS : je m’en rends compte trop tard, mais je ne peux que me réjouir qu’ActuSF ait réussi une autre campagne de financement via Ulule sur Lovecraft. D’ici 2019 (et oui, ça prend du temps), nous devrions donc avoir une très belle traduction de la somme biographique de S.T. Joshi, grand spécialiste mondial de l’homme de Providence, consacrée à Lovecraft, sans doute dans un packaging un peu moins austère que la version longue originale. Je l’inscris déjà dans mes futures acquisitions !

Jirel de Joiry

De Catherine L. Moore, 1934 à 1939.

Les six nouvelles composants ce volume ont été publiées pendant l’âge d’or de la littérature « pulp », dans la revue la plus connue du genre, le fameux Weird Tales (connu pour avoir publié Howard Philip Lovecraft et Robert E. Howard). Catherine L. Moore, bien que correspondante visiblement régulière de Lovecraft, n’a cependant pas le génie de ses pairs précités.

La comparaison est injuste, cependant. En effet, Jirel de Joiry compte et conte des récits qui sont les parfaits exemples de la beauté et des limites des histoires pulp. Les aventures extraordinaires de cette pseudo-baronne-guerrière d’un moyen-âge français fantasmé sont en même temps très fun et très prévisibles. Le pulp n’a pour unique vocation que divertir un public assez jeune en mal de sensation dans l’Amérique des années 20 et 30. Ce sont des revues imprimées sur du mauvais papier, vendues pas cher à une classe populaire en manque de sensations fortes, en manque d’évasion.

Lovecraft l’a suffisamment reproché à Howard dans leur longue correspondance : un récit de Weird Tales obéit à un cahier de charge prévisible, à des impératifs de genre et de style que le public attend et pour lequel il paye. Nombre de ces textes ont donc, avant tout, une vocation commerciale. Le reclus de Providence lui-même, malgré l’indépendance dont il s’est toujours revendiqué, n’hésita pas à « améliorer » les textes de certains de ses collègues contre monnaie sonnante et trébuchante. Sa plus belle commande, au regard de ses finances personnelles, n’est autre que « Prisonnier des Pharaons », texte perclus de clichés et prévisible à souhait, qu’il rédigea comme nègre pour nul autre qu’Harry Houdini.

Il est dès lors injuste de vouloir comparer Catherine L. Moore aux quelques noms connus de la littérature pulp qui ont traversés les décennies pour toujours avoir quelque chose à apporter aux lecteurs d’aujourd’hui. Lovecraft, Howard, Clark Ashton Smith, Fritz Leiber et quelques autres sont les exceptions que l’on retient dans les dizaines d’auteurs qui ont nourris les pages de Weird Tales, d’Astounding Stories, de Thrilling Detective. Catherine L. Moore était, quant à elle, plus dans le « moule » des auteurs qui faisaient ce qu’on attendait d’eux : rédiger des histoires « bigger than life » avec de l’aventure, du frisson et, pourquoi pas ?, un peu d’érotisme soft.

Mais pourquoi l’avoir réédité en français des années après le coup de projecteur original de Jacques Sadoul dans les années 60/70, dans ce cas ? Probablement parce que C.L. Moore se prénomme Catherine : c’est une femme. Et Jirel est une héroïne, pas un héros. Cela peut sembler anodin de nos jours, mais les héroïnes de pulp n’étaient pas légion dans l’Amérique des années folles. Que du contraire. Le phénotype est plutôt le barbare musclé à la Conan/Kull, ou l’aventurier malin et cabot qui donnera quelques années plus tard Indiana Jones ou Han Solo.

Jirel, elle, est une femme forte, qui dirige ses hommes d’une main de fer et qui ne laisse que peu de place aux sentiments. Quelques années avant la Sonia la Rousse (d’Howard, également) et quelques décennies avant la Princesse Leia, on a, avec Jirel, l’ancêtre d’un personnage féminin de fiction fort, à qui l’on attribue les traits généralement masculins du courage, de la force, du jusqu’au-boutisme, etc. De là à dire qu’il y a une démarche volontaire de Catherine L. Moore, contemporaine des suffragettes, il n’y a qu’un pas. Pas que je ne me permettrais pas de franchir : je doute fort que le médium en question, un pulp d’aventure à la frontière entre le fantastique, la fantasy et la SF (pour la dernière nouvelle), soit le véhicule rêvé pour faire passer un message.

Mais cela reste une curiosité historique, fortement soulignée par Patrick Marcel dans son introduction à la réédition chez Folio SF. Et une curiosité qui colore le texte de manière plaisante pour un lecteur habitué de la littérature pulp et qui n’y cherche pas un message profond qui ne s’y trouve certainement pas.

Reste les nouvelles en elles-mêmes et leur qualité intrinsèque. Comme le dit à nouveau Patrick Marcel, il n’est pas forcément souhaitable de lire le tome d’une traite : la répétition du schéma narratif et de certaines ficelles scénaristiques éculées rend une lecture intensive légèrement pénible. Prises indépendamment, cependant, les premières nouvelles sont des textes fantastiques, influencés par les tics de langage lovecraftiens (l’utilisation de l’adjectif « indicible » ne trompe généralement pas… J), plus que correct. D’autres nouvelles appartiennent plus clairement à la fantasy et sont toujours de bonne facture. Seule la dernière nouvelle, cross-over entre Jirel de Joiry et l’autre héros récurrent de C.L. Moore, Northwest Smith, m’a laissé un peu froid. Le côté tête-à-claque cliché de Smith n’y est pas pour rien et le cross-over, mal amené et peu exploité, tombe un peu comme un cheveu dans la soupe.

Bref, tout ceci pour dire qu’il s’agit là d’un recueil honnête, forcément daté et ancré dans un courant qui brille davantage par ses mécanismes bien huilés que par sa grande originalité. Ce n’est évidemment pas un immanquable, mais, outre l’aspect historique, cela reste une lecture agréable pour ses changer les idées, façon blockbuster hollywoodien, qui ne mérite pas les quelques (rares) critiques acerbes que l’on peut trouver ici et là sur Internet.

Les stratégies absurdes

De Maya Beauvallet, 2009.

Sous-titré « Comment faire pire en croyant faire mieux »

N’étant pas un grand amateur de « littérature » managériale (un SAS est en général plus surprenant et un Marc Levy mieux écrit), j’eus la faiblesse de me pencher sur ce prêt d’un collègue qui me prétendait y avoir vu la lumière. Une publication au Seuil étant un meilleur gage de qualité qu’une publication aux Éditions d’Organisation (au moins quant à la respectabilité du chercheur assumant la paternité de l’œuvre), je m’y plongeais donc mi sceptique, mi curieux.

Grand mal m’en a pris. Si quelques exemples font sourire, les efforts pour démontrer l’inanité des « objectifs » et des « indicateurs » semblent souvent poussif, voire inusité. Car établir un constat dans le style « tout ceci ne sert à rien » ou « on ne mesure pas ce qui est réellement important » est très sympathique mais un peu éculé. Surtout si rien n’est proposé pour résoudre la difficulté. Je suis très loin d’être un partisan du management par cockpit, mais ne proposer aucun cadre n’a pas non plus de sens. L’imprévisibilité, chez la majorité de nos charmants collègues, est un facteur anxiogène de première importance. Leur faire confiance pour qu’ils fixent le cadre eux-mêmes marche peut-être dans une toute petite start-up où l’ « ingénieur » (dans le sens Mintzberg-ien du terme) prévaut, mais est totalement dysfonctionnel dans une moyenne entreprise, sans parler des grandes.

Je serai donc bien incapable d’expliquer ce qu’il faut retenir de ce livre-t (150 pages, écrites en grands caractères), qui ressemble plus à un brouillon de chapitre de thèse qu’à un véritable livre de gestion. Ne vous laissé pas abuser par l’étiquette du Seuil ; madame Beauvallet a beau être maître de conférences à TELECOM Paris Tech, son salmigondis de fausses bonnes idées et d’exemples téléphonés (le jeu de mot est un peu facile, je l’admets volontiers) ne vaut pas tripette.

Quitte à vous plonger dans la sociologie des organisations et dans le mécanisme de la prise de décision, penchez-vous plutôt sur le proche parent, au moins quant au titre, de cet essai mou du genou : Les décisions absurdes, de Christian Morel, chez Folio. Moins cher, plus amusant et plus instructif.

Voyage au bout de la nuit

Louis Ferdinand Céline, 1932

Peut-on raisonnablement lire Céline à l’heure actuelle ? Il y a de cela quelques semaines, je me suis fait traiter de fasciste et d’antisémite lorsque l’on m’a pris à lire Voyage au bout de la nuit. Et ce vieux débat, qui, de loin, pouvait sembler clos, a trouvé une caisse de résonance importante sur le web, où chacun est prompt à céder aux amalgames et jugements à l’emporte-pièce. La très érudite préface du premier tome des œuvres complètes de Céline à la Pléiade (qui comprend Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit) n’aborde intelligemment pas le sujet de front. Elle avance des arguments et des contre-arguments, souvent logiques et parfois spécieux, qui entendent laisser le bénéfice du doute.

Entendons-nous bien : pas de doute sur le fait que Céline ait en effet fait preuve d’un antisémitisme crasse à un moment de l’histoire où l’ignorance ne pouvait même plus être avancée comme explication (à défaut d’excuse), d’autant plus chez un homme brillant. Il n’y a en effet pas de doute : Bagatelles pour un massacre, publié en 37 et soutenu par Céline pendant de trop nombreuses années, est une lecture effroyable (consultable sur Internet uniquement, puisque Céline et ses ayants-droits ont toujours refusé une republication, même à des fins académiques).

Non, le doute de la préface de la Pléiade est un doute raisonnable. Peut-on dissocier une œuvre de son auteur ? Une production intellectuelle des affres de l’intellect qui l’a produit ? L’universitaire le souhaite, par sa recherche de la connaissance et du signifiant, de l’histoire et de son contexte. Mais quid du lecteur lambda ? Nombre de réactions glanées ci et là sur l’Internet sont d’ordre sentimental ou émotionnel. Ou éthique, cela dépend du point de vue. En effet, je conçois parfaitement que des lecteurs actuels, directement ou indirectement touchés par la Shoah et l’antisémitisme rampant qui continue malheureusement de s’exprimer tous les jours, que ces lecteurs connaissent un phénomène de distanciation en lisant Céline. Certains d’entre eux expriment la lecture de Céline comme une trahison à leur famille, leur idéal, leur identité, leur histoire. Je le comprends, même si je ne le partage pas.

L’œuvre, à mes yeux, est dissociable de son auteur. Je crois profondément à « l’état de grâce » qui touche de temps un autre un artiste et qui lui permet de produire quelque chose qui a une valeur plus élevée que lui-même, si tant est que l’on puisse parler de valeur et de production pour l’Art. Les exemples de sculpteurs, de compositeurs ou de cinéastes sont légions. Et les écrivains sont, aussi, des artistes. Il faudrait donc pouvoir, en tant que lecteur, se distancier de ce que l’on sait sur l’auteur pour prendre son œuvre sans œillère. C’est pratiquement une gageure dans le cas de Céline, la face sombre étant actuellement plus médiatisée que l’œuvre, en définitive. C’est d’autant plus complexe quand l’auteur écrit sur le temps présent et qu’il est donc simple de remplacer l’œuvre « dans son contexte » ou « dans la vie de son auteur ».

Je n’ai pas pour intention d’écrire un billet sur les mécanismes de l’antisémitisme en France (d’autres l’ont très bien fait, notamment Michel Winock aux éditions du Seuil) et ne rentrerai donc pas dans des considérations historiques. Céline étant un homme de son temps, il a commis les erreurs que nombre d’hommes de sa génération ont également commises. Ces erreurs, comme je le disais plus haut, ne sont ni explicables, ni excusables ; elles relèvent du fantasme et de la recherche d’un bouc-émissaire à une série de malheurs réels ou supputés. Mais cela n’empêche pas le réceptacle de ces pathologies diverses de rédiger une œuvre.

Et Voyage au bout de la nuit en est une, résolument. Par son ton, son style, ses fulgurances, son cynisme, sa nonchalance, par sa nouveauté surtout, Voyage est, en effet, l’un des monuments littéraires du XXe siècle. Ce feuilleton des malheurs de Bardamu, qui tombe (in-)volontairement et systématique de Charybde en Scylla est un roman difficile d’accès. Souvent, la lente répétition des schémas narratifs lassera le lecteur dans l’attente d’une bulle d’air positive. Celle-ci, inexorablement, n’arrivera jamais. Le bonheur de Bardamu est comme le Godot de Beckett ; on en parle, on le devine, il est parfois presque là, mais toujours il est absent.

Voyage au bout de la nuit est une expérience. Malgré son auteur, il doit plus à l’anarchisme qu’au fascisme. Il n’y a pas d’espoir, simplement une fuite en avant et une volonté autodestructrice qu’exprime ses personnes au fil des paragraphes. Voyage est une lecture utile, intéressante, intelligente, drôle, difficile, déprimante, énervante. Tout cela à la fois. Une lecture nécessaire, donc.

Captain Fantastic

De Matt Ross, 2016.

A mi-chemin entre le feel-good movie et le film anti-système, Captain Fantastic reprend les codes du cinéma indépendant US intelligent, dans la droite descendance de Juno ou encore de Little Miss Sunshine. L’ironie douce qui se dégage de tous ces personnages, leur joie de vivre face à un évènement malheureux (qui, en plus de créer du pathos, crée un moteur scénaristique) met du baume au cœur.

Acteur habitué aux seconds rôles, Matt Ross a bien fait de passer à la réalisation et de choisir le toujours excellent Viggo Mortensen dans le rôle-titre. Formaté pour Sundance, le film a également été présenté à Canne et a remporté quelques titres à Deauville. Bref, beau parcours. Est-ce que le film est à la hauteur de sa réputation ? En un mot comme en cent : oui. Pour peu que l’on est un peu sensible aux thématiques de l’enseignement, de la contre-culture (ou, pour être plus précis, de la culture anti-système) ou des habitudes idiotes de la société de consommation, cette comédie douce-amère offre un super moment.

Sans se montrer moralisateur ou sentencieux, le film pose une série de (bonnes) questions. Au-delà des questions évidentes (peut-on vivre en dehors du système ? peut-on éduquer soi-même ses enfants sans leur permettre de se confronter à des pairs ? etc.), il y a là quelques débats sous-jacents intéressants. Une des questions essentielles soulevées par le film, pour moi, est de connaître la juste mesure dans laquelle on accepte une certaine dose de malheur, de tristesse, mais aussi de déviance sociale, au profit d’une intelligence, d’une réflexion, d’une culture plus grande.

Ben (Viggo) élève en effet ses six enfants dans les bois, leur imposant un régime strict d’exercices physiques et mentaux qui en font des enfants-philosophes-rois (ou des singes pensants, diront les mauvaises langues). Et le suicide de leur mère, atteinte de problèmes psychiatriques graves, oblige la petite famille à se confronter au monde réel.

Film à thèse ? Cela aurait pu. Mais, intelligemment, le film reste une comédie. Chomsky y remplace le père Noël, la religion chrétienne sert de repoussoir aux forces de l’ordre, etc. Et si certaines positions sont parfois antinomique (éduqués comme des enfants sauvages, aucun des enfants ne semble s’offusquer d’utiliser un vieux bus qui consomme des énergies fossiles sans doute avec excès pour un road-trip qui leur fait traverser les USA du Nord au Sud), le scénar a l’intelligence de mettre en avant les doutes du père sur les choix qui sont faits, doutes lourdement martelés par la belle-famille de Ben et par sa propre famille. Et l’intelligence, toujours, de ne pas répondre à ces doutes. La fin est d’ailleurs un compromis entre les valeurs prônées et la nécessaire adéquation au monde qui les entoure.

Le personnage de Bodevan (joué par le bon George MacKay) l’aîné de la fratrie, est révélateur de cet équilibre. Manifestement mal préparé à la gent féminine, on ne peut que s’étonner de constater qu’il n’a pas en lui une révolte plus grande, comme celle que son petit frère exprime. Partagé entre la fascination de son père et le compromis de sa mère (qui l’inscrit aux concours d’entrée des grandes unifs américaines), il est un bon soldat et le reste jusqu’au bout de son propre chemin. Quoi de plus logique, en effet, que d’aller devenir un « véritable adulte » avec un sac à dos sur le dos en partant à l’aventure seul en Namibie. Hipsters, you’re welcome.

Mais, pour revenir à l’expérience d’ensemble, Captain Fantastic reste une très sympathique comédie indépendante, nettement plus intelligente que la majorité des comédies américaines traditionnelles. On rit, on est accroché et, avec un peu de chance, on en ressort un peu plus intelligent nous-même. Que demandez de plus ? Simple, une reprise qui tue sur la BO. Et vous l’avez, avec toute la gentille famille anti-système qui entame a capella avec une guitare sèche la chanson préférée de feu leur mère. Un gentil petit titre indépendant… Sweet Child O Mine. 🙂