Et au milieu coule une rivière

De Robert Redford, 1992

Il est amusant de constater que le « formatage » de la course aux oscars évolue avec le temps. Il y a maintenant 25 ans, les critères n’étaient pas les mêmes. Bien sûr, la nécessité d’émouvoir la ménagère de moins de 40 ans était déjà bien présente. Mais le rythme et le contenu étaient bien différents. En lieu et place des drames historiques actuels, l’heure était aux récits intimistes, si possible tournés vers l’Amérique de papa (ou de grand-père). Cela a donné, au fil des années, Légende d’automne, Danse avec les loups ou même, dans une certaine mesure, Le Dernier des Mohicans.

Et au milieu coule une rivière fait partie de cette grande famille. Impeccablement filmé par Robert Redford, véritable hommage aux rivières poissonneuses du Nord-Ouest des États-Unis (et du Montana en particulier), ce drame familial a un rythme lent qui magnifie les fantastiques décors naturels dans lequel il a été tourné. Le film prend également le temps d’installer ses personnages principaux, de l’enfance à l’âge adulte, par des touches successives qui dépeignent en finesse leur choix de vie, leurs faiblesses, leur richesse intérieure.

L’histoire des frères Maclean, fils de pasteur d’une petite communauté du Montana, est une histoire universelle : le citadin contre le campagnard, l’impulsif contre le réfléchi, l’épicurien contre le réservé. On y suit le parcours de Norman, le grand frère, qui deviendra prof de littérature anglaise, alors qu’il revient après ses études dans sa ville natale et sa cellule familiale, stricte, mais ouverte. Et de son petit frère, Paul, la tête brûlée devenu journaliste, qui se plaît à contrevenir à la bienséance et qui noie son alcoolisme dans le jeu. Résumé comme ça, cela semble cousu de fils blancs. Mais Et au milieu coule une rivière a l’intelligence de ne pas se résumer à ces clichés, justement. Norman, pour cultivé qu’il soit, n’est pas non plus maître de ses sentiments. Et s’il est davantage réfléchi que son petit frère, l’appel de nature n’est jamais bien loin. Paul, de son côté, est loin d’être un imbécile. Bonimenteur de première classe, malgré ses faiblesses, il a un sens moral à toute épreuve et on ne peut que lui donner raison quand il prend faits et causes pour son amie indienne (native-américaine ?), même lorsque cela finit en bagarre généralement copieusement arrosée.

Très bien interprété par un Brad Pitt dans sa première jeunesse, le personnage de Paul est certainement le plus intéressant des deux. Norman, joué par Craig Sheffer (dont le seul autre fait d’arme notable est d’avoir joué dans les Frères Scott… !), est plus introverti. Leur père, joué par l’excellent Tom Skerritt, est un pasteur rigoriste, mais doté d’une finesse qui rompt avec le monolithisme que l’on pouvait attendre d’un tel personnage.

Bref, Redford adapte la nouvelle autobiographique de Norman Maclean avec un brio certain au niveau de la mise en scène et de la direction d’acteur. La seule faiblesse, mais elle est importante, du film est pour moi la prévisibilité et la lenteur du développement scénaristique. La fin, longtemps annoncée, n’est certes pas une surprise. Mais elle aurait pu être amenée différemment. De même, certaines pistes qui auraient pu donner du relief aux évènements et une profondeur supplémentaire aux personnages, sont à peine exploitées (comme l’amie amérindienne ou encore le frère imbécile de Jessie, la future épouse de Norman).

Reste un drame intimiste, prévisible mais poétique malgré tout. Certains plans, lorsque les frères Maclean sont occupés à pêcher à la mouche, l’art véritable de ce film, sont très beaux. Mais tout ceci sonne un peu creux si l’on ne se laisse pas emporter par la poésie du moment. A choisir, dans un registre pas si lointain, Stand by me est nettement plus poignant et marquant. Et, si l’on cherche une version moderne de ce drame familial de l’Amérique profonde, je ne peux que conseiller de revoir le magnifique Brokeback Mountain, plus courageux dans son propos et dans sa forme.

The BFG

De Steven Spielberg, 2016

Premier grand flop de la carrière de Steven Spielberg. Rentré tout juste dans ses frais de production (140 millions de budget, hors marketing, pour 175 millions de recettes en salle), il fallait remonter loin dans la filmo du roi des entertainers pour observer pareille déconfiture. Seul le très sérieux Munich, il y a quelques années, et le très oublié (mais pas oubliable) Empire of the Sun, il y a quelques décennies, n’ont pas réussi à au minimum doubler leur mise de départ. Et le BFG (BGG dans les contrées francophiles) fait moins bien que ces deux ainés.

Mais ceci est-il justifié ? Spielberg, après War Horse, Lincoln et The Bridge of Spies, voulait retourner à quelque chose de plus léger, de plus enfantin. Et quoi de plus logique, sur le papier, que de ressortir le vieux dossier de l’adaptation cinématographique du Bon Gros Géant, classique de la littérature pour enfant anglo-saxonne, signée par Roald Dahl en 1982, et qui taraudait Hollywood depuis le début des années 90. Surtout après les multiples adaptations, en live ou en animation, de James et la grosse pêche, de Charlie et la Chocolaterie ou encore de Fantastique Maître Renard.

Spielberg n’ayant pas pour habitude de s’approprier une œuvre de manière aussi marquée que Tim Burton ou Wes Anderson, on pouvait donc s’attendre à un spectacle bon enfant, dans la droite lignée de Hook ou d’E.T. Malheureusement, comme Hook, The BFG suscite davantage les ricanements que les applaudissements. Accusé d’être assez faible, trop simple et daté, The BFG n’a pas été épargné par la critique et n’a certes pas bénéficié d’un bouche-à-oreille positif.

Et pourtant. Moi qui suit un défenseur de Hook devant l’éternel et qui fut un lecteur assidu des romans de Roald Dhal, je trouve le procès injuste. Bien sûr, The BFG n’est pas une œuvre à la manière d’un Shindler’s List ou Saving Private Ryan. Et, bien sûr, il ne marquera pas l’histoire de l’entertainement comme a pu le faire Jurassic Park premier du nom. C’est un film gentil, honnête, beau, poétique et simple. Et qui contient suffisamment de blagues sur l’aérophagie pour dérider le plus sérieux des enfants. Car, oui, ne l’oublions pas : c’est un film pour enfant. Il n’y a pas ici de sous-texte parodique ou de double-sens comme dans nombre de dessins animés de ces deux dernières décennies.

C’est un conte, un conte merveilleux où une petite orpheline devient l’amie d’un gentil géant dont la passion est de faire « faire de beaux rêves » aux enfants du monde. Un géant qui souffre des coups et humiliations des autres géants du pays des géants, beaucoup plus grands que lui et beaucoup plus fidèles à l’image que l’on peut se faire de l’ogre dans les contes traditionnels. L’histoire de deux rejetés, de deux marginaux, qui s’allieront pour transformer leurs vies.

Et quel meilleur réalisateur que Spielberg pour tourner cela ? Bercé par une musique symphonique du fidèle John Williams, photographié par le non-moins fidèle Janusz Kamiminski, Spielberg se plaît à filmer une histoire d’enfance contrariée (comme dans à peu près tout ses films), de lutte du faible contre le fort, d’héroïsme quotidien. Et ça fonctionne : tout cela est très beau, très bien monté et rythmé, et très bien joué. Mark Rylance, malgré la performance en motion capture, interprète à la perfection le bon gros géant, développant entre autre une formidable syntaxe approximative où les mots se mélangent les uns aux autres de manière toujours ludique, comme dans le roman d’origine. Ruby Barnhill, la petit Sophie, est très à l’aise devant la caméra et campe très bien l’orpheline débrouillarde et grande gueule. Tous les autres géants, malgré un temps d’écran fort réduit, ont une personnalité propre, eux-aussi.

Mais qu’est-ce qui ne marche pas, dans ce cas, me direz-vous ? Et bien je l’ignore. Peut-être le film est-il « trop » simple ? Ne correspond-t-il plus aux canons de l’époque ? Je mettrais ma main à couper que si le film était sorti au début des années 80, il occuperait une place de choix dans notre dvd-thèque, entre les Goonies, Retour vers le futur et autre Indiana Jones. C’est probablement le signe que Spielberg a vieilli. Et que j’ai vieilli également. Dommage pour ce film, qui n’est certes pas un chef d’œuvre intemporel, mais un divertissement de très bonne facture qui émerveillera à coup sûr les plus jeunes d’entre nous. En bonne et due forme. 🙂

Shin Godzilla

De Hideaki Anno et Shinji Higuchi, 2016

Après son incartade américaine, spectaculaire mais finalement assez convenue, le lézard géant est de retour sur les terres de sa genèse. Après de (trop?) nombreux épisodes relativement passables où le dinosaure nucléaire s’érigeait en justicier intergalactique, sauvant les bambins nippons des affres d’autres monstres géants dignes de sentaïs peu inspirés, parfois secondé par inénarrable Mothra, la mite géante, l’idée de ce reboot était de retourner au matériau original, le Godzilla de 1954.

Et ce retour aux sources l’est à plus d’un titre. Non seulement Godzilla est à nouveau joué par un acteur en costume (bien que largement aidé par des effets spéciaux de bonnes factures qui parviennent à lui éviter le ridicule), mais il est également à nouveau le méchant. Enfin, le méchant.. Si l’on considère qu’un phénomène naturelle peut être méchant, bien sûr. Et surtout, au-delà de cet antagonisme narratif classique, c’est aussi le retour du nucléaire. Là où le film de Gareth Edwards de 2014 mentionnait dans son prologue les essais nucléaires comme possible genèse au lézard géant, ce Shin Godzilla est relativement explicite. Si la version de 1954 était une parabole de la bombe H, cette version de 2016 sera la réification de la catastrophe de Fukushima.

Les motivations de Godzilla ne sont à aucun moment discutées ou évoquées dans ce reboot. Celui de 2014 se réveillait pour se nourrir des autres kaijus libérés. Celui de 2016 se réveille et traverse simplement, en droite ligne, le pays où il émerge. D’ailleurs il ne se montrera réellement violent que lorsqu’on l’attaquera. Avant ça, il se contentera d’avancer, tel un typhon, devant lui, causant ravages et destructions.

Mais, finalement, tout ceci n’est pas le réel propos du film. Hideaki Anno, l’inventeur/réalisateur d’Evangelion il y a maintenant plus de 20 ans, profite de l’occasion, en tant que co-réalisateur, pour filmer ses lubies habituelles : Shin Godzilla est un film sur le pouvoir, sur la politique, sur l’administration, avant d’être un film de monstres géants. La quintessence du kaiju, le bien nommé Godzilla, n’est en fait qu’un prétexte pour se lancer dans une critique du monde politico-administratif japonais actuel. Figé dans l’inaction, disposant de moyens dérisoires face à la menace, les politiques et hauts fonctionnaires qui se succèdent à l’écran sont autant d’échos à la gestion gouvernementale catastrophique du Japon dans les premières heures et les premiers jours qui suivirent l’incident de Fukushima.

Confronté à l’inefficacité de leur pseudo-armée, à un interventionnisme autoritaire progressif du grand frère américain, les protagonistes passent finalement leur temps à créer des alliances, faire des paris politiques improbables et à se démarquer pour s’assurer une place de première vue dans l’après-crise. Le sort de leurs concitoyens ne les inquiètent que très peu ; on pourrait même penser que Godzilla n’est finalement qu’un obstacle (et une opportunité?) dans leur gestion de carrière.

Cette déshumanisation de la catastrophe, représentée par de très longues scènes de dialogues et de réunions entre armée, experts, scientifiques, politiques et hauts fonctionnaires, contrastent violemment avec les images de destruction pure (certainement dans la seconde moitié du film) lorsque la caméra s’attarde sur le dieu lézard.

Anno et son coréalisateur Shinji Higuchi (scénariste d’Evangelion, qui s’était déjà frotter à du live-action avec quelques réalisations plutôt confidentielles hors-Japon) nous livrent donc un reboot totalement à contre-courant de ce que l’on pouvait raisonnablement attendre. La star du film, dans un design plus effrayant que jamais, n’est en rien plus froid que la brochette d’acteurs principaux, d’Hiroki Hasegawa l’idéaliste à Yutaka Takenouchi, le manipulateur. A l’instar du Gendo d’Evangelion, chaque personnage développe son propre agenda en dépit de (ou grâce à?) la crise.

Et ils maîtrisent assez bien la caméra pour en faire une réussite formelle, par la même occasion. Disposant d’un budget restreint (15 millions de dollars US, soit exactement 10 fois moins que son prédécesseur américain), ils sont cependant parvenu à tourner un film catastrophe réaliste, sobre, avec un aspect réaliste très prononcé pour démontrer qu’il ne s’agit presque pas d’une fiction. Ils ont par ailleurs globalement bien casté les divers rôles, à l’exception sans doute de la très énervante Satomi Ishihara à l’accent anglais simplement risible (le personnage qu’elle joue étant sensé résider aux USA). On ne peut que regretté qu’ils n’aient bénéficier que de deux heures pour développer leur récit, mettant de côté de nombreux personnages annexes qu’ils auraient sans doute épaissis dans un format plus long. Je pense en particulier à la bande de scientifiques marginaux, tous plus excessifs les uns que les autres. En somme : un regard neuf sur le kaiju movie qui mérite certainement une vision pour peu que l’on accepte aussi de réfléchir, entre deux séances de destructions d’immeubles.

PS: [SPOILER] Et si quelqu’un peut m’éclairer sur les dernières images du film, sur les espèces d’étranges humanoïdes naissant de la queue de Godzilla, je suis preneur… [/SPOILER]

La Tortue Rouge

De Michael Dudok De Wit, 2016

Film d’animation muet produit par le Studio Ghibli, Arte et l’argent public français et belge, La Tortue Rouge est, tout simplement, un chef-d’œuvre. J’utilise rarement le terme, de peur d’en galvauder le sens, mais là, je manque d’alternatives, de synonymes. Et je n’use que rarement de superlatifs. C’est aussi un OANI (d’Objet Animé Non-Identifié, vous l’aurez compris) : 1h20, animation à la main, muet ou, en tous les cas, sans dialogue. Est-il besoin d’en dire plus ?

Oui, bien sûr. La Tortue Rouge est une réussite tant formelle que sur le fond. La poésie qui se dégage de cette histoire simple, racontée avec les techniques de l’animation traditionnelle et un dessin épuré, est simplement inénarrable. L’histoire, pour y revenir, est limpide de simplicité : un homme, naufragé, s’échoue sur une île déserte. Alors qu’il tente de s’échapper sur un radeau de fortune, une grande tortue marine rouge détruit son embarcation de fortune trois fois de suite, comme si elle souhaitait le retenir sur l’île déserte. De frustration, l’homme tue la tortue en la retournant sur son dos lorsque celle-ci accoste l’île. Alors qu’il est pris de remord face à son acte, le tortue se transforme en femme. Et la suite ne fait que confirmer qu’avec une histoire simple, on peut toucher à la perfection.

Allégorie de la vie dans ce qu’elle a de plus belle, de plus triste, de plus essentiel, le très confidentiel néerlandais Michael Dudok De Wit, réalisateur de dessins animés méconnus depuis plus de 25 ans, est parvenu à résumer en 80 courtes minutes ce qui fait de nous des hommes. La passion s’y affiche sous toutes ses déclinaisons : la colère, la résignation, la dépression, la peur, la joie, l’amour, bien sûr. Et tout cela sans une parole. Les visages et les expressions du corps de trois personnages (car oui, désolé pour le spoiler, mais un enfant naîtra), pourtant esquissé par les quelques traits d’un character design épuré, suffisent à faire passer ces émotions sans l’ombre d’un doute. Universel comme peut l’être l’animation, la Tortue Rouge réussi son paris sur toute la ligne : le spectateur, pour autant qu’il soit ouvert à une œuvre contemplative, est emporté de bout en bout.

Concernant l’animation en tant que telle, le dessin dépouillé de ce décors unique, plage, mer, ciel, forêt de bambous, est magnifié par des aplats de trames changeantes éclairées avec génie. Les ciels étoilés, par exemple, sont des œuvres d’art en eux-mêmes. Il n’y a aucun doute que le producteur artistique du film, nul autre qu’Isao Takahata, le second homme du Studio Ghibli, auteur des magnifiques Princesse Kaguya, La famille Yamada, Ponpoko ou encore du Tombeau des Lucioles, y est pour quelque chose.

Car, bien que réalisé et scénarisé par un néerlandais, animé par des équipes françaises essentiellement et produit par Arte, France Télévision et la RTBF, il s’agit bien d’un film des Studio Ghibli. Un article intéressant du premier numéro d’Ôtomo, la déclinaison japonaise/asiatique du toujours très recommandable mook Rockyrama, se posait la question du futur de la « grande » animation japonaise après la retraite du géant Hayao Miyazaki. L’article, qui regrettait que l’animation japonaise semblait se résumer aux œuvres du père de Nausicaa après les coups d’essai non confirmés de Mamoru Oshii, d’Ôtomo lui-même ou du regretté Satoshi Kon, l’article, disais-je, se posait la question de l’avenir des Studio Ghibli. Il se clôturait en se demandant si le célèbre Studio ne devait pas finalement se réinventer en transcendant son particularisme nippon, comme il semblait vouloir le faire en produisant La Tortue Rouge. Au vu du résultat, oui et trois fois oui.

C’est d’autant plus dommage que le film, nommé aux oscars en 2017, s’est incliné devant Zootopie, œuvre qui, bien que réussie, me semble nettement plus conventionnelle. La Tortue Rouge aurait pu être le digne successeur du Voyage de Chihiro (2003, déjà), là où le Château ambulant s’était incliné face aux Studio Aardman et à leur excellent Wallace & Gromit : Le Mystère du Lapin Garou, où le Vent se lève s’est incliné face au blockbuster La Reine des Neige et où Le Conte de la Princesse Kaguya s’est incliné face au nettement plus moyen Les Nouveaux Héros. La reconnaissance qu’elle mérite ne lui sera donc pas accordée, malheureusement.

L’on peut se consoler en se disant que La Tortue Rouge restera alors, d’ici quelques années, comme un succès d’estime oublié que seuls quelques passionnés se rappelleront. Je ne peux que vous souhaiter d’en faire partie. Du fond du cœur.

Rasta Rocket

De John Turteltaub, 1993.

Pour démontrer à l’éventuel lecteur égaré que je ne suis pas (qu’un) nostalgique, il me fallait trouver une œuvre de mon enfance et la passer à la moulinette de mes yeux d’adulte. Et ça fait mal, la moulinette.

Pur produit Disney-en (comme Star Wars ou les Avengers, les amis), Cool Runnings, plus connu sous nos latitudes sous le titre évocateur de Rasta Rocket, nous conte les aventures de la première équipe de bobsleigh jamaïcain, aux jeux olympiques d’hivers de Calgary, Canada, en 1988.

Y’a-t-il réellement besoin d’en dire plus sur l’argument scénaristique ? Non, j’imagine. C’est donc parti pour 1h30 (le format type des années 90) de délires sportivo-moralistes, façon anime de sport pour garçon (genre Olive & Tom, Jeanne & Serge, Prince of Tennis, etc.), le côté coloré de la Jamaïque en plus. Bourré de bons sentiments et de messages assenés aussi subtilement qu’un éléphant traverse un magasin de porcelaines.

Scoré de manière étonnamment positive sur Rotten Tomatoes, Rasta Rocket est l’exemple type du divertissement familial qui a mal vieilli. Le parangon du film pour enfants qui pense devoir adopter un ton enfantin. Pourtant non ! Le cœur de cible du spectacle ne devrait pas avoir à dimensionner la forme et le fond. Je ne dis pas qu’il faut montrer Reservoir Dogs à son gosse de six ans, mais, s’il vous plaît, faut pas le prendre pour un con non plus. Chérie j’ai rétréci les gosses a des personnages plus développés que Rasta Rocket ! Et au moins il n’a pas l’ambition d’être un film à message, comme ce torchon carabéo-alpin l’a malheureusement.

Commis par le brave faiseur John Turteltaub (à qui l’on doit les très convenus mais néanmoins agréables Benjamin Gates), Rasta Rocket résiste mal à l’épreuve du temps. Le rythme du montage, la rapidité des dialogues, la naïveté et l’uni-dimensionnalité des personnages ont beaucoup de mal à passer en l’état de nos jours. Le film est même insultant, dans une large mesure, pour la Jamaïque et les jamaïcains. Tous présentés comme « de grands enfants » (opinion que je ne partage évidemment pas, cela va sans dite) irresponsables et crétins, les quatre protagonistes principaux sont tous plus clichés les uns que les autres. Prix spécial au Carlton de pacotille qui surjoue toutes ses scènes à coup de mimiques ridicules.

Finalement, seul le débonnaire et regretté John Candy, à la filmographie de séries B et de rôles secondaires beaucoup trop courte, s’en sort, par la seule force de sa gueule d’acteur et de ses talents intrinsèques de comédien. Tout le reste, d’une mise en scène poussive à un scénario tiré d’une histoire vraie mais qui prend d’énormes libertés avec ladite histoire vraie (non, ce ne sont pas des coureurs, mais bien des militaires jamaïcains, non, ce n’est pas une histoire de revanche sur la vie, mais bien une opération publicitaire que de monter une équipe de bobsleigh jamaïcaine, non, l’entraîneur n’est pas un ancien champion repentant, non, ils n’ont pas concouru qu’en bobsleigh à quatre, mais aussi à deux, et le font depuis lors à chaque olympiade, non, ils n’ont pas été classé huitième au deuxième essai, mais bien 24ème, non, ils n’ont pas fini avec l’équipe des quatre d’origine, mais bien avec un remplaçant qui n’était jamais monté dans un bobsleigh de sa vie deux jours avant la quatrième manche et non, ce n’est pas la belle histoire du sport qui fait qu’on s’est intéressé à eux, mais simplement le fait que la télé américaine n’avait rien à raconter pendant sa couverture live suite à la défaite de l’équipe de hockey sur glace US dont la programmation était aux mêmes heures que le bobsleigh à quatre qui fait qu’une attention médiatique leur a été accordée), tout le reste, disais-je, ne mérite pas qu’on s’y attarde plus de 5 minutes.

Et je vous épargnerai mon avis sur Il faut sauver Willy!, les innombrables Bethooven, Space Jam et autres films du même acabit… 😉