Sur la route de Madison

De Clint Eastwood, 1995.

Clint Eastwood est l’un de ses rares artistes a avoir eu de multiples carrières, très différentes l’une de l’autre. Sans aborder la musique ou la peinture et en se limitant donc uniquement au septième art, on peut voir deux grandes périodes : Eastwood acteur, l’homme dur et viril des westerns spaghetti et de l’Inspecteur Harry et Eastwood réalisateur, l’artiste délicat qui nous livra Million Dollars Baby, Mystic River ou Impitoyable. Et quelque part entre les deux, Eastwood réalisera aussi Dans la ligne de mire ou Grand Torino. Mais Sur la route de Madison, qui nous occupe ici, est très clairement dans la seconde veine.

L’histoire est très simple : Francesca Johnson (Meryl Streep) est une mère au foyer dans la campagne américaine qui mène une vie heureuse, mais routinière. Alors que son mari part avec les enfants à un marché/concours bovin dans l’état voisin, elle rencontre par hasard le photographe Robert Kincaid (Eastwood), en reportage dans la région. S’en suivra une relation passionnelle pendant ce long week-end qui marquera leur vie à jamais.

Ce qui n’aurait pu être qu’un mélo lambda est magnifié en une ode à la passion amoureuse essentiellement par le jeu de son duo d’acteurs principaux. Sublimé par une réalisation extrêmement classique et sobre (une marque de fabrique que l’on retrouvera dans toute l’œuvre d’Eastwood réalisateur), la tension sensuelle, sexuelle et sentimentale qui lie les protagonistes l’un à l’autre est jouée dans la retenue par ses deux vétérans du grand écran. Avare de paroles et de scènes d’exposition inutiles, les acteurs s’expriment avant tout par leurs regards, leurs gestes, le non-dit qu’ils dégagent à la perfection.

Comme souvent chez l’Eastwood réalisateur, l’option prise pour adapter le best-seller de Robert James Weller a été de se limiter à l’essentiel. Le cadrage, la mise en lumière, la photographie sont volontairement choisis pour servir le propos et non pour se servir eux-mêmes. Cette volonté de ne jamais faire de réalisation ostentatoire peut ressembler à du dédain pour l’art cinématographique. Au contraire, pour moi, cet effacement de la forme au profit de l’essentiel touche justement à la perfection. L’une des scènes les plus bouleversante du film, où la tension dramatique est la plus élevée, se passe alors que Francesca sort du 7-eleven local, rejoint son mari dans son pick-up alors qu’il commence à pleuvoir et qu’elle voit Kincraid de l’autre côté de la rue. Il est presque impossible de faire moins spectaculaire comme décors ou comme mise en scène. Et c’est pourtant _le_ moment du film où le spectateur qui est rentré dans l’histoire est pris par les tripes. Du grand cinéma servi par deux acteurs rodés, peut-être même déjà un peu usés, parfaitement castés pour montrer ce fol espoir, ce moment d’abandon où les rêves de jeunesse semblent à nouveau être à portée de main, à l’écran.

Le film n’est pour autant pas exempt de quelques faiblesses. La première reste évidemment la capacité du spectateur à s’émouvoir pour le destin finalement tragique de ceux êtres solitaires. L’histoire ne parlera sans doute qu’aux gens qui ont connu ce genre de situation/de sentiments et qui sont capables d’éprouver de l’empathie pour une femme qui, finalement, trompe son mari au nom de l’Amour (avec un grand A). Autre faiblesse à mes yeux ; le casting d’Annie Corley et, surtout, de Victor Slezak pour jouer les enfants de Francesca qui découvrent la passion de leur défunte mère au début du film n’est pas extrêmement brillant. En comparaison de Streep et Eastwood, leur jeu semble frustre et exagéré, à tel point que cela gâche l’intro et la conclusion du film. De même, les dernières minutes où l’on retrouve les enfants qui ont « compris une leçon de vie » me semblent un poil téléphonées et auraient très bien pu être coupées sans rien enlever au film. Au contraire, c’est même le seul moment où le « message » du film est asséné de manière très explicite là où le reste de l’histoire fait confiance au spectateur pour qu’il trouve lui-même le sens qu’il souhaite donner à cette tragédie intimiste. Mis à part ces quelques scories, nous sommes ici en présence d’un grand film de cinéma, mené de main de maître par un artisan qui connait son métier, à n’en pas douter.

La Panthère Rose

De Blake Edwards, 1963

Il n’est pas aisé de saisir le principe quasi-alchimique qui donne naissance au casting parfait. Lorsque l’américain Blake Edward se dit qu’il retournerait bien à quelque chose de plus burlesque, après le grand succès de Breakfast at Tiffany’s (Diamant sur canapé, 1961, adapté d’une nouvelle de Truman Capote avec Audrey Hepburn en vedette), il se dit qu’il tournerait bien l’histoire rocambolesque d’un dandy anglais, dont le flegme n’a d’égal que son succès auprès des dames, qui s’amuse à jouer les cambrioleurs de haut-vol sous l’identité du Fantôme. Un hommage appuyé à l’Arsène Lupin de Maurice Leblanc, en somme.

Et Blake Edwards de convoquer tout l’exotisme classieux de ce début des années 60. Le héros, incarné par un David Niven souriant, charmeur et moustachu, tentera de séduire une magnifique princesse indienne (jouée par la très belle Claudia Cardinale) dans une station de ski transalpine. Car le ski alpin, c’est chic, à l’heure où Aspen commence à attirer la middle-class bourgeoise américaine, surtout si l’on y ajoute le charme désuet et un peu décadent de la vielle Europe. Ajouter à cela quelques plans de Rome et Paris et vous aurez la panoplie complète du « voyage d’Europe » de l’américain éduqué.

La Panthère Rose aurait pu se réduire à cela : un beau voyage exotique, mettant en scène un bandit au grand cœur dans une histoire volontiers excessive et, souvent, convenue. La misogynie latente, où les femmes sont de beaux trophées ou de faibles instruments, par exemple, est très typique d’un certain cinéma populaire de cette époque. Bien que plus actives, elles n’en ont pas moins le rôle de potiche dans lequel la saga James Bond, débutée l’année précédente sur grand écran, allait l’enfermer. Et nous aurions eu là un gentil film de monte-en-l’air, de tire-laine fantasque qui serait probablement tombé peu à peu dans l’oubli, comme nombre de comédies légères sorties en ces années là.

Mais non. Car les astres, en cette année 1963, s’alignèrent. Quelqu’un eu la bonne idée d’intégrer un personnage d’enquêteur/policier français un peu gauche dans cette histoire, prétexte à créer un triangle amoureux en la femme dudit inspecteur et le fameux Fantôme. Et c’est là que le trait de génie du directeur de casting tomba : pourquoi ne pas engager Peter Sellers, le caméléon anglais, pour jouer ce rôle ? Sellers, le prototype du clown triste (sa vraie vie ne fut pas bien jojo), endosser dès lors l’imperméable gris du policier des films noir. Et sa présence remplit l’écran : à chacune de ses apparition, il vole la scène par ses gaucheries et ses maladresses. S’il n’est pas encore le fou excessif qu’il incarnera dans les nombreuses suites de la Panthère Rose, Peter Sellers incarne ici un inspecteur Clouseau toujours à la limite. Même si ce personnage n’est sans doute pas le plus fin des limiers, l’inspecteur Clouseau est encore, dans ce premier opus, un policier relativement normal, même s’il est profondément maladroit. Et Sellers s’en donne à cœur joie : l’humour slapstick est assuré dans chaque plan. Il est constamment conscient et énervé de sa propre maladresse, du léger décalage entre sa volonté et ses actes qui rend chacune de ces actions forcément drôle car systématiquement à côté de la plaque.

Il volera d’ailleurs tellement la vedette dans le film que les nombreuses suites lui seront presque exclusivement consacrée. S’il n’est pas encore assisté par l’inénarrable Kato et qu’il ne répond pas encore aux ordre de Dreyfuss (les deux autres personnages comiques emblématiques de la série), Clouseau/Sellers parasite déjà tellement La Panthère Rose qu’on en oublie aisément l’aimable film qu’il aurait été sans lui. C’est le premier coup d’éclat international de Sellers, qui sera confirmé par la suite dans les deux premières suites de la Panthère (les suivantes tombant probablement par trop dans l’excès et la répétition), dans le légendaire The Party, ou encore dans les plus sérieux Docteur Folamour et Lolita (du grand Kubrick).

Enfant, La Panthère Rose était l’opus que j’aimais le moins de la saga, puisqu’il en était aussi le moins drôle, le plus convenu. Je riais davantage de bon cœur aux idioties de Clouseau, Dreyfuss et Kato dans Quand l’Inspecteur s’en mêle, Le Retour de la Panthère Rose ou encore Quand la Panthère Rose s’en mêle. Et, aujourd’hui encore, ces fantastiques exemples du non-sense anglo-saxon surpasse largement le premier film qui a, il faut le dire, un peu vieilli dans son propos et son décorum suranné. Il n’en demeure pas moins que c’est dans ce premier film que les gimmicks du légendaire Clouseau s’exprimeront la première fois et, certainement, avec plus de légèreté et de subtilité que dans les suites. Un classique à découvrir ou redécouvrir sans hésitation.

PS: ajoutez à cela l’inoubliable thème musical de Henri Mancini et le choix d’avoir animé le générique et vous avez une référence que tout le monde connait. Attention, cependant, si cet article à moitié nostalgique vous a donné envie de vous replonger dans la série, veillez surtout à évitez les trois derniers opus (le diptique A la recherche de la Panthère rose et L’Héritier de la Panthère rose, essentiellement composés de scènes des 5 premiers, puisque Sellers est mort assez vite pendant le tournage, et Le Fils de la Panthère rose, où l’on constatera que Roberto Begnigni n’est pas Peter Sellers – et je ne vous ferais bien sûr pas l’insulte de vous parler du remake de 2006 avec Steve Martin dans le rôle titre…)

Rampage

De Brad Peyton, 2018.

The Rock, un loup géant volant et un combat entre un alligator géant et le petit cousin de King Kong (albinos, pour pas les confondre)… Que demande le peuple ? Bienvenue dans l’univers régressif des blockbusters à l’ancienne, méchamment débile mais spectaculaire, dans le genre cookie-cheesecake-crème caramel, surmonté par une dame blanche, nappé de sirop d’érable et recouvert de barbe à papa rose fluo. Un poil écœurant, donc.

Le canadien Brad Peyton, qui se spécialise dans le film d’aventure/film catastrophe familial (Voyage au centre de la Terre 2, déjà avec The Rock, San Adreas) disposait d’un bon gros budget effets spéciaux (120 millions de dollars tout de même) pour nous proposer sa version « moderne » du Monde Perdu, avec des blagues cools, des méchants vraiment méchants et de l’action à revendre. Le synopsis tient en trois lignes : une méchante compagnie de bio-ingénierie perd des échantillons d’un mutagène sur Terre suite à la destruction de leur labo suborbital. Le mutagène transforme de sympathiques animaux sauvages en monstres géants super-agressifs (ici, un gorille, un alligator et un loup). Heureusement, The Rock, ex-militaire reconverti comme monsieur primate du Zoo de Chicago, est pote avec le gorille mutant et va sauver le monde, ramassant au passage une nouvelle copine, un agents fédéral rebelle/cowboy qui deviendra son best-buddy, et flinguant les méchants avec style.

Déjà vu/lu/entendu des millions de fois, vous allez me dire. En effet. Mais, on ne peut malgré tout s’empêcher d’avoir le sourire aux lèvres quand on entend Dwayne Johnson dire, dans le combat final: « Et le loup vole, évidemment« . Car au plus c’est gros, au mieux ça passe. Passer le défoulement pour petit garçon, je suis toujours fasciné à la fin de ce genre de film quand je me dit que des producteurs ont misé 120 millions de dollars sur ce genre de grosse machine. On dit toujours que Hollywood ne table que sur des suites et des remakes. Voilà pourtant un gros budget alloué à un script original (enfin, original, vous m’avez compris…), avec une prise de risque tout de même assez grande (le remake de Godzilla n’a pas spécialement marché, sans parler du second Pacific Rim). Et ça marche. Sans doute le public aime être rassuré de vivre une expérience déjà connue, avec un soupçon d’inédit et de nouveauté.

Bien sûr, Dwayne « The People’s Eyebrow » Johnson est très efficace dans le registre du paquet de muscles sympathique. Ses expressions exagérées, héritées de son passé de catcheur (où les sentiments doivent être tellement exagérés et excessifs qu’ils doivent pouvoir se lire sur les expressions faciales depuis l’autre côté d’une salle de 20.000 places), fonctionnent à merveille. Jeffrey Dean Morgan (l’inoubliable Comedian des Watchmen, avant d’enchaîner des rôles importants dans diverses séries télé) cabotine tout le film en jouant les vieux cowboy justicier et Malin Akerman (Silk Specter, là aussi, dans les Watchmen) s’amuse à fond dans son rôle de méchante très méchante. Même le gros gorille (qui n’est pour une fois pas joué par Andy Serkis) se taille sa place à l’écran avec son humour à deux balles et ses doigts d’honneur. Et les effets spéciaux sont honorables, mêmes s’ils sont très loin des prouesses faites sur la nouvelle trilogie de la Planète des Singes, par exemple.

Mais ces performances et la technique ne font pas un bon film. Rampage: Hors de contrôle fait partie de ces productions à la chaîne qui fleurent bon le nanar sympathique. A l’instar d’un tube de l’été, ce type de film est destiné à marcher pendant quelques semaines et à être oublié aussi vite. Le divertissement parfait pour une soirée pizza-coca devant TF1 le dimanche à 20h50. Bilan de l’opération : un film raté ? Non. Un film réussi ? Pas vraiment non plus. Mais qui a le mérite de distraire pendant 1h40 et qui n’a pas la prétention de faire autre chose. Du pop-corn un peu trop sucré, en somme. Les amateurs consommeront.

The Shape of Water

De Guillermo Del Toro, 2017

Puisque tous les réalisateurs barbus à lunette sont destinés à avoir un Oscar à un moment ou un autre (sauf George Lucas, of course), 2017 était l’année de Del Toro. Après avoir livré de la commande en la marquant de sa patte (Mimic, Blade II), avoir imposé un style (Hellboy I et II), s’être révélé intimiste (Le Labyrinthe de Pan), anecdotique (Crimson Peak) ou simplement génial (Pacific Rim), Del Toro se frotte donc à l’exercice du film à prix. Malin comme il est, le bonhomme a rédigé le scénar lui-même (novellisé entretemps), dans l’univers qui est le sien, à mi-chemin entre le film de monstre et le film d’amour.

The Shape of Water tient assurément plus du Labyrinthe que de Pacific Rim ou d’Hellboy, même s’il partage avec ses aînés un univers artistique décalé. Le film nous conte (et, bien sûr, le verbe n’est pas anodin) l’histoire d’Elisa, femme muette dans la trentaine, qui vit seule dans un appartement déglingué au-dessus d’un cinéma de quartier. Ses seuls amis sont son voisin, un vieil artiste gay désargenté (interprété par l’excellent Richard Jenkins) et sa collègue directe, Zelda, une mama black qui passe son temps à râler sur son mal de pied et sur son mari (interprété par la non-moins excellente Octavia Spencer). Femme de ménage pour une agence gouvernementale obscure, sa vie est rythmée par le traditionnel métro-boulot-dodo, dont elle s’échappe en rêvassant et grâce aux facéties de son vieux voisin de palier. Mais son train-train est bousculé lorsqu’elle rencontre un étrange humanoïde amphibien, créature de laboratoire étudiée par des hommes en blouse de scientifique à son boulot.

Malmenée par l’effroyable colonel Richard Strickland, interprété par le non-moins inquiétant Michael Shannon, la pauvre créature se laisse doucement mais sûrement apprivoiser par la gentille Elisa. Tous deux muets, ce couple improbable va se progressivement se rapprocher jusqu’à ce que l’amour naisse entre eux. Bien sûr, les péripéties ne manqueront pas d’arriver (la fuite, la course-poursuite, etc.), mais ce n’est pas le cœur du film. Il s’agit avant tout, comme souvent chez le Del Toro intimiste, de s’intéresser à la vie de marginaux, de personnages sans importance, qui finissent par vivre un destin hors du commun. Comme l’Ofelia du Labyrinthe de Pan, Elisa se trouve au centre d’une histoire qui la dépasse, mais qu’elle choisit de vivre intensément, comme actrice de sa vie et non comme une spectatrice passive, rôle que l’on lui imagine aisément avoir endossé toute sa vie.

Tout cela est très joli et plein de bons sentiments. Mais est-ce que ça fonctionne ? Oui, et non. Le film est, fondamentalement, bancal. Il enchaîne les moments de brillance et les épisodes plus anecdotiques, les fulgurances et les lenteurs. Si l’ambiance est parfaitement dans le ton d’un Tel Toro et si le casting est vraiment impeccable, on a un peu de mal a accrocher réellement à cette belle amourette. C’est précisément cela la faiblesse du film, à mes yeux : l’histoire d’amour, le centre névralgique du scénar, est amenée avec peu de subtilité et développée de manière tellement succincte que l’on a du mal à croire au développement de sentiments véritables. Pour faire un parallèle peu flatteur, le côté sentimental est traité de la même manière que Lucas l’avait fait sur la prélogie Star Wars. On n’y croit pas, malheureusement.

Reste l’univers, le détail de la réalisation, le jeu d’acteur et quelques moments fantastiques (la scène de sexe dans la salle de bain immergée est extrêmement belle). Mais, comme souvent, difficile de réaliser un chef-d’œuvre si l’histoire ne fonctionne qu’à moitié. Dommage, vraiment, d’être passé à côté, comme il était passé à côté de Crimson Peak qui souffrait en définitive du même problème : la prévisibilité du développement n’est pas compensée par un traitement adulte et complexe des personnages qui vivent ces histoires. Difficile, en somme, de comprendre pourquoi l’Académie lui a décerné le prix. Guillermo était-il le seul réalisateur hollywoodien à ne pas harceler ses actrices ? 🙂

Solo

De Ron Howard, 2018

Solo a la particularité d’être le premier Star Wars dont personne n’attendait rien. Alors que la troisième trilogie est le sujet de polémique préféré de tous les geeks de la planète (après un épisode VII hommage et un épisode VIII qui casse -souvent maladroitement- les codes) et deux ans après Rogue One qui entamait de façon inattendue mais brillante les spin-offs, Disney/Lucasfilm nous propose donc une « origin story » de celui qui reste pour beaucoup le personnage préféré de la première trilogie.

Et de Solo, il en est beaucoup question dans ce nouveau long métrage. Peut-être même un peu trop. De fait, le film tente tellement d’expliquer toutes les petites allusions à la vie passée d’Han Solo qui émaillaient la première trilogie qu’il ne laisse pratiquement plus aucune zone d’ombre. Sachant que Solo se termine sur un méchant cliffhanger qui ne peut qu’appeler une (ou des?) suite(s), l’on peut raisonnablement se poser la question de ce qu’il restera à développer comme « Star Wars lore » dans le ou les prochains.

Mais, au-delà de ce problème de fanboy, que peut-on retenir de cet opus particulier ? Et bien, en résumé, que c’est un bon divertissement. Bien sûr, ce n’est pas le film du siècle, ni dans la forme, ni dans le fond. Mais ça reste très agréable à regarder et les deux heures du long passent sans longueur aucune. Pourtant, la production du film fut plus que chaotique. Les deux réalisateurs engagés sur le projet, Phil Lord et Christopher Miller, ont gentiment été dégagé du film après 5 mois de tournage. On ne peut qu’imaginer les discussions enfiévrées au board de Buena Vista quand ils ont vu les premiers rushs et qu’ils ont découvert ce qui semblait être, dans son premier montage, une comédie loufoque.

Sans doute Lord et Miller ont-ils tenté le virage Marvel/MCU pris avec, par exemple, Les Gardiens de la Galaxie ou Thor:Ragnarok. Ils ont du se dire : « Hey! Y’a un public pour les comédies de SF loufoques à 180 millions de dollars la prod. Faisons de Solo un produit comique, puisque Han est quand même l’un de seuls personnages drôle/cynique de la série« . Sauf que non, visiblement, ça n’a pas marché. Chat échaudé craint l’eau froide, comme dirait feu ma grand-mère : après le viandage complet des tentatives d’humour de l’épisode VIII, grand-père Lucas veillait au grain et a probablement engueuler la petite Kathleen Kenedy au téléphone pour lui dire qu’elle déconnait plein tube. Du coup, basta les deux petits jeunes. Appelons une valeur sûre d’Hollywood (et, surtout, un très vieux pote de Lucas).

C’est donc le vétéran Ron Howard, que Lucas casta dans son second long, American Grafiti, qui pris les manettes du spin-off cinq mois après le début du « principal photography« , comme disent nos amis anglo-saxons. Sur un tournage probablement prévu en six mois. En dernière minute, donc. Et il ne s’est pas contenté d’adapter à gauche à droite ou de tenter de sauver le film en salle de montage (la bonne vieille technique de Lucas, le monteur qui se rêvait réalisateur mais qui déteste tourner). Howard a retourner entre 70 et 80% du film. Autant dire que c’est son film et qu’il ne reste que des bribes, par-ci par-là, du film initialement tourné (peut-être peut-on considérer le duo de réalisateurs originaux comme les réalisateurs de la seconde équipe ?)

Et, sans surprise, Ron Howard fait du classique. Comme il l’avait fait avec ses honnêtes adaptations du Code Da Vinci et ses suites, Howard ne prend que peu de risques et livre le film qu’on attend de lui : un film de SF avec du fan service, des scènes d’action, quelques blagues par-ci par-là et, bien sûr, de nouvelles planètes et autres extra-terrestres exotiques. La réalisation alterne le correct (la première scène de course-poursuite sur Corellia qui fait penser à du R-Type… sans la vitesse) et le spectaculaire (la scène du vol sur le train est sans doute le pic dramatique du film). Les acteurs ne détonnent pas, même Emilia Clarke, qui avait pourtant livrer une bien piètre interprétation dans son premier grand rôle post-Daenerys Targayen, à savoir Sarah Connor dans le très oubliable dernier opus de la franchise Terminator. Sont-ils pour autant bons ? Pas réellement, en fait. Ils font le boulot. Alden Ehrenreich, en particulier, qui reprend ici sur ses épaules méconnues la veste en cuir mythique d’Harrison Ford, est assez transparent. Même lorsqu’il mime les poses de Ford, on n’y croit qu’à moitié, car le personnage n’a pas encore l’ampleur qu’il aura dans la première trilogie. C’est juste, ici, une petite frappe qui a plein de rêves de noblesse en tête. Du coup, même s’il n’est pas mal joué, il n’a pas non plus l’impact que l’on espérait de lui.

Abordons maintenant le fond (et, donc, alerte SPOILER) : comme je le disais plus haut, Solo remplit le cahier des charges d’un Star Wars. Le jeune Han est un pauvre gamin exploité par un syndicat du crime relativement anonyme sur Corellia. Mais il voit une opportunité de se barrer avec sa copine lorsqu’il double ses propres chefs pour piquer un ressource naturelle rare à son propre compte (le McGuffin du film). Après moult courses poursuites, Solo parvient à s’envoler vers des cieux meilleurs alors que sa copine est bloquée sur Corellia. Il n’aura donc de cesse de réaliser un gros coup pour retourner sur Corellia chercher sa copine. Mais… On le retrouve quelques années plus tard alors qu’il a fait ses classes à l’Académie de l’Empire (si-si, mais, ça, on le savait grâce à l’univers étendu de Star Wars). Bon pilote, il s’est fait réaffecter à la piétaille en raison de son insubordination. Du coup, quand il voit l’occasion de se barrer avec une équipe de voleurs locaux (menée par Woody Harrelson, égal à lui-même), il n’hésite pas. Embarquant au passage un gentil Wookie qui se trouvait là (sans blague!), le voilà intégré dans une petite équipe de pirates de l’espace (le premier qui siffle le générique de Cobra prend un claque sur le pif) avec son side-kick éternel, le poilu Chewie.

Dans cette équipe, il flaire le gros coup : ils vont piquer un wagon complet de ressource naturelle (la même qu’au début, oui, ça fait répétition) et se faire un max de thunes. Mais, pas de bol, ça ne se passe pas comme prévu et les voilà rendus responsables du fiasco. L’équipe de voleurs travaillait en fait pour l’un des trois/quatre grands syndicats du crimes interstellaires, l’Aube Dorée (à ne pas confondre avec le parti d’extrême-droite grec). Comment se racheter devant le potentat local ? Simple, en allant voler une autre quantité de ressources naturelles (toujours la même, ça commence à faire gimmick), non-raffinée, directement dans les mines. Et, par hasard, il se trouve que la copine initiale de Corellia travaille pour le même patron local du crime. Amazing !

Et la joyeuse équipe d’aller piquer le Millenium Falcon à Lando, de faire le Kessel Run en 12 parsec (c’est toujours une unité de distance, pas de vitesse… ^_^;;) et de tirer en premier (car, oui, Han Solo tire en premier). La seule réelle surprise pour moi est d’avoir exploité officiellement dans un film l’univers étendu de Star Wars. De fait, le nouveau méchant, le patron du syndicat du crime, n’est autre que le brave Darth Maul (on insiste d’ailleurs bien sur son double sabre-laser, plan totalement inutile autrement que pour signaler à l’audience inattentive que c’est bien Darth Maul, oui-oui). Les séries TV/animés de Star Wars avaient déjà exploité cet arc, avec Darth Maul, son frère Savage Opress et le chasseur Aura Sing (dont on apprend ici qu’elle a été tué par le mentor de Solo, Woody Harrelson). Mais tout de même, c’est amusant de retrouver un pont avec la prélogie de Lucas, maintenant assumée.

Que retenir de tout ça, me direz vous ? Et bien, un divertissement honnête et sympathique. On rigole, on fait les casse-cous, on se bat au pistolaser (et non au sabre, laser). Le film du siècle ? Certainement pas. Un ajout essentiel à la mythologie Star Wars ? Non plus, malgré que l’équipe ai fait appel au vétéran Lawrence Kasdan, secondé par son propre fils au scénar. Mais un divertissement honnête. Comme je n’en attendais rien de particulier, je n’ai pas été non plus déçu d’une manière ou d’une autre. Au contraire, dans sa simplicité, Solo est finalement assez humble, quand on le compare aux grosses machines du MCU (Marvel Cinematic Universe, pour les inattentifs). Si le film ne se plante pas totalement au box-office (ce qui semble le cas), j’irai certainement voir le second avec plaisir. Ou pas, donc.