Notre-Dame des Loups

D’Adrian Tomas, 2014.

Depuis longtemps déjà, La Geste du Sixième Royaume prend la poussière dans ma PAL. Probablement intimidé par son côté grosse brique (l’édition poche Hélios n’est pas des plus simple à manipuler et le grammage/lettrage ne sont pas forcément très agréable) et par le fait qu’il s’agit d’un (premier) roman de fantasy classique comme il en sort dix à la douzaine chaque trimestre, je l’avais volontairement laissé pour plus tard. Ce plus tard étant indéterminé (et sans doute lointain). Dans un moment de doute livresque, je me suis cependant plongé dans Notre-Dame des Loups, du même Adrian Tomas, toujours chez Hélios, intrigué par la quatrième de couverture. Et je me suis rendu compte de mon erreur. Par rapport au Sixième Royaume, je veux dire. Je n’aurais pas dû le laisser moisir dans un coin.

Notre-Dame des Loups, donc. Une histoire de loups-garous, une fois n’est pas coutume. Mais point de bit-lit à l’horizon. Les influences ici ne sont certes pas Stephanie Meyer et ses jeunes éphèbes issus de l’imaginaire gothique : on est en plein dans de la dark fantasy à l’américaine. C’est direct, violent, graphique, prenant. On est dans du Joe Abercrombie, en format court. Et c’est ‘hachement bien, les amis. Comment le décrire autrement ? En gros, c’est un mix entre The Revenant et The Hateful Eight. Et on ne peut même pas accuser l’auteur de plagier, puisque les deux films sont sortis après le bouquin (respectivement 2016 et 2015). Vous l’aurez compris : on a affaire à un western dans le grand Nord américain (l’endroit est incertain, mais on imagine aisément l’action au milieu du Wisconsin en décembre 1880 et quelque), peuplé d’une galerie de salopard en tout genre.

Et c’est exactement ça. Une troupe de sept individus, les Veneurs, qui semble aussi hétéroclite que soudée, parcours les étendues sauvages du Nord-Ouest américain pour chasser les loups-garous. On y retrouve un allemand en redingote, un cowboy à la gâchette facile, un esclave afro-américaine récemment affranchie et mutique, un vieil édenté qui fabrique les balles en argent, un journaliste fauché et, bien sûr, un bandit de grand chemin à leur tête. Et cette bande n’aura de cesse de s’enfoncer dans la nature hostile afin de tuer la Reine mère, l’origine de tous les loups-garous, la quasi-mythique Notre-Dame des Loups. Les personnages, tous « bigger than life » sont remarquablement bien construits et sont tous plus intéressants et complexes qu’ils ne le paraissent au premier abord. Même ceux qui semblent antipathique ont des circonstances atténuantes.

Adrian Tomas prend de plus le pari risqué de raconter chacun des chapitres par un veneur différent, nous permettant ainsi de les découvrir tour à tour, avec leur passé, leurs passions et leur rôle respectifs. Là où d’autres auraient hachuré le récit, Tomas s’en sort magnifiquement bien en réussissant chaque transition sur un crescendo final par chapitre dont il vaut mieux taire la mécanique pour vous préserver la surprise de lecture. Sachez simplement, bien sûr, que l’auteur est loin d’être un manche et qu’il égrène ci et là, dans chaque tranche de vie, par petites touches, les éléments qui vous permette de reconstituer le puzzle de ce récit à tiroirs.

L’inéluctabilité de la progression du récit en fait une machine redoutablement efficace : impossible de poser le bouquin sans être arriver au bout. On fait partie de la bande, pendant toute leur folle équipée. ça sent la poudre, le sang, et la bête humide. Et dès que la nuit tome sur le récit, on frémit à l’idée que les lycanthropes ne sont pas bien loin. Et qu’ils sont nombreux. Difficile d’en dire plus sans spoiler l’histoire. Et vu la nature du récit, très cinématographique et très spectaculaire, il serait vraiment dommage d’en dire trop. Il ne me reste donc qu’à tirer mon chapeau bien bas à ce court roman, lecture coup de poing aussi passionnante qu’effrayante. Un auteur que je m’empresserais de relire, en espérant qu’il est aussi original et sur le fil avec ses autres romans de fantasy.

Zothique

De Clark Ashton Smith, 1932-1953.

Aux côtés de H.P. Lovecraft et Robert E. Howard naviguait un troisième auteur formidable dans les colonnes de Weird Tales, pendant l’âge d’or du Pulp de fantasy et d’aventure américain. Ce troisième homme, c’est le très discret Clark Ashton Smith. Si ses très nombreuses nouvelles furent appréciées par les lecteurs de l’époque, il faudra attendre l’après-guerre pour qu’August Derleth, la cheville ouvrière d’Arkham House (maison d’édition créée essentiellement pour faire redécouvrir l’œuvre de Lovecraft à un public plus large), ait la bonne idée de publier ces nouvelles en recueil. L’éditeur francophone NéO lui emboitant le pas dans les années 80, le public de nos contrées pu à son tour le découvrir. Toujours de manière assez confidentielle, cependant.

On ne peut donc qu’applaudir les éditions Mnémos d’avoir lancer voilà quelques années déjà un appel à financement participatif via Ulule pour publier dans une nouvelle traduction complète et révisée l’ensemble des textes de fantasy de Smith. Et de ressortir ces ouvrages précieux en poche dans sa collection Hélios pour toucher un public encore plus large.

Car Smith en vaut la peine. Contrairement à l’adage, il n’est guère le nain qui se hisse sur les épaules des géants : il fait jeu égal avec les pères spirituels de Cthulhu et Conan. J’irai même jusqu’à dire, mais c’est peut-être là un effet bienfaisant de l’érudite nouvelle traduction de Julien Bétan, qu’il est même plus agréable à lire que ses deux compères. Autodidacte, Smith est artiste complet. Poète émérite, il fut également peintre et sculpteur en plus de ses activités de nouvelliste. Cette démarche artistique totale se ressent à la lecture de ses nouvelles : le phrasé, d’une richesse précieuse, évoque des mondes fantastiques avec des images et des ressentis d’une poésie rare et évocatrice.

Et ceci au service de nouvelles dans la plus pure tradition pulp : les mondes évoqués regorgent de nécromants à défaire, de lamies à contrecarrer, de vampires à occire et de belles femmes à délivrer. Derrière ces résumés forcément réducteurs se cachent de vraies perles de récits d’aventure sombres et horrifiques. Le parallèle avec Lovecraft est évident : les personnages principaux des nouvelles de Smith luttent contre des phénomènes surnaturels qui les dépassent, contre des forces impies qui les plongent aux frontières de la folie (mais ils n’y succombent pas, contrairement aux protagonistes principaux du reclus de Providence). Et le lien avec Howard est également marqué : ses héros n’en sont pas forcément. Mercenaires, soldats à la dérive, maris en quête de vengeance, les héros de Smith auraient plutôt leur place dans la dark fantasy (sous-genre de la fantasy qui n’existait bien entendu pas à l’époque, dont les fers de lance actuels sont par exemple Joe Abercrombie, Mark Lawrence ou Scott Lynch) et non dans la high fantasy (Tolkien et ses nombreux imitateurs).

Mnémos a eu la bonne idée, par ailleurs, de rassembler les textes de Smith en trois tomes en fonction des univers qu’ils mettent en scène. Ce premier tome est consacré entièrement au continent de Zothique, une sorte de Proche-Orient sombre, un Iran démoniaque, proche en bien des aspects de la Cimmérie du Roi Conan. Les nombreuses nouvelles qui constituent ce premier recueil (qu’il serait fastidieux de développer individuellement dans ces colonnes) alternent entre l’horreur, la dark fantasy et la grim-dark fantasy. Vous allez penser que j’exagère, mais je vous mets au défi de compter le nombre de nouvelle se concluant sur une happy end. Vous verrez que ça ne pèse pas bien lourd. Les optimistes devraient donc se tenir éloignés du bouquin.

Quant aux autres, je ne peux que leur conseiller de découvrir ce petit bijou. Bien sûr, genre oblige, les mécaniques des récits sont assez archétypales. Les revues pulp étaient après tout éditées pour faire du sensationnel avec du easy-reading (comme il existe le easy-listening). Clark Ashton Smith dépasse cependant les clichés et parvient à insuffler dans ces récits somme toute classiques une poésie évocatrice particulièrement marquante et une vision désespérée et noire de l’humanité. Les anti-héros (nécromants en tête, Smith semble avoir un faible pour eux) se succèdent dans des nouvelles qui font la part belle au mysticisme, aux meurtres, aux dieux perdus et impies. C’est du très très bon pulp. Et c’est un amateur, je l’espère éclairé, du genre qui vous l’affirme. La suite, Averoigne, est tout en haut de ma PAL.

Fantasy & Histoire(s)

Sous la direction d’Anne Besson, 2019.

A défaut de pouvoir me rendre aux Imaginales, festival dédié à l’imaginaire jouissant d’une réputation très positive depuis de nombreuses années déjà, organisé chaque année dans la ville d’Épinal, nous ne pouvons que remercier les éditions ActuSF de nous proposer les actes de leur colloque 2018 dans une édition sobre et très agréable à lire. Sous la direction de l’inévitable Anne Besson (universitaire française très versée dans l’imaginaire, le fantastique et la fantasy, déjà éditrice du Dictionnaire de la Fantasy et dirigeant de nombreux thésards sur le sujet à travers la France), ces actes regroupent 16 contributions universitaires sur les liens divers et variés qui lient la fantasy et l’histoire.

Et comme dans tout objet littéraire de ce type, on alterne entre la réflexion très intéressante et des textes plus abscons dont la portée scientifique ou pédagogique pose question. Après un avant-propos et une préface relativement convenus, ces actes ont la bonne idée de débuter en laissant la parole aux écrivains. Fabien Cerutti, Jean-Laurent Del Socorro, Estelle Faye, le truculent Jean-Philippe Jaworski et le très discret Johan Heliot se répondent dans une table ronde orchestrée autours de l’importance de l’Histoire (avec un grand h) dans leur métier d’écrivain et la construction de leur fiction. Riche en anecdotes et éclairant, la table ronde aurait sans doute gagné à inviter l’un ou l’autre écrivain qui n’est pas spécialisé dans la fantasy historique (car, bien sûr, ils parlent d’une voie étant tous plus moins représentants de ce courant).

Après les minutes de cette table-ronde débute réellement la contribution scientifique de l’ouvrage. Le premier article, consacré au temps de la fantasy (temporalité cyclique et chronologie linéaire) est informatif mais ne laisse pas le souvenir d’une contribution essentielle. Le second article, consacré à la réécriture de l’Enéide dans le Lavinia d’Ursula K. Le Guin était à mes yeux plus pertinent (et m’a forcé à m’acheter ledit bouquin, qui n’était pas dans ma PAL interminable jusqu’alors). Riche et éclairant, cette contribution met bien en lumière la capacité de la fantasy, genre de but en blanc passéiste, à remettre à jour des mythes, à travers dans l’exemple étudié le militantisme féministe de son auteur. La troisième contribution, mineure, est consacrée aux liens entre légende et histoire dans l’œuvre de Tolkien (traitant le SdA, mais aussi et surtout les relectures de Kullervo, de Sigurd et Gudrun ou encore de Beowulf et la matière de Bretagne par le maître anglais). Je suis sans doute dur, mais il a déjà été tellement écrit, dans les facultés de philo et lettres, sur l’œuvre de Tolkien qu’il semble dur d’apporter une pierre pertinente à l’édifice.

S’en suivent deux contributions qui ne m’ont pas passionné sur les fées à travers l’histoire et la fiction et sur Mélusine en particulier. La thématique ne m’intéressant pas, je l’avoue, je les ai plutôt lues distraitement. Intervient alors la première contribution vraiment marquante de ces actes à travers l’article de Florian Besson consacré au rythme historique de la fantasy médiévale. L’article explore l’idée que le temps des récits de fantasy semble toujours figé dans un moyen-âge infini où la société n’évolue jamais. Seules les guerres et les « jeux de trône » semblent être les moteurs scénaristiques alors que l’histoire réelle démontre bien que les mutations sociales et l’évolution des techniques sont nettement plus importants dans le mouvement historique que le devenir de l’une ou l’autre lignée royale. L’article avance le fait que la fantasy médiévale gagnerait sans doute à évoluer comme l’étude de l’histoire la fait elle-même : dépasser la longue litanie des rois et reines et des champs de batailles pour se concentrer sur ce qui est réellement le moteur historique, à savoir l’évolution de la société elle-même.

Nous avons ensuite une contribution agréable à lire sur le rôle du barde et conteur et le rôle de celui-ci dans le façonnement de la réalité historique (réelle ou fictionnelle). Agréable à lire mais d’un intérêt, à mes yeux, limité. Nous poursuivons ces actes avec une contribution touffue et assez illisible, malheureusement, sur la recréation de l’histoire dans la fantasy polonaise (qui réussit l’exploit de ne citer qu’accessoirement la saga du Sorceleur). L’article suivant, consacré aux textes de E. R. Eddison est du même acabit : je ne vois pas trop ce que l’auteur entend démontrer.

Ensuite, nous avons une contribution assez convenue sur les liens entre l’univers d’Harry Potter et l’histoire de l’occident (chasse aux sorcière, fascisme, contestation sociale, lutte des classes, etc.) L’article est très agréable à lire, mais enfonce surtout des portes ouvertes. Dommage, surtout lorsqu’on le compare au texte suivant : la contribution de William Blanc sur la place de l’Orque dans les textes de fantasy et son évolution du début du XXème au début du XIXème est vraiment passionnante. Fort bien documenter, le texte démontre parfaitement son postulat de base : d’une allégorie raciale européocentriste, l’Orque a été réhabilité au fil du temps jusqu’à devenir le personnage principal de certaines fictions dans un contexte où la race n’est plus (ne devrait plus) être un sujet.

L’article suivant est du même tonneau : il s’agit d’une contribution fort intéressante sur le parallèle entre le post-colonialisme et la mouvance steampunk et l’uchronie. La fantasy devient alors un véhicule pour corriger l’histoire officielle et donner une voix aux opprimés et aux oubliés. C’est également la thématique du texte suivant consacré au Trône de Fer, qui démontre que la série de Georges R.R. Martin laisse la part belle aux évincés de l’Histoire, aux parias de la société et aux personnages secondaires au destin divers. Enfin, on aborde la dernière partie de l’ouvrage sur le lien entre jeu et histoire. Un premier article mineur analyse la saga Pirates des Caraïbes en y cherchant le vrai du faux. Pas fondamental. Le texte suivant, consacré au supplément AD&D dédié aux campagnes incorporant des vikings, est fort amusant mains un peu abscons : c’est drôle de voir appliqué une méthodologie universitaire classique d’analyse de contenu à un supplémentaire relativement méconnu de la seconde édition du JDR le plus connu depuis la création du genre. Enfin, les actes se concluent par un article intéressant sur le sexisme et la répétition de schémas sociaux passéistes dans les reconstitutions historiques et les GN. Ludique et frappant à la fois.

En résumé, que penser de ces actes du colloque des Imaginales de 2018 ? Eh bien, c’est simple : louons encore une fois l’éditeur, relativement mainstream, d’avoir eu le courage de sortir cela dans une édition abordable et suffisamment claire pour être lue comme un essai tout public et non une contribution universitero-universitaire confidentielle. Bien sûr, certains articles sont plus faibles, voire anecdotiques. Mais c’est le lot de ce type d’ouvrage. Cela démontre par ailleurs que l’étude de la fantasy comme objet littéraire est relativement neuve et que les contributions vraiment pertinentes ne sont pas légion (sans doute encore moins en francophonie). Mais le livre a le mérite d’exister et offre quelques pistes de réflexion très intéressante pour tous ceux qui aiment à réfléchir sur ce qu’ils lisent.

The Dark Powers of Tolkien

De David Day, 2018.

Voici un avis sur lequel je ne m’étendrai pas. Day, dont j’ai déjà parlé dans ses colonnes pour un essai mineur sur l’univers de Tolkien, récidive ici avec un livre toujours aussi court sur « les méchants » de l’œuvre du maître anglais. De Morgoth aux Nazguls, en passant par Shelob, Sauron et les Balrogs, l’auteur canadien condense, résume et agrège, façon Reader’s Digest, tout ce qu’il faut savoir sur les antagonistes qui peuplent The Hobbit, The Lord of the Rings et The Silmarillon.

Comme dans The Battles of Tolkien, un amateur un tant soit peu éclairé de l’auteur anglais n’apprendra pas grand-chose dans cet essai qui se lit en une petite heure. Je reconnais cependant que les textes de The Dark Powers […] sont de meilleure facture que ceux de The Battles […]. Ils ont pour avantage de se contenter d’être informatifs et ne cherchent pas des explications boiteuses aux écrits de l’auteur original. Et quand Day ne suppute pas, il fait un copiste passable.

Mais pourquoi parler du volume, dans ce cas ? Pourquoi l’avoir acheté, me direz-vous ? Parce que je suis un Tolkien fan-boy et que, même si la qualité du contenu n’est pas au rendez-vous, il faut reconnaitre que le tome, avec sa couverture similicuir, est un bel objet dans sa bibliothèque ? Pas seulement, en fait. Non, The Dark Powers of Tolkien a pour lui la même force que The Battles […] : ses multiples illustrations. Day, à défaut d’avoir du génie dans ses analyses et commentaires, a au moins pour lui se savoir s’entourer d’artistes méconnus mais talentueux. Si, comme moi, vous êtes toujours à la recherche de « vision d’artiste » sur les Terres du Milieu, les quelques poches de Day constituent de fait une alternative abordable aux « grands livres d’art » consacrés aux illustrateurs et artistes plus courus qui ont mis en image l’univers de Tolkien. Et, pour ce simple (et unique) fait, il valait sans doute la peine de parler de ce bouquin.

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : ce n’est certes pas un indispensable. Loin de là. Mais l’objet est de belle facture et agréable à compulser. Il faut juste éviter de trop s’attarder sur les textes (bon… pour un livre, c’est malheureux, évidemment).

PS: Le problème de l’identification des artistes est cependant toujours bien présent. Leurs noms sont cités en vrac et en petits caractères dans le colophon publié en frontispice du livre. Au moins cette fois-ci n’y a-t-il plus ces assez laides cartes qui n’amenaient rien à la lecture du précédent opus.

Le guide Howard

De Patrice Louinet, 2015.

Maintenant que l’œuvre de Robert E. Howard est finalement réhabilitée dans son texte original, disponible en VO comme en VF, on peut désormais pleinement profiter de l’un des plus grands noms du pulp sans limite. Robert E. Howard, le père de Conan, de Kull ou encore de Solomon Kane est, avec Howard Philip Lovecraft, l’un des pères fondateurs du fantastique américain du début du XXème. Et qui d’autre que Patrice Louinet pour nous aider à défricher le terrain, à développer notre connaissance, à mettre à mal certaines idées reçues et à nous conseiller ses plus grands textes ?

Patrice Louinet, pour ceux qui l’ignore, est l’un des plus grands spécialistes mondiaux de Robert E. Howard. Malgré qu’il soit français, c’est lui qui est appelé par les anglais de Wandering Star qui souhaitaient publié l’intégrale des nouvelles de Conan dans leur version originale et non dans les versions remaniées/trahies par Lyon Sprague De Camps et Lin Carter. Ces mêmes intégrales publiées quelques années plus tard par Bragelonne en français dans une version nouvellement traduite par … Patrice Louinet ! S’en suivront une série d’autres beaux tomes (malheureusement assez chers) chez Bragelonne qui couvriront non pas l’intégralité mais l’essentiel des écrits de l’auteur texan (ses autres nouvelles de fantasy, mais aussi d’horreur dans la veine de Lovecraft ou encore de western, genre qu’il affectionnait particulièrement).

Qui d’autre, donc, que Louinet pour nous faire (re)découvrir l’œuvre d’Howard ? Le guide Howard, format compact chez Hélios, est une magnifique porte d’entrée pour les néophytes. Et, pour les aficionados, une mine de renseignements intéressants. Il s’agit vraiment d’un guide, d’une entrée en matière signée de la main d’un véritable passionné. Louinet navigue dans les œuvres du maître avec un brio certain : il éclaire les textes essentiels en les présentant de manière synthétique et amusante et ne fait pas l’impasse sur les faiblesses d’autres textes mineurs. C’est l’une des forces du guide ; Louinet est peut-être l’un des plus grands fans d’Howard, cela ne l’empêche pas d’être lucide.

Commencer le tome en tordant le cou à quelques idées reçues et légendes urbaines sur l’auteur (c’est une force de la nature, il n’avait pas de connaissance des femmes, il avait un méchant œdipe non résolu, etc.) est une bonne entrée en matière. Cela permet à Louinet de directement mettre les points sur le i et d’identifier l’ennemi : c’est le traite Lyon Sprague de Camps qui, tel un vampire assoiffé de dollars, a dévoyer les textes de l’auteur en les martyrisant au possible, en les censurant et en y ajoutant ses propres pastiches comme faisant partie du canon. Il ira même jusqu’à inventer des pans entiers de la biographie d’Howard pour que celle-ci correspondent au « personnage » de Sprague de Camps avait inventé pour coller à ses propres dires. L’aide ponctuelle de Lin Carter (un tâcheron relativement modeste) dans cette réécriture ne semble pas avoir joué un grand rôle (même s’il est amusant de lire que Sprague de Camps a tenté de rejeter la faute sur ce dernier quand les dents ont commencé a grincer sur les coupes claires des Conan dispo dans le commerce).

Louinet nous présente aussi une série de textes d’Howard qu’il juge essentiel, titillant volontiers l’intérêt du lecteur en en disant juste assez. Il a également rédigé une bio assez courte de l’auteur, fort documentée et intéressante, même si elle n’a aucunement l’ambition d’être exhaustive. Enfin, Louinet consacre les derniers chapitres de son guide à l’influence d’Howard et les adaptations de l’œuvre de ce dernier. On constate directement le « choix » éditorial de Louinet quand il indique qu’il n’y a aucune adaptation cinématographique des œuvres d’Howard à l’heure actuelle. Il considère en effet que les films « inspirés » d’Howard ne sont pas des adaptations. Exit donc le Shwarzie de John Milius (pourtant légendaire), sa suite ridicule ou encore le remake totalement insignifiant avec Jason « Aquaman » Momoa dans le rôle principal. Exit également l’adaptation, elle aussi ratée malgré un bon casting pour le rôle principal, de Solomon Kane.

Bref : Le guide Howard est une bonne porte d’entrée pour les curieux qui connaissent mal l’homme et son œuvre et un bon compagnon pour ceux et celles qui seraient plus familiers avec ces récits (… of high adventure! – sur la BO de Basil Poledouris, of course). Pas cher, intéressant : que demande le peuple ? Moi, en tous les cas, cela m’a donné envie de me plonger dans les récentes rééditions de Conan, que ce soit l’intégrale prestige (format pavé) de chez Bragelonne, ou la version poche plus accessible et plus pratique du Livre de Poche.