The Iron Mask

D’Oleg Stepchenko, 2019.

Également connu sous le nom de :
* Journey to China: The Mystery of Iron Mask
* Viy 2: Journey to China
* The Mystery of the Dragon Seal
* (et probablement un tas d’autres noms en chinois et en russe !)

Comme beaucoup de gens, ma réaction à la vision du trailer de ce film, il y a quelques mois de cela, était bien sûr : WTF ? Ça sentait bon la série B, voire la série Z. Voire ZZZ. Et c’est exactement ça. The Iron Mask, qui est donc la suite du très méconnu La Légende Viy (du même Oleg Stepchenko, en 2014), est un blockbuster sino-russe. On assiste depuis quelques à cette montée en puissance des industries cinématographiques régionales qui tentent de faire du Hollywood avec une couleur locale. Certains pays avaient déjà une longue tradition de cinéma de divertissement (la Chine, l’Inde, etc.), d’autres s’inventent cette ambition nouvelle, comme la Russie. Oleg Stepchenko en est l’un des fers de lance, côté russe. C’est la raison pour laquelle, en 2014, il a adapté une courte nouvelle fantastique de Gogol qui nous conte les aventures d’un cartographe anglais et de ses voyages dans les Carpates au début du XVIIIeme. Et pour en faire une production internationale, Stepchenko avait pris une star internationale (relative) pour jouer le rôle principal : Jason Flemyng (qui jouait le bon docteur Jekyll et son pendant maléfique dans La Ligue des Gentlemen extraordinaires – autre adaptation très tirée par les cheveux et malaimée par à peu près tout le monde) se trouvait donc au sein d’un casting russo-ukrainien qui connut un succès surprise dans son pays d’origine.

Et uniquement dans son pays d’origine. Mais ça a suffi à donner des ailes aux ambitions du réalisateurs qui se mis à plancher sur une suite. Et c’est ce qui donna The Iron Mask, sorti en 2019 dans les pays qui le diffusèrent au cinéma (directement en VOD ou DVD/Bluray dans nos contrées). Comme les ambitions de Stepchenko était de dépasser les frontières russes et de démontrer qu’il pouvait signer un blockbuster ambitieux et international, il a choisi de chercher des financements en-dehors de la mère patrie. Et quelle meilleure idée que de s’associer avec ses voisins chinois et d’attirer davantage de stars internationales au casting ? Du coup, ce qui était une série B russo-russe retint l’attention de la planète cinéma dans son second opus en castant nuls autres qu’Arnold Schwarzenegger et Jackie Chan eux-mêmes ! Et même Rutger Hauer dans un de ces derniers rôles.

Mais… une production sino-russe, même avec pas moins de dix boîtes de production différentes (j’ai rarement vu un pré-générique aussi long avec les dix logos successifs !), n’est pas une production hollywoodienne. Loin s’en faut. Le film s’ouvre donc sur une bouillie digitale immonde, digne d’un jeu Playstation des années 90 – j’exagère à peine, qui est censée nous résumer la légende d’un dragon qui est à l’origine de la culture du thé (si-si, je vous assure). Mais des méchants sorciers ont usurpé le rôle du maître du dragon (Jackie Chan, bien sûr) pour récupérer les fruits de ce commerce fructueux à leur compte, au détriment du bien-être de ce gentil dragon. Puis, on voit un Londres digital tout aussi moche et on découvre que le maître en question est enfermé sous les combles de la Tour de Londres, dans le même cachot que le Masque de Fer. Ce-dernier est en fait, contrairement à ce que l’on imagine, nul autre que le Tsar légitime de toutes les Russies qui a été, à la suite d’un complot dans son pays d’origine, éjecté lui-aussi vers Londres. Comme quoi, le hasard fait bien les choses. Puis, rushé en vingt très courtes minutes, on nous résume le premier film, on introduit le brave cartographe qui fait le lien entre tous ces personnages et toutes ces intrigues et on assiste aussi à un combat d’anthologie entre Jackie Chan et Arnie (qui joue ici le gardien en chef de la Tour de Londres, qui se fight régulièrement avec les prisonniers pour le sport).

Je vous épargne la logique et les incohérences scénaristiques (ou l’invraisemblance de l’ensemble ? je ne sais pas trop comment l’exprimer). Quoi qu’il en soit, passé cette première demi-heure, on tombe dans un film fantastique chinois plus classique où on a une population locale qui lutte contre l’usurpateur (la méchante sorcière qui exploite le dragon du thé, vous suivez ?), avec un casting chinois qui joue en fait les premiers rôles, suppléés par quelques cosaques en voyage et le pauvre Jason Flemyng qui semble un peu paumé dans tout ça. Et l’ensemble de se diriger lentement vers une résolution très classique et méchamment téléphonée.

Bref, vous l’aurez compris, The Iron Mask est un mauvais film. Voir un très mauvais film. C’est mal réalisé, les SFX ne valent absolument rien, le rythme est problématique, le scénario est indigent et la direction d’acteur est lamentable. Il y a quelques moments qu’on peut sauver dans l’ensemble : Schwarzie est en roue libre et trouve l’ensemble très marrant. Du coup, on rigole bien à le voir faire n’importe quoi à l’écran. Le duel avec Jackie Chan dans la Tour de Londres est aussi très bien réussi et très bien chorégraphié. Mais la raison est toute simple : c’est le staff proche de Jackie Chan qui a pris la main sur ces scènes et j’imagine que le brave Oleg Stepchenko s’est assis dans un coin et a laissé faire « ceux qui savent » (et qui ont déjà chorégraphié à peu près 500 scènes de bataille dans la filmographie kilométrique de papy Chan).

Tout le reste démontre une seule chose : il faut avoir les moyens de ses ambitions. Les 50 millions de dollars du budget sont partis essentiellement dans les poches de Shwarzie et de Chan qui trustent l’ensemble de la promo (alors que leur temps d’écran est quand même vachement limité). Les miettes ont été mises sur ce qui aurait dû être l’essentiel : ce que ça raconte et comment on peut le montrer à l’écran. Le film a d’ailleurs fait un four total au box-office, même en Russie. Ce qui est assez logique, puisqu’en déplaçant l’action en Chine, il perd justement son côté régional/national/nationaliste (oui, le raccourci est un peu facile, mes excuses). C’est d’ailleurs amusant de le voir à l’écran : les acteurs parlent tous leur langue. La question est donc de savoir quelle est la version originale ? La version en russe ? En anglais ? En mandarin ? Mystère. J’aurai bien voulu voir une version non-doublée en anglais, mais une version où chacun parlait sa langue. Évidemment cela aura donné des situations pittoresques où les dialogues se font dans deux langues en même temps, mais cela aurait donné une vision plus réaliste du melting-pot culturel que The Iron Mask ambitionnait de devenir. En hésitant entre toutes ces influences, toutes ces pistes et toutes ces cultures, on a donc un film qui rate sur tous les tableaux. Une vraie série Z ridicule, mais avec trop d’ambition et de moyens mal exploités que pour devenir comique par défaut (à l’instar de la grande saga Sharknado et autres copycats). Une belle heure et demie perdue dans ma vie ! 🙂

Birds of Prey

Sous-titré : And the Fantabulous Emancipation of One Harley Quinn

De Cathy Yan, 2020.

Drôle d’idée que de financer une suite au tellement mal aimé (et malmené) Suicide Squad. Mais on peut reconnaître une chose au DC Extended Universe (nom plus ou moins officiel, je pense, à l’instar du MCU), c’est qu’il est résilient. Malgré les mauvaises critiques, malgré les demi-fours au box-office et malgré leurs films souvent foutraques, DC persévère. Il faut préciser que depuis qu’Aquaman a dépassé Wonder Woman au box-office mondial, franchissant la désormais traditionnelle ligne de démarquage du milliard de dollars de bénéfices en salle, tout semble possible, même l’improbable. Alors, oui, pourquoi ne pas se lancer dans l’aventure d’un deuxième Suicide Squad ? Pour éviter, cependant, de retomber sur ce qui fut quand même le film le plus mal aimé de l’univers cinématographique concerné, les producteurs décidèrent de tabler sur un spin-off plutôt que sur une suite directe. Et un spin-off sur le seul personnage qui avait favorablement marqué le public : Harley Quinn.

La fantasque copine du Joker (pauvre Jared Leto…) a en effet tout pour plaire. Elle est jouée par l’excellente Margot Robbie, elle déconne à plein tube, elle lance des vannes en frappant les gens avec sa batte de base-ball ; elle a un charisme qui bouffe l’écran. Sur le papier, c’est gagné. On ne peut donc que comprendre que DC a mis un petit 85 millions de dollars de budget sur la production de ce spin-off, en pensant largement rentrer dans ses frais. Pour surfer sur l’air du temps, ils en ont même profité pour faire un film « girl-power » (à l’instar de ce que Katleen Kennedy a fait avec la dernière trilogie Star Wars), en adaptant non pas un stand-alone sur Harley Quinn, mais bien Birds of Prey, une association de super-héroïnes façon Justice League ou Suicide Squad. Et en confiant la réalisation également à une femme : Cathy Yan, une relative inconnue auréolée seulement de la bonne réception critique de Dead Pigs, son premier long, primé à Sundance en 2018.

Mieux, même. DC et Warner Bros ont tiré des conclusions des relatifs échecs précédents et se sont dit qu’il fallait se rapprocher de Marvel (ce qui m’énerve passablement, mais soit). Pas du trop policé Avengers, mais davantage des productions « délirantes » : le personnage d’Harley Quinn réussira forcément mieux dans un environnement à la Guardians of the Galaxy ou à la Thor: Ragnarok. Plein de couleurs et des vannes toutes les deux minutes. Mieux, encore. Comme ils se fichaient d’avoir un Rated-R (le succès de leur Joker était encore dans toutes les têtes), ils se sont dit : on va faire du délirant, mais avec en plus un humour limite façon Deadpool, car ça aussi, ça marche plutôt pas mal. Bref, le cahier des charges était clair.

Pourtant, avec autant d’influences et de modèle, fallait-il encore que Birds of Prey ait quelque chose à raconter et ait une identité personnelle. Donc, tout ça mis ensemble ne suffisait encore pas. Du coup, Cathy Yan (à moins que ce ne soit la scénariste Christina Hudsonencore une femme !) a choisi de réutiliser ce qu’on n’avait pas vu depuis des années dans l’adaptation d’un comics : l’esprit cartoon. Une partie des méchants et des décors sont donc directement inspirés du Gotham du dessin animé de Batman des années 90, voire de la série télé Batman des années 60. Le côté gore et adulte en plus.

Et ce mix étrange donna Birds of Prey. Un film over-the-top et ultra in. L’histoire tient sur un timbre-poste, bien sûr : Harley se fait larguer par le Joker. Tout ce que Gotham compte de criminels veut donc lui faire la peau après toutes ces années où elle était intouchable en raison de la peur inspirée par son psychopathe d’ex-copain. Et le pire de ces criminels est bien le patron d’une boîte de nuit de la pègre où Quinn étanche sa soif toutes les nuits et super-méchant à ses heures, le très dérangé Black Mask, homo formidable et amateur de torture glauque jouée avec beaucoup de bonheur par un Ewan McGregor qui prend visiblement son pied. Heureusement pour Harley, Black Mask perd un diamant d’une très grande valeur suite à un concours de circonstances rocambolesque, largement provoqué par Harley elle-même, et succombe dans un moment de faiblesse à la requête de la belle et folle blonde : elle va se charger de le retrouver, ce putain de diamant.

Et comme le bonheur ne vient jamais seul, à nouveau un peu par hasard, elle sera aidée par un flic déchue, une fille de mafieux revancharde, une ado pickpocket et une chanteuse à la voix surpuissante. Par les Birds of Prey, qui donnent leur nom au film, donc. Bon, dans l’histoire, y’a une hyène aussi. Parce que c’est cool, les hyènes. Et là, cher lecteur, tu penses bien sûr que je n’ai pas aimé le film. Eh bien détrompe-toi ! Au contraire, je me suis bien marré de bout en bout !

Évidemment, le film est bourré de faiblesse. La première est que le film aurait du s’appeler The Story of Harley Quinn. And, by the way, the creation of the Birds of prey. Il n’y en a que pour Margot Robbie. Les autres actrices sont très sympas et elles font ce qu’elles peuvent dans leur scène, mais, honnêtement, ce sont des faire-valoir, pas des personnages principaux. Il n’y a en définitive que McGregor qui tire son épingle du jeu et fait à peu près jeu égal avec Robbie dans les scènes qu’ils partagent (McGregor cabotinant tellement que cela en devient effectivement jouissif). Et, oui, bien sûr que l’on voit en très gras le cynisme des producteurs qui ont été cherché tout ce qui marchait ces dernières années pour s’assurer un carton. Ça parasite effectivement le film, qui confond parfois influences et lasagnage… D’ailleurs certains paris ne tiennent qu’à moitié, rayon mixage des influences : le film est effectivement classé R, mais je n’ai pas réellement d’idée du pourquoi, par exemple. L’hémoglobine est tellement cartoonesque que je me demande bien à qui elle peut faire peur. Et si les personnages sont de temps à autre vulgaires, on est très loin du nombre de fuck à la minute des buddy movies des années 90 (au hasard : L’Arme Fatale).

Cathy Yan, par contre, s’en sort très honorablement avec une réalisation balancée aux multiples effets visuels et autres gimmick ultra-tendances. Ça va à 100 à l’heure, c’est foutraque au possible et on se fiche de savoir s’il y a une quelconque progression scénaristique, en définitive. Bien sûr ! Ce n’est pas l’objet du film. Du tout. Le but est juste de faire une grosse farce pleine de thunes avec un casting 5 étoiles pour nous amuser avec le max d’exagérations possibles. Certaines scènes de combat sont trop longues et mal chorégraphiées, mais là aussi on s’en fout. Ce qui compte, c’est voir Harley Quinn s’en sortir avec le sourire en cassant un tas de jambes avec des répliques bad-ass. C’est pour ça que je préfèrerai toujours DC à Marvel. Je l’ai déjà dit dans ces colonnes : ils font des films nettement moins formatés qui sont bourrés de défaut, mais au moins, ils tentent quelque chose. Conséquence logique : longue vie à Harley Quinn (et, très accessoirement, aux Birds of Prey) !

PS : pas de bol pour la Warner et pour DC, l’exploitation du film en salle a tourné vachement court en raison du COVID-19. Du coup, avec son petit 200 millions de dollars au box-office mondial, c’est officiellement le plus mauvais film (économiquement parlant) du DC Extended Universe. Espérons que des critiques plutôt positives (chez ceux qui n’ont pas été énervé par le côté bouffon/ridicule du long) et une sortie digitale très rapide vont quand même sauver sa carrière et ne pas enterrer définitivement toutes idées de suite.

Terminator: Dark Fate

De Tim Miller, 2019.

Un sixième Terminator… Était-ce vraiment nécessaire, après la gabegie de l’épisode 5, largement plombé par des acteurs à côté de leurs pompes (comme l’ignoble Jai Courtney, qui tue toutes les sagas dans lesquelles il joue, ou la pauvre Emilia Clarke, qui a du mal à reprendre le rôle iconique de Sarah Connor) ? Ne valait-il pas mieux laisser cette saga tranquille et simplement se rappeler avec bonheur des deux premiers opus ? Le troisième était déjà assez inégal (sauvé essentiellement par sa fin, à contre-courant de ce que l’on pouvait attendre). Le quatrième avait de bonnes idées mais était tiré vers le bas par un scénar franchement bancal. Le cinquième, cf. la première parenthèse : pour ma santé mentale, je préfère ne pas en parler.

Puis vint la lueur d’espoir dans l’œil de tous les fanboys de la planète. C’est le Dieu-des-geeks, l’homme du blockbuster par excellent, James Cameron lui-même qui allait à nouveau se pencher sur la saga qui a lancé réellement sa carrière. Le plan était clair : on oublie les épisodes 3, 4 et 5 et on relance (encore une fois) une temporalité parallèle. Nous aurions alors un nouvel épisode 3, celui que tout le monde espérait depuis plus de 20 ans maintenant. Il fut même question que le pape du box office dirige lui-même ce troisième opus, avant d’assez vite laisser le siège du réalisateur à toute une série de noms différents qui firent pendant quelques mois les choux gras de la presse geek internationale. Finalement, c’est le brave Tim Miller, auréolé du succès surprise d’un film de super-héros résolument adulte, à savoir Deadpool premier du nom, qui écopa de la lourde charge de s’atteler à la légende.

Cameron n’avait pourtant pas totalement déserté le projet : il s’est assis derrière son PC pour nous pondre une première version du scénar. Mais pas seul. Pour reprendre sa série fétiche, il s’est accordé les services de Josh Friedman (scénariste de la série télé de Terminator, du Guerre de Mondes de Spielberg ou encore des prochains Avatar), de Charles H. Eglee (beaucoup de séries télé et des films de série B) et, enfin, de David S. Goyer (qui a scénarisé à peu près tous les films tirés de DC Comics, du Dark Knight en passant par Blade ou Man of Steel). Du solide, donc. Mais, bien sûr, c’est oublier quelque chose : Terminator 2 avait pour ambition de finir la saga. Nous étions à une époque où les scénaristes osait « terminer » une saga sans laisser 150 portes ouvertes pour des suites juteuses financièrement parlant. Du coup, le scénar se suffisait à lui-même. Construire dessus relève donc de l’illusion, de l’inutile par nature.

Et il y a encore deux soucis majeurs qu’il faut aborder avant de parler du film proprement dit. D’abord et avant tout, commencer à jouer avec des temporalités alternatives dans un film (et à plus forte raison une saga) qui joue avec le temps, c’est casse-gueule par définition. La loi des paradoxes temporels n’est pas faite pour les chiens : au-delà de la destruction de l’univers, c’est surtout de l’incohérence des scénarios qu’elle protège. Ensuite, et c’est probablement une opinion moins populaire, Cameron ne peut pas être et avoir été. Il a vieilli le bougre. Il est bien loin, le temps où il nous racontait des histoires qui valait la peine d’être regardées. Titanic était un excellent film catastrophe. Mais il date de 1997. Depuis, la pêche est maigre : un reportage sur le vrai Titanic, Avatar (très jolie enveloppe vide au scénario ultra-cliché inspiré de la version Disney de Pocahontas) et Alita : Battle Angel, dont je me suis épargné la vision jusqu’à aujourd’hui (étant très fan du manga original mais étant toujours très navré des adaptations de mangas sur grand écran en live). Papy Cameron pédale dans la semoule depuis 20 ans, les gars. Il est loin, le temps des années 90 qui lui virent enchaîner Terminator 2, Strange Days (réalisé par sa femme d’alors) et True Lies. L’annonce en fanfare d’Avatar 2, 3, 4 et je ne sais pas combien, films que personne n’attend, démontre bien qu’il légèrement perdu le sens des réalités.

Est-il donc encore capable d’écrire une bonne histoire ? Terminator: Dark Fate en était le test. Il avait même prévu un Dark Fate 2 (Terminator 7) et un Dark Fate 3 (Terminator 8, à ce rythme-là, on va finir par rattraper les Fast & Furious). Les résultats en demi-teinte, pour être poli, du sixième opus en salles obscures va peut-être limiter les ambitions du canadien le plus célèbre du cinéma.

Mais soyons juste : Dark Fate n’est pas un si mauvais film que cela. Il assure au contraire le spectacle. On retombe dans un bon blockbuster d’action façon années 90. Explosions en tout sens, gros flingues, répliques cultes réutilisées à escient, course-poursuite et scènes de combat qui en mettent plein les mirettes. Tim Miller n’a pas à rougir de sa réalisation : le film est vraiment bien réalisé, même s’il reste très classique dans son genre. Question casting, Shwarzie réussi l’exploit de ne pas être ridicule en reprenant le rôle (alors qu’il l’était certainement dans le 5 !) et Linda Hamilton fait le taf avec sa gueule d’enterrement. Elle a vieilli, mais tu sens encore toute la haine dont elle pouvait faire preuve dans Judgement Day. Natalia Reyes, bien qu’un peu rushée dans son développement, assure le rôle de la nouvelle tête de pont sans trop de crainte : elle dégage effectivement le charisme nécessaire au rôle. Mackenzie Davis, qui joue l’humain « enhanced » (de manière nettement plus convaincante que Sam Worthingthon dans Renaissance) est un peu en deçà, mais n’a finalement que peu de scènes pour développer son personnage. Même Gabriel Luna, le nouvel antagoniste, parvient par moment à se rapprocher du T-1000 de Robert Patrick.

Non, ce qui coince, c’est évidemment le scénario et les problèmes de continuité/de logique. Le premier crève-cœur [SPOILER, évidement !] est la mort de John Connor dans les premières minutes du film. Mettons encore que Skynet ait choisi d’envoyer plusieurs Terminator dans le passé, à l’époque de T2, pour se débarrasser du leader de la résistance, comme cela est expliqué dans le film. Je veux bien le croire. Mais pourquoi avoir envoyé des T-800 et pas d’autres T-1000 ? Et pourquoi le gentil T-800 de T2 ne l’aurait pas signalé, puisque, apparemment, ils peuvent sentir « les modifications de l’espace-temps entraînés par les voyages dans le temps » ? Si le T-800 qui a tué John devient, au fil des années, presque capable d’avoir des sentiments, pourquoi envoyer des textos à Sarah pour qu’elle élimine les nouveaux Terminator ? S’ils n’ont plus de mission, les détruire est vain et inhumain, en fait. Et qui sont-ils, ces deux Terminator intermédiaires ? Ils ne peuvent avoir été envoyé par Skynet, puisque ce futur n’existe plus. Et s’ils ont été envoyé par Légion (le nouveau Skynet), il faut constater qu’ils sont assez nul si Sarah Connor seule a pu les buter… (sans parler de leur mission, du coup, sauf à considérer que c’est déjà la troisième fois que Légion tente de tuer Daniella ‘Dani‘ Ramos, la nouvelle cheffe de la résistance.

Au-delà de ça, la mort de John Connor a un autre grand défaut : elle supprime d’un seul coup tout l’intérêt de l’épisode 1 et de l’épisode 2. Si avoir empêcher Skynet de naître n’empêche pas l’humanité de tomber dans les mains d’une IA militaire qui décide de considérer les humains comme une menace, c’est que le temps résiste, malgré tous les efforts que l’on peut faire, et que le destin de l’humanité est de périr sous les coups des machines. Et, dans ce cas, le discours même de Dani Reyes, la nouvelle héroïne qui nous pousse à faire des choix car le destin n’est pas joué d’avance (le même discours que Sarah Connor à la fin de T2, mais en version positiviste) est alors une mascarade. La merde arrivera, quoi qu’on essaie. Ce qui tue tout enjeu narratif à l’histoire (on se demande même alors pourquoi Légion s’amuse à essayer de tuer Reyes, puisque la logique voudrait qu’il y ait toujours une résistance et que le chef sera simplement quelqu’un d’autre). Enfin, je ne me peux m’empêcher de sourire sur l’étonnante longévité d’un T-800 : le fait qu’il soit encore vivant et qu’il ait vieilli ne me dérange pas, mais je trouve formidable qu’il parvienne encore à faire jeu presque égal avec le nouveau modèle, le Rev-9. C’est un peu comme prétendre qu’une Ford T pourrait rivaliser sur un circuit avec une Chiron (ou alors, la Chiron est vraiment buguée de chez buggée…) [/SPOILER]

Et je ne vous parle pas non plus du discours vaguement politique et féministe qui navigue autours de ce nouvel opus. Je sais que cet aspect a dérangé quelques critiques acerbes, mais personnellement, cela ne m’a pas frappé plus que cela. Note positive bien qu’anecdotique, ce Terminator retrouve un ton sérieux et évite de tomber dans le grand-guignolesque. On a bien droit à quelques vannes de Shwarzie (la meilleure : … Also, this is Texas.) mais elles sont plutôt bien amenées et ne virent pas au ridicule.

En résumé, Terminator: Dark Fate est un film bancal. Il fait le boulot question divertissement, il est tourné et interprété correctement. Le scénar, indépendamment du reste de la franchise, tient la route comme un récit de sci-fi isolé. Le problème est que, dès que l’on commence à réfléchir un peu à ce que l’on vient de voir, l’édifice semble se fissurer de toutes part. Quatre scénaristes chevronnés n’y ont rien changé : il aurait mieux fallu mettre tous ces talents au profit d’une œuvre nouvelle (il y a tant d’excellents titres de SF qui méritent d’être adaptés au cinoch !) plutôt que dans une franchise que l’on ferait mieux de laisser mourir de sa belle mort. Une occasion ratée de se taire.

The Color out of Space

De Richard Stanley, 2019.

Une adaptation cinéma de H.P. Lovecraft ? Beaucoup s’y sont essayés. Peu sont arrivés jusqu’au bout. Et parmi eux, encore moins sont ceux qui livrèrent en définitive quelque chose de regardable. On attend par exemple toujours des nouvelles de la fameuse adaptation des Montagnes hallucinées par Guillermo del Toro, bloquée depuis des années dans ce qu’Hollywood aime appelé le « development hell« . Je fus donc surpris il y a quelques mois que je suis tombé sur la bande d’annonce de The Color out of Space. Encore plus en voyant que l’acteur qui portait le projet était Nicolas Cage, acteur fantasque par essence qui enchaîne les tournages pour des productions ZZ, entrecoupés de quelques coups d’éclat et de cures de désintoxication. L’exemple même de la star sur le retour qui joue dans n’importe quoi pour un cachet (comme John Travolta ces dernières années ou, dans une certaine mesure, Bruce Willis).

Et la bande d’annonce était très limite : il y avait de bonnes idées visuelles, mais aussi un faux rythme assez étrange. Sans compter que déplacer l’histoire originale au monde actuel m’inquiétait beaucoup. Moderniser Lovecraft semblait en effet un oxymoron. S’il y a bien un auteur de SF que je ne vois pas dans le monde moderne, c’est bien Lovecraft (quoi que, d’une certaine manière, l’amour de la technologie et des sciences nouvelles qu’il décrit dans certains de ces textes tendrait en fait à démontrer l’inverse). Bref, j’avais beaucoup, beaucoup de doutes.

Et quel meilleur moyen de confirmer ou d’infirmer ces doutes qu’en se lançant dans le visionnage ? C’est désormais chose faite. Et… C’est plutôt une bonne surprise, finalement ! Richard Stanley, réalisateur dont le nom même ne m’évoquait rien, mais qui est doté d’un look formidable, a mis tout son cœur dans la réalisation de cette adaptation aussi inattendue qu’inespérée. Le bonhomme n’avait plus rien réalisé depuis plus de 20 ans, depuis qu’il avait été viré du plateau de son précédent long métrage (L’île du docteur Moreau, on constate déjà un certain attrait pour le fantastique). L’idée d’adapter Lovecraft lui était venu en 2013 alors qu’il adaptait en court métrage une nouvelle de Clark Ashton Smith, l’un des bons amis du reclus de Providence et auteur très inspiré de pulp en son temps (cf. critique ici même).

Et pour réaliser son rêve, il a ratissé large et est aller chercher des sous chez une série de boîtes de production mineures et assez confidentielles : SpectreVision, ACE Pictures Entertainment et XYZ Films. Encore une fois, tout ceci sent la série B un peu fauchée qui n’aura pas les moyens de ses ambitions et ne pourra donc pas rendre justice, une fois encore, au génie créatif de Howard Philip Lovecraft. Et pourtant. Et pourtant Richard Stanley, avec un petit budget, est parvenu à réaliser un petit miracle. Le film est loin d’être parfait, mais il regorge de bonnes intentions. En résumé, pour ceux qui ne seraient pas familiers avec la nouvelle d’origine, The Color out of Space nous raconte la réelle descente aux enfers de la famille Gardner. Habitant dans un recoin assez isolé, la vie quotidienne de la famille est bouleversée lorsqu’une météorite à quelques dizaines de mètres de leur porte d’entrée. Et quand la météorite se révèle est le vaisseau organique d’une « couleur » venant littéralement du ciel. Sans avoir particulièrement de bonnes intentions…

L’histoire nous est contée, comme toujours avec du Lovecraft, par un personnage secondaire, un jeune scientifique envoyé dans le coin pour étudier les nappes phréatiques dans le cadre d’un projet de construction d’un barrage local. Un scientifique répondant au patronyme de Ward Phillips. Et le brave homme correspond parfaitement au cahier des charges du héros lovecraftien : il est totalement passif et ne sert à rien d’autre qu’à introduire et conclure l’histoire. Au moins ne tombe-t-il pas dans les pommes, c’est déjà ça. Elliot Knight fait le boulot, avec un beau pied-de-nez au racisme latent des textes originaux du Maître de Providence, puisque Stanley a eu la bonne idée de caster un afro-américain pour jouer le rôle. On lui prête aussi un intérêt charnel envers la fille Gardner, jouée par une très bonne Madeleine Arthur (plus habituée aux séries télé qu’aux longs métrages, mais qui tire réellement son épingle du jeu en adolescente gothique et rebelle. D’ailleurs, le cast s’en sort généralement très bien : Joely Richardson campe très bien une mère Gardner modernisée mais à la limite de la crise de nerf, comme dans la nouvelle d’origine. Brendan Meyer et Jordan Hilliard font aussi du bon boulot dans le rôle des deux jeunes frères de la famille maudite. Même Cage ne s’en sort pas trop mal : il y a bien sûr ses explosions de folie qui sont devenues, au fil des ans, sa marque de fabrique, mais cela colle plutôt bien avec la progressive perte de contrôle du père/chef de famille.

Richard Stanley a également eu l’intelligence d’éviter certains passages de la nouvelle originale qui auraient mal rendus à l’écran. Il n’insiste donc pas sur la création d’une faune et d’une flore géante et corrompue. Il remplace ceci par des touches plus subtiles de flore inquiétante en second plan sur les plans larges qui englobent la nature proche de la villa des Gardner. Et c’est tant mieux, puisque l’un des seuls animaux « étranges » filmé en gros plan (une mante religieuse rose/mauve avec tentacules, bien sûr !) révèle que le film a en effet des moyens limités en termes d’effets spéciaux. Pour compenser ceci, Stanley utilise intelligemment des lumières roses directes ou indirectes et des effets de saturation sur la pellicule qui tentent de rendre « l’indicible » couleur venue de l’espace. De même, il use et abuse des vieux trucs de films d’horreur fauchés : les « monstres » y sont filmés dans la pénombre, en insistant sur certains éléments (les plus réussis) des props et maquillages sanguinolents. Et ses monstres font effectivement froid dans le dos.

The Color out of Space est-il pour autant un bon film ? Eh bien c’est surtout un bon divertissement et une honnête série B d’horreur. Le film n’est pas du tout exempt de défaut (comme scénariste, j’aurais volontiers éliminé certains éléments qui n’apportent pas grand-chose au film, comme le subplot sur les intentions du maire de la ville d’Arkham ou encore le fait que la mère Gardner soit en réminiscence d’un cancer). Le film respecte également certains poncifs hollywoodiens avec le portrait d’une famille américaine dysfonctionnelle où les femmes sont finalement plus fortes que les hommes (ce qui n’aurait sans doute pas été du goût de Lovecraft). The Witch, il y a quelques années, avait par exemple fait moins de compromis. Mais, en résumé, le film est très sympathique et est un bon essai d’adaptation de Lovecraft. On n’y est pas encore, bien sûr, mais je me demande si un réalisateur parviendra un jour à rendre effectivement l’ambiance si particulière, tellement Nouvelle-Angleterre du début du XXème.

The Devil’s Advocate

De Taylor Hackford, 1997.

Combien de fois n’ai-je pas vu ce film ? Combien de fois n’ai-je pas crier « Everywhere ! » en même temps qu’Al Pacino lorsque le brave Kevin Lomax (Keanu Reeves) demande à ses collègues « … but where does he fuck? » (mes excuses pour la vulgarité, qui n’est pas habituelle, raison pour laquelle je la laisse en v.o. 🙂 ) ? Je ne les compte plus. En 20 ans, le film a particulièrement bien vieilli, ce qui n’est pas le cas de pas mal de mes bons souvenirs cinématographiques des années 90.

Pour les distraits et les plus jeunes, The Devil’s Advocate (traduit de manière assez mystérieuse par L’Associé du Diable dans notre belle langue) nous raconte l’ascension fulgurante de l’avocat Kevin Lomax (Keanu Reeves, donc, qui, pour une fois, ne joue pas un personnage qui s’appelle John). Depuis sa campagne natale, il est remarqué par un grand cabinet d’avocats new-yorkais dirigé par John Milton (Al Pacino, donc). En effet, il n’a jamais perdu un procès, d’abord pour le Ministère public et, ensuite, comme avocat de la défense en droit pénal. Et Milton de lui offrir un pont d’or pour rejoindre son cabinet pour défendre ses richissimes clients.

Kevin Lomax débarque donc avec son égo surdimensionné, sa confiance en soi et sa femme, interprétée par une Charlize Theron qui joue une magnifique ingénue et ses boots en croco de bouseux. Mais l’offre est un peu trop alléchante pour être honnête. Ceux qui auront été attentif au titre du film auront assez vite saisis le twist de ce qui aurait pu être un honnête film de procès. On est donc dans un thriller fantastique où le diable lui-même joue son rôle, interprété donc par Al Pacino qui s’en donne à cœur joie.

Tout dans le film respire la décennie du blé et le culte de la réussite à l’américaine. Taylor Hackford, honnête réalisateur qui dispose d’une filmographie sans coup d’éclat (à part le biopic Ray quelques années plus tard, qu’il réalisa, produisit et scénarisa, pour la première fois de sa carrière débutée dans les années 70) s’approprie le bouquin éponyme d’Andrew Neiderman pour une adaptation plus que convenable. Keanu Reeves, alors dans sa première carrière, entre Speed et Matrix, joue parfaitement le rôle du golden boy qui place sa carrière avant ses proches et sa morale. Le fait de disposer royalement de deux expressions faciales aide en fait à interpréter ce personnage qui ne succombe que trop facilement à la tentation. Les autres acteurs qui gravitent autour du triptyque Pacino-Reeves-Theron jouent tous leur carte à merveille en exploitant à fond leurs minutes à l’écran. Je pense en particulier à Jeffrey Jones dans le rôle du Directeur du cabinet ou encore à Connie Nielsen dans le rôle de la tentatrice, donc c’était là le premier rôle international en anglais.

Côté réalisation, pas grand-chose à dire. Comme je le disais, Taylor Hackford est un honnête artisan. Il ne fait pas dans la démesure et ne brille pas par son originalité. Les plans sont classiques, sans recherche d’effet particulier. Les quelques effets spéciaux utilisés dans le film accusent maintenant leur âge, mais ils sont généralement discrets (à part quelques plans ratés comme celui un peu ridicule où Pacino fait bouillir l’eau du bénitier lorsqu’il tue le juge Warren ou les incrustations « infernales » dans l’une des dernières scènes). Le travail sur les lumières ou les cadrages ne sont en rien fascinants non plus. Nous avons un film tourné de manière très académique, mais monté de manière suffisamment dynamique pour que le rythme n’en pâtisse pas et que le spectateur reste accroché.

Non, la vraie force du film est son ambiance et son inéluctabilité. Comme les bons films de procès, Hackford parvient à diriger ses acteurs pour créer une tension dans les joutes verbales entre avocats. On sent la moiteur floridienne dans le premier procès. On sent la froideur new-yorkaise qui s’insinue dans l’appartement de Lomax. On plonge petit à petit dans la folie avec une Charlize Theron, qui démontre dans ce registre ses compétences d’actrice avec brio. Années 90 oblige, on a même quelques scènes de sexe, mais qui se révèlent finalement être plus dérangeantes/horribles que réellement excitantes. La chape de plomb de la « famille » de Milton pèse de plus en plus au fil du film, à l’instar de l’ambiance qui se dégage progressivement dans le Rosemary’s baby de Polanski (bon, sous stéroïde, l’époque n’est pas la même, hein !). Le scénar marche comme un piège qui se referme progressivement sur les protagonistes principaux. On voit les alertes, on sait comme cela va finir comme spectateur. Et pourtant on est surpris de la mécanique bien huilée d’un piège vieux comme le monde. À Pacino de conclure, sur le Paint in Black des Stones (ce qui est toujours un gage de qualité !), avec le percutant « Vanity, definitly my favorite sin…« 

Si vous êtes passé à côté toutes ces années, faites-vous plaisir et programmez-vous une soirée ciné rétro/90’s. Et si vous avez été comme moi victime d’une première vision dans votre adolescence, je suis sûr que vous ne pourrez résister à une énième vision, comme un petit plaisir coupable de nostalgie amusée. Everywhere !