H.P.L.

Suivi de Celui qui bave et qui glougloute De Roland C. Wagner, 2006-2007.

Réédité il y a quelques mois à l’occasion des 80 ans de la mort du reclus de Providence, ce court volume reprends deux nouvelles du regretté Roland C. Wagner, décédé malheureusement trop tôt voilà quelques années. Ce court volume (140 pages plus ou moins) renferme deux textes très différents l’un de l’autre. Le premier est une biographie fictive d’Howard Philip Lovecraft, si ce dernier n’était pas lui aussi mort jeune mais avait vécu jusqu’à ses 101 ans. Le second est une nouvelle plus classique, hommage là aussi aux monstres tentaculaires sortis des abysses insondables -et forcément indicibles- de l’imaginaire lovecraftien.

Dans le premier texte, H.P.L., Wagner se plaît à imaginer un Lovecraft qui réoriente sa production littéraire vers la S-F après la seconde guerre mondiale et qui prend progressivement le rôle d’un vieux sage de la littérature de genre (ce qu’il est, paradoxalement, effectivement devenu à titre posthume). Wagner en profite même pour corriger certains traits que les amateurs des œuvres lovecraftiennes sont toujours un peu gênés d’évoquer lorsqu’ils parlent de l’auteur : exit le racisme primaire dont il a pu faire preuve et sa sympathie étrange pour le régime nazi. Lovecraft, ici, se rend compte de son erreur et fini même par être inquiété par le maccarthysme dans les années 50/60 pour ses sympathie avec le socialisme.

Au-delà du côté amusant de l’exercice, il faut admettre que cette fausse bio est particulièrement bien pensée en ce qu’elle est crédible. Elle présente en effet une progression, tant littéraire que sociale, de la vie de Lovecraft et le tout tient très bien la route. Wagner démontre par ailleurs sa grande connaissance de l’œuvre du maître, mais aussi et surtout des aléas et travers de l’histoire éditoriale de son œuvre, dans leur version originale comme dans leur version française. Les notes en bas de page regorgent d’anecdotes vraies (ou presque vraies ?) sur l’édition des œuvres de Lovecraft en français, par exemple. Si Sadoul est cité à plusieurs reprises pour ses éditions de best-of des revues pulps (faudra un jour que j’en parle ici, d’ailleurs, étant grand amateur du genre), c’est surtout Bergier qui en prend pour son grade avec sa « lecture » totalement faussée de l’intention de Lovecraft et de ses textes…

Ce premier texte est suivi par une version anglaise du même texte. Il s’agit d’une adaptation plus que d’une simple traduction, puisque les nombreuses références au monde de l’édition francophone sont purement et simplement supprimées, lorsqu’elles ne sont pas remplacées par des références anglo-saxonnes (cependant moins nombreuses). L’effort est notable, mais je comprend mal l’intérêt de le publier dans ce court recueil ostensiblement destiné à un public francophone ? Soit, c’est un moindre mal.

Le troisième et dernier texte (après H.P.L et sa traduction anglaise) est donc Celui qui bave et qui glougloute. Vous imaginerez aisément qu’il s’agit d’un texte à vocation comique. Visiblement, symptomatique de la production de Roland C. Wagner (dont je lis ici la première œuvre, donc je sais difficilement juger par moi-même), il s’agit en effet d’une farce sur le fond qui développe cependant une véritable histoire avec un véritable enjeu dramatique. En deux mots, un groupe d’intellectuels américains, dans le but d’aider les indiens a résister à leur lente extermination par les conquérants de la Frontière, invoque malheureusement des créatures d’outre-espace qui n’ont pas pour ambition d’aider uniquement les indiens à mener un combat juste. Ils veulent aussi asservir l’humanité. Et la situation s’empire quand Washington reçoit à son tour l’aide d’autres créatures extra-terrestres qui, sous le couvert de vouloir équilibrer les chances, importe en fait un conflit millénaire sur Terre.

Et la solution s’impose : il faut invoquer un grand ancien qui va mettre tout le monde d’accord. Mais pas le plus malin ; celui qui bave et qui glougloute. Amusant à lire, la nouvelle invoque toutes les grandes figures que l’on associe volontiers au western : les Daltons, Camility Jane, Wyatt Earpt, etc., etc. Avec, au-dessus de tout cela, un couche de monstres chitineux et protoplasmiques. 🙂

Wagner a rédigé cette nouvelle à l’origine pour une recueil consacré au steampunk. Mais, comme on l’apprends dans la post-face du bouquin (composé d’interviews de l’auteur), Wagner n’est pas un fana de ce sous-genre, considérant qu’il n’apporte pas grand chose au fantastique dans son ensemble et qu’il a même plutôt pour effet de restreindre l’imagination des auteurs qui le pratique. Du coup, plutôt que de choisir bêtement un Londres (ou un Paris) brumeux au tournant du XIX siècle, comme dans 99% de la production steampunk, il a cadré son histoire aux États-Unis, sur la frontière de l’Ouest, la fameuse Frontière de la conquête de l’Ouest. Et il l’a mélangé à l’imaginaire de Lovecraft, pour notre plus grand plaisir de lecture. Mangez-en, les amis, c’est du bon.

Quand les futurs d’hier rencontrent notre présent

Divers, 1950-1970

Contient:
La main tendue, de Poul Anderson, 1950
Audience captive, d’Ann Warren Griffith, 1953
La montagne sans nom, de Robert Sheckley, 1955
La vague montante, de Marion Zimmer Bradley, 1955
Le mercenaire, de Marc Reynolds, 1962
Le pense-bête, de Fritz Leiber, 1962
Continent perdu, de Norman Spinrad, 1970

La maison d’édition Le passager clandestin, davantage spécialisée dans la littérature contestataire et les écrits politiques, entretient depuis quelques années une collection de science-fiction. La collection, appelée Dyschroniques, a pour vocation la réédition des textes courts (nouvelles ou novellas) de grands noms de la SF des années 50 aux années 70. Le point commun entre ces textes est qu’ils préfigurèrent, de manière claire ou détournée, des travers de la société actuelle : une réelle littérature d’anticipation, pour le coup (par exemple le ciblage publicitaire, dans Audience captive).

Chaque texte est en sus suivi d’une courte biographie de l’auteur ainsi que d’un contexte historique en quelques dates et faits marquants. Ces éléments permettent de passer de l’autre côté du miroir et de s’imaginer d’où vient l’imagination fertile des différents écrivains. Les volumes se concluent avec une courte liste de films et de livres traitant de la même thématique, liste qui a peut-être un peu moins d’intérêt, car elle ne fait que reprendre des grands classiques que l’amateur de SF connait déjà pour la plupart.

Un dernier mot sur l’édition avant de passer au contenu : les sept nouvelles sont reprise dans un coffret cartonné qui n’est malheureusement pas d’une solidité à toute épreuve. Les bouquins en eux-mêmes, de très petit format, sont très épurés et très beaux et sont très pratiques à emportés partout. Certes moins beaux que les volumes de la formidable collection Une Heure-Lumière du Bélial, ces courts textes ont l’avantage d’être moins cher. Entre 6 et 8 euros le tome, 30 et quelques pour le coffret ; à ce prix-là, pas d’hésitation à avoir. Mais place maintenant au contenu.

La main tendue, de Poul Anderson, fleure bon la SF de l’immédiate après-guerre. Dans la nouvelle, une peuplade extraterrestre refuse l’aide de la Terre pour se reconstruire après une guerre l’ayant opposé à un voisin galactique (alors que ce dernier accepte l’aide). Le texte est une charge très lucide contre le plan Marshall et inféodation qu’il engendre, tant d’un point de vue économique que scientifique, culturel ou social. Longtemps avant que l’on parle de globalisation, Poul Anderson avait donc anticipé justement le risque de la main-mise de l’Oncle Sam sur ses ouailles, suite à une politique de la main tendue qui ne cache presque pas ses ambitions assimilatrices.

Audience captive, de la méconnue Ann Warren Griffith, tient davantage de la farce que de la nouvelle. Elle dénonce dans ce très court texte, à rapprocher des courtes nouvelles satiriques d’Asimov, Frédéric Brown ou encore K. Dick, les méfaits du spamming publicitaire. C’est d’autant plus amusant qu’elle décrit le ciblage publicitaire à travers l’ajout de puce (RFID ?) sonore sur les produits commerciaux. Bien qu’elle finisse par anticiper la main-mise de la télévision sur le culte du « commercial » (proche de celui qui lui est voué dans Demolition Man), elle ne pensait sans doute pas être encore davantage visionnaire en imaginant l’objet connecté qui fait sa propre pub…

La montagne sans nom est un autre texte assez court. Robert Sheckley y décrit une équipe de terra-formateurs au prise avec la population locale d’une planète ressource encore à vendre, mais également au prise avec une menace nettement plus complexe : la révolte de la nature elle-même. Écrit en 55, on peut y voir les prémices de la révolution hippie, le retour à la Terre, l’écoute de Gaïa. Sauf que Gaïa, ici, comme dans le Signs de Shyamalan bien des années plus tard, n’est en fait plus tellement sympathique envers le genre humain.

Dans La vague montante, Marion Zimmer Bradley, cela fleure bon également la réflexion sur le retour à la Terre. Sans aller jusqu’à un rejet de la technologie, la nouvelle nous conte le retour sur Terre d’un groupe de colons de l’espace, deux générations après le départ de leurs aïeux vers de nouveaux cieux. Et quel n’est pas leur surprise de constater que la bonne vieille société américaine a décidé d’en arrêter avec la course au progrès et a préféré se recentrer sur un mode de vie agrarien, en petite communauté, où chacun à sa place et participe selon ses compétences. Probablement le texte le plus faible de l’anthologie, La vague montante est pour moi un peu trop naïf sur les rapports humains et la construction sociale pour avoir l’impact qu’il souhaitait sans doute avoir. C’est la même raison, d’ailleurs, qui fait que je n’ai pas réellement accroché au grand œuvre de Zimmer Bradley, Ténébreuse.

Le mercenaire est signé par Marc Reynolds en 1962. L’auteur, très discret, n’est autre que le fils du candidat socialiste (oui, vous avez bien lu) aux élections présidentielles américaines de 1924, 1928 et 1932. Et il lire ici un texte étrange, dont j’ai du mal à déterminer si elle est une charge contre la course à l’armement ou une réflexion sur l’inanité de l’innovation technologique. Il s’agit de l’histoire d’un mercenaire vétéran dans un monde où les sociétés commerciales règlent leurs différents sur un champs de bataille (uniquement avec des armes et techniques d’avant 1900) en lieu et place du tribunal. Et ces sociétés de s’acheter les services de mercenaires/stratèges pour défendre aux mieux leurs intérêts. Le twist final vaut à lui seul le plaisir de lire la nouvelle, qui dilue bizarrement son propos en accordant trop de place à ses protagonistes.

Avec Le pense-bête, écrit par Fritz Leiber en 1962, on rentre dans une SF plus moderne, plus noire, plus cynique. Ici, un romancier fantasque (un double de Leiber ?) vend ses idées à des commerciaux dans une société post-apocalyptique où la majeure partie de la population vit sous terre. L’une de ses idées est la création d’un secrétaire automatique/robotique qui vous permettrait de ne plus rater quelque chose en raison de votre mémoire défaillante. Et le modèle est un succès sans précédent. Bientôt, tout le monde a son assistant personnel. Et tout va bien jusqu’à ce que la machine se mette à penser par elle-même. Probablement écrit sous acide (certains passages volent très haut!), le récit se lit d’une traite, même si , depuis 2001 L’Odyssée de l’Espace et Terminator, on commence à anticiper ce qui se passe lorsque l’on laisse trop d’espace à nos machines favorites. A lire en gardant en tête ce que notre smartphone fait pour nous (ou la manière dont il dicte nos vies ?)

Continent perdu, de Norman Spinrad, est à mes yeux le petit bijou de cette anthologie. Rédigée en 1970, à une époque où la SF devenait plus cynique qu’idéaliste, cette novella traite de manière très frontale du racisme de la société américaine. En le renversant. Nous sommes ici sur une Terre qui connu les affres d’une sur-polution excessive où les USA ont perdu leur position dominante au profit du continent africain. Et des touristes africains, pour diverses raisons, viennent visiter le New York de l’âge de l’exploration spatiale, ville-musée morte dans sa gange de polution. Les touristes payent leur tickets et seront embarqués dans l’hélicoptère d’un américain blanc, fruit rebelle d’une société soumise, qui les menèra dans une expédition dont personne ne sortira indemne. Alternant les points de vue du pilote blanc et d’un universitaire noir africain, le texte une veritable réussite qui allie le propos, le style, le suspens et des personnages fouillés, malgré la taille relativement modeste du bouquin (120 pages plus ou moins). On y retrouve un Spinrad inspiré, revanchard, qui signe ici un texte coup de poing qui marque également par sa poésie incongrue. Du tout bon.

Les chants de l’été

De Robert Silverberg, 1956-1981

Anthologie inédite en anglais, commissionnée par l’inénarrable Jacques Sadoul à l’époque où il régnait en maître sur l’édition SF dans la langue de Molière, Les chants de l’été est une sorte de best of des nouvelles du prolifique Robert Silverberg. Impossible, bien sûr, d’avoir un panel complet du Silverberg nouvelliste, le new-yorkais en ayant écrit plus de 200 dans sa longue carrière. Le principe de ce best of est de présenter des nouvelles rédigées entre 1956 (Silverberg a alors 21 ans) et 1981 (soit 25 ans plus tard), en ordre chronologique, pour y voir, peut-être, une évolution du style.

Pour être honnête, si évolution du style il y a, elle m’a au moins partiellement échappée. C’est peut-être dû à la traduction française de la très discrète Iawa Tate, qui a sans doute uniformisé la progression du style en imprimant sa propre patte aux textes traduits. Mais qu’à cela ne tienne, on lit de toute manière rarement de la SF pour un style particulièrement soutenu. Sur le fond, la progression n’est pas flagrante non plus : Silverberg fait preuve d’une imagination débridée dès le départ. Bien sûr, il y a quelques thèmes connus et balisés dans ces nouvelles, mais vu l’âge des textes, c’est un effet inévitable.

Je regrettais récemment, avec le pourtant très bon recueil La ménagerie de papier de Ken Liu, que les nouvellistes SF actuels pêchent souvent par un certain manque d’audace. Je me rends bien compte que, les années passants, il devient de plus en plus difficile d’imaginer des situations, des progressions ou des chutes inédites. Mais entre ce constat et un certain conformisme, il y a de la marge. Nul question de conformisme, dans cette anthologie. Silverberg fait preuve d’une imagination à toute épreuve dans chacun des 13 courts textes qui constituent ce recueil.

Il serait un peu fastidieux de tenter de tous les résumer. Disons simplement qu’ils vont du drame à la comédie en passant par des textes plus contemplatifs. La nouvelle ouvrant l’anthologie, qui donne son nom au recueil, est un récit de voyage dans le temps classique dans ses prémisses. Un new-yorkais des années 50 se retrouve projeté sur une Terre post-apocalyptique où les rares humains survivants ont opté pour un mode de vie contemplatif basé sur une utilisation modérée des bienfaits de la nature et sur des liens sociaux plus diffus qui favorisent un climat de paix et d’équité entre les individus. C’est évidemment sans compter sur leur visiteur, parfait exemple du capitalisme rugissant des années 50, qui voit dans les doux rêveurs du futur une bande de hippies mous qu’il convient d’exploiter.

Et ça n’est que la première histoire. J’ai particulièrement apprécié également Le Dernier poète, qui nous narre le choix malheureux du dernier poète de l’humanité, misanthrope, de s’expatrier à l’autre bout de la galaxie. Mais aussi La Digue, réflexion étrange sur le dernier choix libre de l’humanité dans un monde robotisé qui se protège d’une nouvelle menace venue des océans. L’Épouse 91 m’a bien fait marrer aussi, comme courte satire des rapports hommes-femmes avec quelques échos de sexualité débridée.

Nous savons qui nous sommes présente également une vision d’une Terre post-apocalyptique, où les survivants craignent les vestiges du passé et où il faudra l’arrivée d’une impromptue voyageuse pour rallumer la curiosité des survivants. Sauve qui peut!, enfin, est une belle réflexion sur la manipulation d’intelligences artificielles par l’homme (ou de l’homme par des intelligences artificielles ?) : un dictateur choisi de s’enfuir vers une étoile lointaine à la veille de son renversement. Il prend pour tout compagnons des cubes mémoriels (des sortes de copies enregistrées, douées de réflexion et de la capacité d’apprentissage) de sa famille proche et de quelques philosophes et écrivains du passé. Et le dictateur tente de se persuader qu’il a fait le bon choix…

Difficile d’en dire plus sans ruiner le plaisir de lecture. Retenons juste qu’il y a au moins trois ou quatre bonnes idées par nouvelles (ce qui, vu leur longueur, est un ratio très élevé !) et que Silverberg parvient, comme les très bon nouvellistes, a intéresser le lecteur au devenir de ses personnages qui ne sont pourtant parfois qu’esquissés en quelques traits. Un tout bon recueil, qui mérite une (re-)découverte, pour autant que vous ne soyez pas allergiques aux histoires qui tiennent en maximum 30 pages. Vu que l’anthologie n’est plus éditée depuis le début des années 90 et que la tendance de l’édition SF est plutôt de pondre des intégrales, il ne vous reste sans doute plus qu’à écumer les bouquinistes (physiques ou virtuels) pour mettre la main sur le volume. Bonne chasse !

Tales from the Mos Eisley Cantina

Édité par Kevin J. Anderson, 1995

Ah ! Comment donner un avis argumenté sur une collections de nouvelles de l’EU (Extended Universe, pas European Union, bande de petits malins) de Star Wars quand on est, comme moi, biberonné depuis sa plus tendre enfance à coup de sabres lasers et de contrebandiers scruffy looking… Impossible, me direz-vous. Il me faut pourtant essayer.

Tales from the Mos Eisley Cantina est la première d’une série de trois anthologie de nouvelles éditées par Kevin J. Anderson au milieu des années 90. Le principe est simple : 16 auteurs de SF se sont prêtés au jeu et ont chacun à leur tour donner du corps aux extra-terrestres que l’on aperçoit parfois seulement au détour d’un plan dans la très fameuse scène de la Cantina du premier Star Wars (A New Hope). Cela donne 16 nouvelles, plus ou moins bien écrites, sur 16 personnages secondaires, plus ou moins connus (de Figrin D’an et Greedo à… Het Nkik -ok, c’est jawa- ? BoShek ??)

Vous aurez compris à ma présentation un peu cynique que la qualité de cette anthologie est toute relative. Les « grands noms » ne se sont d’ailleurs pas bousculés pour y participer. Mis-à-part Timothy Zahn (ici peu inspiré par les Tonika Sisters), Jennifer Roberson, Barbara Hambly et Kevin J. Anderson lui-même, les autres nouvellistes sont des inconnus au bataillon.

Tout n’est pas à jeter pour autant dans ce recueil : il est amusant, sur le principe de Rashômon, de découvrir les trajectoires des uns et des autres selon leur propre point de vue avant, pendant et après la fameuse scène de la Cantine, où Han tira en premier et Obi-Wan sectionna un membre (passage obligatoire de tout Star Wars qui se respecte). De tête, seule la nouvelle sur Ponda Baba et le Docteur Evazan ne se passe pas pendant les évènements de l’épisode 4 (l’une des meilleurs nouvelles du bouquin, d’ailleurs). Amusant aussi de découvrir des cultures extra-terrestres toutes plus extravagantes les unes que les autres.

L’anthologie, inédite en français, a, de par sa piètre qualité moyenne, peu de chance d’être un jour traduite et éditée de par chez nous. Si la curiosité vous pousse à vous faire une opinion vous-mêmes, je vous suggère d’écumer les bouquinistes ou de vous résoudre à la chercher sur le net comme les vilains petits pirates que vous êtes. Ou vous me croyez sur parole et vous passez votre chemin en laissant de côté cet objet peu probable. L’ayant lu, je comprend désormais mieux pourquoi n’importe quelle ombre aperçue à l’écran dans la trilogie originale a à peu près 14 pages A4 de biographie fictive sur le net. L’Univers Étendu l’explique. Le justifie-t-il ? Pour les fanatiques sans doute. Pour les curieux nettement moins.

La ménagerie de papier

De Ken Liu, 2011-2014

Super-star de la SF depuis quelques années, le sino-américain Ken Liu semble être le Messie que beaucoup de fans de SF attendaient ces dernières années. L’opinion professionnelle semble le reconnaître (la nouvelle éponyme du recueil a gagné le Locus, le Hugo et le World Fantasy) et l’opinion publique aussi – en annexe de cet article, une longue liste, non-exhaustive, des blogs francophones ayant chroniqué le tome -. La question reste donc de savoir si le bonhomme répond aux attentes, forcément hautes.

Et bien en fait, oui et non. Le recueil, comme tout recueil de nouvelles, aligne du très bon, du bon et du plus anecdotique. Comprenons-nous bien : c’est de la bonne came. Achetez-le les yeux fermés ; il y aura au minimum deux trois textes qui vous plairont. Liu a l’intelligence de mélanger les genres, allant de la SF, au fantastique en passant le pastiche de roman policier chinois d’époque. Mais est-ce pour autant génial ? Et bien, bizarrement, je trouve que ce sont les nouvelles primées qui sont finalement les moins surprenantes. Commençons par La Ménagerie de papier. C’est un texte touchant sur le déracinement, sur les rapports familiaux difficiles ; on peut même y lire une tentative de biographie sublimée de l’auteur (j’extrapole ici, ne connaissant rien de la vie de Ken Liu), où le regret et la piété filiale prend la forme d’une allégorie fantastique, d’origamis vivants. Mais enlevez cet élément fantastique et vous avez finalement un récit convenu.

Je suis un grand consommateur de nouvelles de SF, format que j’apprécie encore davantage, je pense, que la novella. Cet écrin de 15 à 40 pages révèle pour moi la qualité de son auteur : si une ambiance, des personnages, une histoire peuvent être développés de manière convaincante en si peu de place, alors il y a toutes les chances pour que l’auteur ait saisi les fondamentaux du récit. Et ceux-ci, Ken Liu les possède certainement. Cependant mes attentes ne s’arrêtent pas là. L’avantage d’un format court est la liberté qu’à l’auteur d’imposer un twist final inattendu. C’est pour ça que j’apprécie particulièrement les vieux roublards comme Asimov ou Silverberg : leurs nouvelles se concluaient, pour la plupart, sur une développement inattendu, sur une morale à contre-courant.

Et c’est exactement sur cela que je bute avec La Ménagerie de papier : peu de ces nouvelles m’ont réellement surprises. Mono no aware, autre nouvelle primée et seconde dans la série de quatre nouvelles qui clôturent le roman à la manière d’un planet-opera, est également symptomatique. Si elle est très bien écrite, si elle joue sur un concept nippon qui ne peut que parler au geek qui sommeille en moi, elle n’est reste pas moins prévisible. Sortie bien des années après l’excellent Sunshine de Danny Boyle, la nouvelle en reprend quasiment étape par étape un des épisodes narratifs, en y ajoutant un pathos familial visiblement cher à l’auteur.

Cela n’en fait pas une mauvaise nouvelle, bien sûr, mais il y a un petit quelque chose qui manque. Une élément de surprise qui marquerait le lecteur pour que le texte devienne effectivement un classique. Cela m’amène d’ailleurs à me poser des questions sur l’évolution des prix littéraire dans le monde de la SF et de la fantasy/du fantastique. Littérature bis par excellence (et ce n’est pas un jugement de valeur, que du contraire), je suis amené à penser que le mainstream fini aussi par toucher une population de juges vieillissante qui tend à primer le politiquement correct plutôt que l’inventivité.

En relisant les derniers paragraphes, je me rends compte que cela peut sonner très négatif. Ce n’était pas le but. Liu est certainement un auteur à suivre : les Algorithmes de l’amour, l’Erreur d’un seul bit ou encore la Plaideuse sont pour moi de belles surprises. Et ces deux textes plus long publié dans la très belle collection Une heure lumière de Bélial, l’Homme qui mit fin à l’histoire et le Regard, sont d’indéniables réussites. J’espère simplement qu’à l’avenir il prendra davantage de risques, comme nouvelliste ou romancier, et saura s’affranchir de développements parfois un peu trop hollywoodiens.

NB: pour les lecteurs bilingues, sachez que le recueil français mis au point par Bélial en 2015 est un inédit. La récente anthologie anglaise The paper menagerie & other stories ne contient pas les mêmes nouvelles que celle chroniquée ci-dessus. Y sont repris tous les textes courts de l’auteur qui ont gagné ou ont été finalistes de l’Hugo, du Nebula, du Sturgeon ou du World Fantasy, en ce compris l’Homme qui mit fin à l’histoire. Et ce recueil vient de gagner le Locus 2017 de la meilleure anthologie.

Autres avis sur le recueil :
Just a Word | Lorkhan | Blog-o-livre | La sortie est au fond du web | La bibliothèque de Philémon | Yozone | Un papillon dans la lune | Book en stock | Quoi de neuf sur ma pile ? | etc.