John Wick: Chapter 4

De Chad Stahelski, 2023.

Il y a déjà un certain temps, je disais dans ce blog à la fin de ma courte critique sur le troisième opus que : « […] ce troisième chapitre s’approche très souvent de l’excès. A force de vouloir en mettre beaucoup (de combat, de couleurs improbables, de règles bizarres, de décors torturés), on risque d’en mettre trop. L’overdose du genre n’est pas loin. Espérons que le quatrième (et dernier ?) chapitre saura se recentrer sur l’essentiel et éviter le délire stylistique. » Et bien… c’est raté. Le quatrième opus, que j’ai pourtant trouvé mieux maîtrisé que le troisième, en raison de personnages secondaires plus sympathique, tombe dans le superlatif. Toujours plus de baston, toujours plus de délire, toujours plus de style, toujours plus long, toujours plus fort, toujours plus.

A tel point que, pour être honnête, il m’est arrivé quelque fois de regarder ma montre pendant ce quatrième opus. Car, oui, c’est très joli. Oui, niveau action, c’est difficile de faire mieux. Mais j’avais parfois l’impression de me retrouver sur Twitch à regarder quelqu’un faire un run sur le Super Double Dragon de la SNES (petite pointe de nostalgie ; j’aimais finir ce jeu avec un pote à deux manettes quand j’étais gamin. Trop facile, mais très satisfaisant !). Nostalgie passée, disais-je donc, le côté extrêmement long des scènes de (gun-)fight est finalement un peu lassant. Peut-être suis-je, oh comble de l’horreur !, devenu trop vieux pour apprécier cela, mais il y a un côté tragi-comique à voir les méchants hommes de main arriver en continu par grappe de deux ou trois et attendre poliment que le précédent se soit fait dézingué pour à son tour se faire marraver la chetron par un Keanu Reeves toujours aussi efficace.

Le paroxysme de cette logique est même atteint vers la fin du film, dans la scène de l’escalier menant au Sacré-Cœur en plein Paris : après l’avoir grimpé, il doit, très littéralement, recommencer le stage car il s’est pris un pain de trop. Manquait plus que de voir la barre de vie se remplir à nouveau dans le coin haut-gauche de l’écran (ce que Scott Pilgrim vs. the world avait osé, lui, dans son évocation vidéo-ludique). Et je n’ai pu m’empêcher un petit rictus de cynisme en le voyant se relever et recommencer l’ascension avec son pote Donnie Yen (comme le disait le formidable Street Fighter II : « Here comes a new challenger!« ).

Pour l’histoire, pas grand-chose à en dire : John Wick continue sa croisade contre la High Table et essaie de stopper l’escalade de violence qu’il a en fait lui-même provoquer dans les précédents opus. C’est toujours le baba yaga du premier opus (bon, Chad Stahelski s’est un peu planté sur son mythos russe, puisque John Wick n’est pas une femme, mais soit). Il est immortel et bute toujours tous les pignoufs que les méchants lui envoient. Ses potes finissent toujours par mourir. Et à la fin il gagne. Que retient-on donc de ce quatrième épisode ? Les rôles secondaires, sans doute : Bill Skarsgard est impeccable, comme toujours, dans le rôle du salopard classe et stylé. Ian McShane et Laurence Fishburne cabotinent à fond (mais ça marche). Le regretté Lance Reddick reprend son rôle de Charon avec toujours beaucoup d’effet. Au rayon des nouveaux, on a Donnie Yen, qui joue le vieux pote de John Wick (et par ailleurs spécialiste du sabre et aveugle, comme son personnage dans Star Wars ou comme Zatoïchi). Efficace, mais sans plus (Hollywood a du mal à bien utiliser Donnie Yen). Hiroyuki Sanada fait du Hiroyuki Sanada. Clancy Brown joue avec beaucoup de sobriété le nouvel arbitre de la High Table et ça fait toujours plaisir de le voir dans un rôle ou un autre.

J’ai un peu plus de mal avec Shamier Anderson, dont j’ai du mal à saisir l’intérêt comme potentiel allié/ennemi de Wick. Tout comme d’ailleurs Rina Sawayama en tant que fille de Sanada. J’ai vraiment l’impression que Stahelski les a ajoutés au scénar juste pour avoir des pistes à exploiter dans son « cinematic universe » ou son « monde étendu« , concept devenu l’eldorado des boîte de production et qui démontre un certain malaise dans la créativité hollywoodienne. Leurs personnages sont vraiment là pour être exploité dans des spin-offs, en films, série télé ou comics. Du coup, ils n’ont pas vraiment leur place dans ce quatrième opus et ralentissent un développement déjà souvent poussif par des arcs narratifs secondaires qui ne trouvent ni justification ni résolution au sein de ce film.

Bon, je suis assez négatif et ce n’est pas tout à fait juste. Ce quatrième John Wick, comme les trois premiers, se laisse regarder sans problème avec une bonne bière et un paquet de chips. C’est du cinéma d’action bourrin, mais qui continue à en mettre plein la vue. On ne peut que rigoler devant le concept des vestons de costard par balle (avec le bruitage qui va bien), mais en vrai, c’est très marrant à regarder. Je regrette juste que tout ceci se dilue un peu dans un scénar qui met des plombes à avancer. Les scènes d’action sont nerveuses, évidemment, mais le rythme du film est vraiment trop lent : plus de 2h30 pour un scénar qui se résumer à « John Wick à des problèmes, il bute des méchants, un de ses potes est engagé pour le tuer, il est possible de résoudre la situation avec un duel final, on l’organise« , c’est quand même assez long…

Et mon autre problème majeur est [SPOILER ALERT !] que la résolution de ce quatrième opus, qui offrait une fin honorable à la saga avec la mort de Wick et la résolution pour le personnage de Caine/Donnie Yen, est complètement désamorcée par l’annonce à grand fracas médiatique d’un John Wick 5 avec toujours Keanu Reeves dans le rôle-titre. Du coup, la résolution qui se voulait dramatique n’a simplement plus aucun impact émotionnel. Dommage, pour une fois qu’il y avait moyen d’arrêter une saga hollywoodienne avant l’épisode de trop… [/SPOILER]

Pour conclure de manière plus liminaire : John Wick: Chapter 4 est évidemment un bon divertissement et un film d’action spectaculaire. Stahelski continue à enfoncer le clou : il y a moyen de chorégraphier la baston pour la rendre belle, presque artistique. Mais il oublie que le trop est l’ennemi du bien et qu’à nouveau on frise ici l’overdose. Reste à savoir si la franchise pourra quand même se réinventer en explorant des pistes moins spectaculaires mais peut-être plus profonde à travers cette première série télé dont la bande d’annonce est dispo depuis quelques jours (Le Continental, axé sur la jeunesse de Winston). Ils ont déjà eu la bonne idée de caster Mel Gibson dans un univers ultra-violent ; laissons-leur le bénéfice du doute.

Dracula 2000

De Patrick Lussier, 2000.

A l’aulne de mes lectures hivernales, le blog va traverser une petite période vampirique (vampiresque ?) dans les semaines qui viennent. Le silence relatif de ces derniers n’est pas synonyme du fait que je me suis coupé à toutes formes de lecture ou de visionnage, mais bien du fait que je n’ai pas eu (pris ?) le temps de chroniquer ceux-ci. Commençons donc à réparer cela avec un bref billet sur ce chef-d’œuvre ignoré du 7ème art qu’est le Dracula 2000 de Patrick Lussier, sorti dans nos contrées en 2001 sous le titre, ma foi assez logique de « Dracula 2001« . Forcément.

Et si vous lisez entre les lignes une certaine forme d’ironie dans le commentaire du paragraphe précédent relatif à l’indifférence générale dans l’accueil dudit film, vous n’avez évidemment pas tort. Car Dracula 2000 est… comment dire ? Raté ? Le mot est sans doute un peu trop faible pour décrire le naufrage total que représente ce film, pour le mythe du vampire comme pour le cinéma en général. Patrick Lussier, monteur canadien de Wes Craven sur Scream 2, 3 et divers autres opus (en ce compris le Mimic de del Toro, l’un des rares films de sa filmo qu’il désavoue complètement), s’était senti poussé des ailes (de chauve-souris ?) après la sortie d’un premier long signé seul, en l’espèce le troisième opus de The Prophecy (inconnu au bataillon – sorti directement en vidéo). Faiseur aimable, le garçon, malgré l’échec critique et public de son Dracula 2000, s’est entêté et a même signé un 2ème et un 3ème opus à son étron, eux-aussi directement sorti en vidéo, avant de poursuivre avec quelques longs métrages d’horreur, méconnus eux-aussi, sortir dans les années 2000. L’un de ces derniers faits d’arme étant d’avoir co-signé le scénario (une première pour lui) de Terminator Genisys, l’opus qui a définitivement fair perdre tout espoir en la franchise à ses multiples fans. Bref, le garçon a un palmarès en béton : que de la merde. Et de première classe.

Il ne fallait donc pas s’attendre à grand-chose avec cette relecture « cool » du classique de Bram Stoker. 8 ans après l’excellente version de Coppola (portée par un casting de première classe et des idées de mise en scène qui démontre qu’un réalisateur peut effectivement être un artiste), Lussier, Dimension Films et Wes Craven Films se sont dit qu’il était temps de surfer sur le succès de Buffy et de faire rentrer le comte dans le XXIème siècle. D’aller un pas plus loin que Fright Night ou Near Dark (on va y revenir, vous inquiétez pas !), de faire mieux que le Bram Stoker’s Dracula de Coppola ou l’Interview with the Vampire de Jordan et de faire de Dracula un erzatz du premier Blade, sorti 2 ans plus tôt, en conservant cependant les références et l’esprit du roman d’origine.

On retrouve donc Matthew Van Helsing, descendant du célèbre professeur/chasseur de vampire hollandais, en ses bureaux à Londres en cette formidable année du Y2K (Waiting for tonight, ohooohooo, pour ceux qui s’en souviennent… bordel, je suis vieux !). Le descendant, riche antiquaire joué par Christopher Plummer ostensiblement à côté de ses pompes, est bien vite trahi par une assistante vénale qui, avec un bande de potes armés jusqu’aux dents (ce qui n’a aucun sens, pour braquer un antiquaire), va voler un cercueil hermétiquement fermé trouvé dans les caves (littéralement, des caves, même si le décors sonne carton-pâte à 1 million de km, considérant que les murs ressemble à une grotte, mais que le plancher est juste parfaitement lisse) gothiques sous la galerie commerçante londonienne où Van Helsing a ses bureaux. Perdant deux membres au passage, le groupe décide pour des raisons totalement aberrantes, de partir avec le cercueil via un rivière souterraine (mais bien sûr, pourquoi pas ?) et de rejoindre un jet privé (ils sont vachement riches, les voleurs à la petite semaine) les Etats-Unis… Pas de bol pour eux, le bon comte se réveille à l’approche des côtes de la Louisiane (ce qui, quand on y pense et partant de Londres, est une drôle de porte d’entrée, mais soit, la Nouvelle-Orléans, c’est tellement chic !) et tue tout le monde à bord, causant le crash de l’avion quelque part dans les Everglades.

S’en suit alors une chasse à l’homme assez improbable où Van Helsing (que l’on découvre être évidemment le Van Helsing d’origine, survivant toutes ces années grâces à des transfusions de sang de Dracula, raison pour laquelle il le gardait dans sa cave jusqu’à la découverte hypothétique d’une manière de tuer le comte) et son assistant, Simon, vont tuer un à un les vampires grandguignolesques créés par Dracula dans sa fuite, dignes de la première saison de Buffy, en ce compris les trois succubes du roman d’origine. Et quelle est la motivation de Dracula dans tout ceci ? Eh bien il veut retrouver sa « fille » naturelle, qui est en fait la fille d’Abraham Van Helsing (beeeek, Abraham devait avoir genre 200 ans quand il fait sa gamine avec la mère de la fille en question… Eeeek !), dans le sang de laquelle coule le sang du Comte (en raison des transfusions, vous suivez ?), faisant d’elle le premier vampire « naturel » après le Comte lui-même. Mais attention, accrochez-vous à vos baskets, car le film ne s’arrête pas là pour tordre le lore du Dracula d’origine. Ici, il n’est nullement question d’un Prince des Carpathes. Dracula n’est nul autre que Judas Iscariote, ce qui explique son aversion pour les croix et pour l’argent (les trente deniers sont supposément des pièces d’argent). On cherche encore le rapport avec l’ail et le soleil, mais soit.

J’oubliais encore un élément essentiel du récit : la fille de Van Helsing, Mary (jouée par Justine Waddell) travaille dans un Virgin Megastore (la pub est valide, puisque ça n’existe plus entretemps, à ma connaissance – Edit : ah, ben si !). Important car vous verrez le logo de Virgin un très très grande nombre de fois dans le film, que vous le vouliez ou non. Dans le genre, difficile de faire moins subtil, comme placement de produit (de marque, en l’occurrence).

En deux mots, vous l’aurez compris, c’est bien bien naze. Réalisé avec les pieds, cheap au possible et très mal joué par une brochette d’acteurs inconnus au bataillon. J’exagère sur ce dernier point : Dracula est en effet joué par nul autre que Gerard Butler. Jeune et présenté comme un éphèbe, mais ça ne marche quand même pas. Je m’attendais à tout moment à le voir balancer des high-kicks au son de (prendre un accent écossais exagéré ici) « This is Transylvania !!!« . J’ai de la peine, finalement, pour Christopher Plummer, acteur prolifique qui a joué dans nombre de bons films. Il devait avoir réellement des problèmes d’argent pour commettre un nanar pareil. Mais aussi pour Jonny Lee Miller, dont on a voulu ici faire le premier rôle masculin et une sorte de super-héros chasseur de vampire. Le brave homme aurait mieux fait de reste chez Danny Boyle (c’est le Sick Boy de Transpotting) et de ne pas se lancer dans une carrière solo d’action hero…

Concluons par le fait que le film est non seulement raté dans sa forme et dans son exécution, il est également raté dans ses intentions. A aucun moment Dracula n’est effrayant, pas plus que séduisant. Les rares moments d’intensité dramatiques sont désamorcés par une vanne nulle qui tombe à plat mais qui est tellement dans l’esprit des comédies « cool » de la fin de années 90. On est réellement face à une série Z plutôt qu’à une série B. Un bon nanar peut faire rire, celui-ci n’est qu’affligeant. Mesdames et messieurs, écoutez mon conseil : même si comme moi vous êtes curieux par nature, passez votre chemin.

The Adam Project

De Shawn Levy, 2022.

Le dernier né des longs produits par et pour Netflix rassemble pour la deuxième fois en deux ans Ryan Reynolds (qui les enchaîne…) et Shawn Levy, après le sympathique Free Guy en 2021. Le réalisateur des très efficaces La Nuit au Musée (mon gamin adore !) laisse cette fois-ci tomber le monde des jeux vidéo pour se lancer dans un film d’aventure de SF qui mêle histoires de famille, voyage dans le temps et vannes cyniques « à la Ryan Reynolds« . Autant dire que Netflix ne prend aucun risque : ils enchainent les valeurs sûres pour réaliser un carton en streaming. Et je suis sûr que ça marchera. Quelques semaines (mois ?) après le grand succès de Red Notice, le studio rempile donc à Reynolds qui fait du Reynolds et remplace The Rock par un gamin et Gal Gadot par Zoe Saldana. Pour la bonne mesure, ils ajoutent même Mark Ruffalo dans un rôle de scientifique un peu barré, pas tellement éloigné du Bruce Banner qu’il incarne dans la saga Marvel.

Et si le film est un divertissement inoffensif et sympathique – je ne me suis honnêtement pas embêter en le regardant, même si je n’ai jamais été le moins du monde surpris, le principal reproche que l’on peut lui faire est et reste son manque de courage. C’est l’exemple parfait d’un film de marketeux. Même s’il ne s’agit pas d’une adaptation, d’une suite ou d’un remake, ce qui est un bon signe, le film enchaîne les scènes convenues avec les gimmicks de réalisation qui ont marché dans tous les blockbusters à succès de ces dernières années. On dirait le résultat d’une séance de brainstorme entre consultants lambda qui ont écrit sur des post-its toutes les idées qu’ils aimaient bien chez Marvel, DC et autres dans la liste de 10 films le plus rentables au box-office depuis 2015. Ryan Reynolds qui lance vannes cyniques sur vannes cyniques ? Check ! Scènes de baston systématiquement soutenue par une musique un peu oubliée des années 80/90 qui désamorce le côté violent ? Check ! Conflit paternel larvé façon Spielberg ? Check ! Et on peut continuer la liste à l’envie.

Le résultat des courses est qu’on a un sous les yeux un film qui manque singulièrement d’âme. Lorsque Levy s’échinait sur les Nuits au Musée, au moins proposait-il un divertissement pour enfant sincère qui amenait quelques idées nouvelles. Même dans Free Guy, dont le mécanisme scénaristique complet est pourtant un copier-coller « cool » du Truman Show, Levy apportait quelques bonnes idées de mise en scène et exploitait mieux le côté benêt naïf de Reynolds. Dans cet Adam Projet, non, rien de cela. Le pauvre gamin qui joue la version jeune de Reynolds aurait pu être l’homme providentiel qui sauvait le film, insérant une dynamique amusante et enfantine dans la logique éculée du buddy movie, mais même là, ça ne fonctionne pas vraiment. Au-delà de ne pas être très agréable et pas très réaliste (son cynisme est excessif pour un gamin de 13 ans et n’est là que pour bien insister sur le fait que c’est Ryan Reynold jeune), son personnage n’apporte pratiquement rien au récit et assistera a la plupart des évènements comme un spectateur extérieur qui traîne dans les pattes de sa version adulte.

On ne va pas s’épancher sur les problèmes de scénar liés au voyage dans le temps, puisqu’il s’agit d’un divertissement qui n’a pas pour ambition de creuser son sujet. S’il fallait résumer l’intrigue, on pourrait se contenter de dire que Ryan Reynolds (le Adam du titre) vit dans un futur pas très amusant et revient dans le passé pour essayer de sauver sa femme disparue quelques années plus tôt dans les méandres du temps. Pas de bol, il revient en 2022 et non en 2018 et tombe sur son moi jeune, qu’il est obligé d’emmener avec lui alors même qu’il est poursuivi à travers le temps par une ancienne associée de son père qui contrôle la société future, visiblement. Ça tire dans tous les sens contre des méchants masqués des pieds à la tête pour les gamins, y’a des références à Star Wars pour et des blagues toutes les cinq minutes minimums pour papa et, enfin, des moments d’émotion pour faire pleurer madame. Le tout assez bien produit et filmé pour faire passer à tous un dimanche après-midi sympathique en famille.

Le problème est qu’en voulant plaire à se point à tout le monde, le film se noie dans une relative médiocrité scénaristique qui rend l’ensemble particulièrement oubliable. Je ne doute pas que le film va réaliser un carton sur la plateforme de streaming. Mais il est tellement intrinsèquement fade qu’il sera oublié dans quelques semaines seulement. Le genre de de film qu’on finit avec le commentaire suivant : « ah ! c’était sympa… bon… qu’est-ce qu’on regarde ?« 

La science fait son cinéma

De Roland Lehoucq & Jean-Sébastien Steyer, 2018.

Le premier volume de la collection Parallaxe m’avait, pour une raison x ou y, échappé il y a quelques années lors de sa parution originale. Pourtant, le programme est alléchant : des scientifiques qui s’attaquent à la représentation de la science-fiction au cinéma. Considérant que je regarde majoritairement des films de SF ou des films fantastique et que le principe même du « mythbuster« , popularisé par le programme télé de Discovery Channel du même nom, me séduit, le livre était fait pour moi. C’est d’autant plus agréable de constater que Lehoucq et Steyer, malgré leurs cursus universitaires impressionnants, ne se prennent pas au sérieux. Ils manient en effet avec brio l’humour pour porter leur propos.

En résumé, la mécanique du bouquin est assez simple à saisir : les auteurs analysent scientifiquement la véracité/crédibilité de ce que l’on nous montre à l’écran dans quelques grands films de science-fiction des 30 dernières années. Et, évidemment, ça coince à tous les étages. Je ne vais pas faire l’exercice de citer l’ensemble des films qui passent au gril, mais pour donner une idée du contenu, je ne peux m’empêcher de donner deux exemples qui m’ont frappé particulièrement (attention, ça va forcément spoiler !). Le premier concerne le Gravity de Cuaron. Le film, qui se veut réaliste, mésestime un élément important auquel je n’avais jamais réfléchi : il est impossible que les débris du satellite qui viennent frapper la station au début du film reviennent la frapper une seconde fois, en fait. Simplement parce que l’orbite des débris n’est pas stable et que ceux-ci s’éloigneront invariablement de l’orbite de la station, de l’ordre de quelques degrés (ce qui donne tout de suite quelques kilomètres de différences, hein) soit vers la Terre, soit vers l’espace. Du coup, le compte à rebours auquel Clooney et Bullock font face n’est simplement pas réaliste.

Deuxième exemple, toujours dans un film qui se veut réaliste (jusqu’à un certain point) : le trou noir de l’Interstellar de Nolan. Malgré le fait que le réalisateur se soit adjoint les services d’un spécialiste mondialement reconnu en la matière, la liste des incohérences et des imprécisions (dans la représentation graphique comme dans les effets du trou noir sur les objets stellaires qui l’entourent, humains compris) est en fait trop longue pour être détaillée. Et ce ne sont que deux exemples parmi les dizaines de films qui sont passés au crible par nos deux compères. Citons entre autres Prometheus, Seul sur Mars, Godzilla, The Thing ou encore Ant-man et Pacific Rim. Il y a là des problèmes que l’on connait ‘instinctivement‘ (non, un être biologique de la taille de Godzilla ou d’un kaiju ne peut en fait pas vivre sur Terre ; l’apesanteur et la pression atmosphérique leur rendraient tous mouvements simplement mortels, sans parler de l’impossibilité de leur régime alimentaire ! Et, dans le même registre, la quantité d’énergie, même nucléaire, qui serait nécessaire à faire fonctionner des robots géants de la taille de ceux de Pacific Rim est tellement ridiculement élevé qu’il serait tout bonnement impossible de les faire bouger !) et d’autres que l’on ne soupçonne pas si l’on ne se pose pas deux minutes pour y réfléchir (Interstellar, donc, mais aussi l’anthropomorphisme désespérant dont l’écrasante majorité des représentations d’aliens, qui ne colle pourtant pas avec le développement de vie intelligente ‘alternative‘).

Et Lehoucq et Steyer de nous faire remarquer tout cela avec un amour certain pour le matériau de base. Si leur but est réellement de réfléchir « comme des scientifiques« , ils n’en demeurent pas moins des spectateurs qui sont conscient qu’il existe quelque chose appelé la suspension de l’incrédulité lorsqu’on se prend un paquet de pop-corn dans une salle obscure. Si leurs démonstrations cassent un peu la magie de certains films, ils sont aussi bien conscient qu’un film comme Pacific Rim n’entends aucunement être réaliste et que ce n’est donc pas son propos. Mais quel petit garçon (ou petite fille, soyons inclusif !) ne s’est jamais rêvé à la tête d’un robot géant pour défendre l’humanité contre des extra-terrestres démoniaques arrivés d’une autre dimension ! Simplement, Lehoucq et Steyer nous disent que le robot géant ressemblera plus probablement à un tank (ou à des petits drones, c’est encore plus efficace) et que ces monstres géants, s’ils ont cette taille, feraient mieux de rester dans l’eau (et, si possible, pas dans la fosse des Mariannes, comme Pacific Rim nous le fait croire, car ils imploseraient tout simplement sous l’effet de la pression sous-marine… :-))

Lehoucq et Steyer sont aussi des amateurs de cinéma et, à ce titre, n’hésitent pas à tacler les films qu’ils apprécient moins, pour utiliser un euphémisme. La grande victime de leur bouquin n’est autre que Prometheus, dont ils critiquent à peu près tout, de la réalisation, au design en passant par le scénario et le jeu des acteurs. On sent bien qu’Alien fut un film important pour eux dans la construction de leur passion pour le cinéma et la science et qu’ils ont assez mal vécu l’élucubration délirante d’un Ridley Scott sur le retour (bien que d’autres critiques crient au génie devant Prometheus, qui m’a personnellement laissé franchement indifférent, tout comme sa suite). Mais ces écarts plus critiques ne sont pas légions. Lehoucq et Steyer restent la plupart du temps sur leur cahier de charge : débusquer ce qui est vrai, ce qui est approximatif et ce qui est totalement à côté de la plaque scientifiquement parlant dans les blockbusters de SF récents et moins récents. Et, comme vous l’aurez compris : ça marche. C’est ludique, intéressant, documenté sans prétendre à la thèse de doctorat. Moins magistral que les autres bouquins de la collection, ce premier Parallaxe ouvrait, il y a trois ans déjà, la voie à une collection qui parlent aux amateurs de la littérature (et du cinéma) de genre et qui a pour ambition de les (nous ?) rendre plus intelligents. Je cautionne à 100% !

Mortal Kombat

De Simon McQuoid, 2021.

A l’instar de Kamel Debbiche (que ceux qui ne saisissent pas la vanne se tapent rapidement l’intégrale de CROSSED… et de CHROMA), cela va faire 30 ans que j’attends une bonne adaptation de jeu vidéo au cinéma. Et force est de constater que la meilleure adaptation est et reste Scott Pilgrim vs. the World, qui, pour rappel, n’est pas basé sur un jeu vidéo. Quelques années après le World of Warcraft dont j’attendais beaucoup (Duncan Jones a totalement foiré sa life et ne s’en est pas encore remis comme réalisateur) et alors que je n’ai pas encore osé regarder Monster Hunter (de l’ineffable mais increvable Paul W.S. Anderson), les éléments étaient contre moi. Le film des années 90 (signé par… Paul W.S. Anderson, bien sûr !) ayant fait la joie de mon adolescence et les jeux ayant à de nombreuses reprises bousillés mes pouces sur SNES à l’époque, il était inévitable que je me laisse tenter par le nouveau Mortal Kombat.

Et bien, ne laissons pas le suspens s’installer : c’est naze. Naze de chez naze. Ok, il y a bien quelques plans à sauver et quelques gimmicks amusants. Les premières minutes, se passant au Japon médiéval, et voyant l’affrontement de deux ninjas destinés à devenir Sub-Zero et Scorpion sont réellement sympathiques, essentiellement grâce à la présence à l’écran d’Hiroyuki « San-Ku-Kai » Sanada qui, du haut de ses 60 ans, a une classe absolue. Mais on déchante très vite quand on se rend compte qu’on va suivre en fait la trajectoire d’un héros lambda et interchangeable, un certain Cole Young, champion de MMA raté, joué par le musclé mais insipide Lewis Tan. Outre le choix fort étrange d’introduire un nouveau personnage dans la mythologie de Mortal Kombat (sérieux, il doit y avoir dans les 100 personnages joueurs quand tu cumules les 11 itérations du jeu d’origine… pouvaient pas en prendre un dans le tas, là ?), il est assez déplorable de voir rapidement que le bonhomme est en quête de sens, de rédemption et qu’il fait, forcément, passer sa femme et sa fille au-dessus de ses propres priorités.

C’est très sympathique. Mais naaaaaaze. Tellement vu et revu que je me demande encore pourquoi des scénaristes se lancent dans ce genre de débilité. Pourtant le film prend le parti de ne pas nous épargner la violence visuelle du jeu vidéo d’origine, enchaînant les fatalités sanglantes de bon cœur. Le fait d’avoir réalisé le tout sur un budget relativement faible aide également : 55 millions de dollars de production, ça permettait même aux producteurs de laisser tomber le côté bien-pensant et viser le NC-17 (ils ne sont pas passés loin, visiblement). Et malgré cela, ils nous tapent l’histoire d’un type/combattant lambda dont le passé et la vie ne nous intéresse pas, sans parler de l’enjeu émotionnel inexistant de sa quête personnelle. Je plains même le pauvre Lewis Tan qui, même s’il est sans doute plein de bonne volonté, n’a rien aucun dialogue intéressant et n’a que des combats finalement anecdotiques. [SPOILER alert!] C’est lui qui tue un Gôro assez moche dans un « stage » oubliable et peu spectaculaire… [/SPOILER]

Seul le personnage de Kane sauve le film d’un ennui intersidéral. Interprété par le cabotin Josh Lawson comme le comic-relief badass du film, il vole toutes les scènes dans lesquelles on lui donne quelques répliques à balancer. Et ce personnage-là marche à merveille : pas de sentiment, pas de « voyage émotionnel à la con« , il est juste là pour la baston (et le pognon, évidemment). L’ensemble des autres personnages sont plus ou moins oubliables, de Jax à Sonya Blade en passant par Raiden ou Kung Lao. Seul Liu Kang, joué par un Ludi Lin au physique très proche de Bruce Lee, sort son épingle du jeu, en grande partie en raison du traitement un peu différent de son personnage (il est plutôt illuminé comme moine Shaolin, cette fois-ci). Et ne pas l’avoir pris comme héro/personnage principal était ma fois osé, mais pouvait fonctionner s’il avait eu un peu plus de temps d’écran en préparation du véritable Mortal Kombat.

Car de tournoi il n’y en a pas dans ce long métrage. Contrairement à ses maladroits prédécesseurs, le film de Simon McQuoid (dont il s’agit ici de la première réalisation suite à une longue carrière dans la pub) n’entame jamais réellement le tournoi. Au contraire, Shang Tsung essaie ici d’éviter le tournoi en tuant les participants terriens avant le début d’icelui (alors même que son équipe a gagné les neuf dernières éditions… grande confiance dans le collectif, bravo !). Du coup, les combats, bien que chorégraphiés correctement, tombent un peu comme des cheveux dans la soupe et semblent parfois un peu poussifs. On rigolera aux nombreuses références directes aux premiers jeux (du « Come over here! » de Scorpion au « Flawless victory!« ), mais passé le fan service sympathique, le tout sonne un peu creux.

Pire, si les effets spéciaux sont dans l’ensemble correct, les lieux de tournages choisis sont vides et sans personnalité. Quitte à faire du fan-service, j’aurais préféré qu’ils copient davantage de stage des premiers opus du jeu. Ici, on a stage du pont et… c’est tout. Même le temple de Raiden semble tellement générique qu’on sent le carton-pâte à 14 kilomètres. Et je ne vous ai pas encore parlé de l’équipe des méchants. Shang Tsung, le sorcier maléfique, ressemble ici une version cheap de sorcière sortie d’un tokusatsu (je dis bien sorcière, ce n’est pas un typo : ses cheveux longs filasses et ses habits vaporeux et flottants font plus travello à la petite semaine que démon maléfique). Et ses sbires, Mileena, Nitara et Reiko (du lourd, quand on se rappelle les jeux) sont sous-exploités de manière totalement éhontée (bon, pour Reiko, vu qu’il est « joué » par Nathan Jones, ce n’est peut-être pas plus mal…) Côté méchant, donc, seul Kabal sort son épingle du jeu, en parfait miroir de Kano et leurs échanges et combats respectifs sont plus amusants que tous les autres à suivre.

Reste quelques jolis plans avec Sub-Zero, plutôt bien interprété par Joe Taslim, dont je n’ai pas encore parlé. Valeur sûre de la saga et de l’univers de Mortal Kombat et personnage préféré de nombre de joueur, il ne s’en sort pas trop mal et on ne peut que saluer l’idée du scénariste d’avoir inversé le trope habituel de Mortal Kombat en faisant de Scorpion le gentil et de Sub-Zero le méchant. Le film, eu égard à son petit budget, est une réussite au box-office et entraînera certainement une ou des suites dans les années qui viennent. Espérons qu’ils trouveront une équipe technique plus inspirée pour insuffler un peu de vie dans ce qui est, à ce stade, un film d’art martiaux lambda, interchangeable et vite oublié.