De Chad Stahelski, 2023.
Il y a déjà un certain temps, je disais dans ce blog à la fin de ma courte critique sur le troisième opus que : « […] ce troisième chapitre s’approche très souvent de l’excès. A force de vouloir en mettre beaucoup (de combat, de couleurs improbables, de règles bizarres, de décors torturés), on risque d’en mettre trop. L’overdose du genre n’est pas loin. Espérons que le quatrième (et dernier ?) chapitre saura se recentrer sur l’essentiel et éviter le délire stylistique. » Et bien… c’est raté. Le quatrième opus, que j’ai pourtant trouvé mieux maîtrisé que le troisième, en raison de personnages secondaires plus sympathique, tombe dans le superlatif. Toujours plus de baston, toujours plus de délire, toujours plus de style, toujours plus long, toujours plus fort, toujours plus.
A tel point que, pour être honnête, il m’est arrivé quelque fois de regarder ma montre pendant ce quatrième opus. Car, oui, c’est très joli. Oui, niveau action, c’est difficile de faire mieux. Mais j’avais parfois l’impression de me retrouver sur Twitch à regarder quelqu’un faire un run sur le Super Double Dragon de la SNES (petite pointe de nostalgie ; j’aimais finir ce jeu avec un pote à deux manettes quand j’étais gamin. Trop facile, mais très satisfaisant !). Nostalgie passée, disais-je donc, le côté extrêmement long des scènes de (gun-)fight est finalement un peu lassant. Peut-être suis-je, oh comble de l’horreur !, devenu trop vieux pour apprécier cela, mais il y a un côté tragi-comique à voir les méchants hommes de main arriver en continu par grappe de deux ou trois et attendre poliment que le précédent se soit fait dézingué pour à son tour se faire marraver la chetron par un Keanu Reeves toujours aussi efficace.
Le paroxysme de cette logique est même atteint vers la fin du film, dans la scène de l’escalier menant au Sacré-Cœur en plein Paris : après l’avoir grimpé, il doit, très littéralement, recommencer le stage car il s’est pris un pain de trop. Manquait plus que de voir la barre de vie se remplir à nouveau dans le coin haut-gauche de l’écran (ce que Scott Pilgrim vs. the world avait osé, lui, dans son évocation vidéo-ludique). Et je n’ai pu m’empêcher un petit rictus de cynisme en le voyant se relever et recommencer l’ascension avec son pote Donnie Yen (comme le disait le formidable Street Fighter II : « Here comes a new challenger!« ).
Pour l’histoire, pas grand-chose à en dire : John Wick continue sa croisade contre la High Table et essaie de stopper l’escalade de violence qu’il a en fait lui-même provoquer dans les précédents opus. C’est toujours le baba yaga du premier opus (bon, Chad Stahelski s’est un peu planté sur son mythos russe, puisque John Wick n’est pas une femme, mais soit). Il est immortel et bute toujours tous les pignoufs que les méchants lui envoient. Ses potes finissent toujours par mourir. Et à la fin il gagne. Que retient-on donc de ce quatrième épisode ? Les rôles secondaires, sans doute : Bill Skarsgard est impeccable, comme toujours, dans le rôle du salopard classe et stylé. Ian McShane et Laurence Fishburne cabotinent à fond (mais ça marche). Le regretté Lance Reddick reprend son rôle de Charon avec toujours beaucoup d’effet. Au rayon des nouveaux, on a Donnie Yen, qui joue le vieux pote de John Wick (et par ailleurs spécialiste du sabre et aveugle, comme son personnage dans Star Wars ou comme Zatoïchi). Efficace, mais sans plus (Hollywood a du mal à bien utiliser Donnie Yen). Hiroyuki Sanada fait du Hiroyuki Sanada. Clancy Brown joue avec beaucoup de sobriété le nouvel arbitre de la High Table et ça fait toujours plaisir de le voir dans un rôle ou un autre.
J’ai un peu plus de mal avec Shamier Anderson, dont j’ai du mal à saisir l’intérêt comme potentiel allié/ennemi de Wick. Tout comme d’ailleurs Rina Sawayama en tant que fille de Sanada. J’ai vraiment l’impression que Stahelski les a ajoutés au scénar juste pour avoir des pistes à exploiter dans son « cinematic universe » ou son « monde étendu« , concept devenu l’eldorado des boîte de production et qui démontre un certain malaise dans la créativité hollywoodienne. Leurs personnages sont vraiment là pour être exploité dans des spin-offs, en films, série télé ou comics. Du coup, ils n’ont pas vraiment leur place dans ce quatrième opus et ralentissent un développement déjà souvent poussif par des arcs narratifs secondaires qui ne trouvent ni justification ni résolution au sein de ce film.
Bon, je suis assez négatif et ce n’est pas tout à fait juste. Ce quatrième John Wick, comme les trois premiers, se laisse regarder sans problème avec une bonne bière et un paquet de chips. C’est du cinéma d’action bourrin, mais qui continue à en mettre plein la vue. On ne peut que rigoler devant le concept des vestons de costard par balle (avec le bruitage qui va bien), mais en vrai, c’est très marrant à regarder. Je regrette juste que tout ceci se dilue un peu dans un scénar qui met des plombes à avancer. Les scènes d’action sont nerveuses, évidemment, mais le rythme du film est vraiment trop lent : plus de 2h30 pour un scénar qui se résumer à « John Wick à des problèmes, il bute des méchants, un de ses potes est engagé pour le tuer, il est possible de résoudre la situation avec un duel final, on l’organise« , c’est quand même assez long…
Et mon autre problème majeur est [SPOILER ALERT !] que la résolution de ce quatrième opus, qui offrait une fin honorable à la saga avec la mort de Wick et la résolution pour le personnage de Caine/Donnie Yen, est complètement désamorcée par l’annonce à grand fracas médiatique d’un John Wick 5 avec toujours Keanu Reeves dans le rôle-titre. Du coup, la résolution qui se voulait dramatique n’a simplement plus aucun impact émotionnel. Dommage, pour une fois qu’il y avait moyen d’arrêter une saga hollywoodienne avant l’épisode de trop… [/SPOILER]
Pour conclure de manière plus liminaire : John Wick: Chapter 4 est évidemment un bon divertissement et un film d’action spectaculaire. Stahelski continue à enfoncer le clou : il y a moyen de chorégraphier la baston pour la rendre belle, presque artistique. Mais il oublie que le trop est l’ennemi du bien et qu’à nouveau on frise ici l’overdose. Reste à savoir si la franchise pourra quand même se réinventer en explorant des pistes moins spectaculaires mais peut-être plus profonde à travers cette première série télé dont la bande d’annonce est dispo depuis quelques jours (Le Continental, axé sur la jeunesse de Winston). Ils ont déjà eu la bonne idée de caster Mel Gibson dans un univers ultra-violent ; laissons-leur le bénéfice du doute.