Shutter Island

De Martin Scorcese, 2010

Voilà un bel exemple de film qui gagne à être revu. Vu à l’époque de sa sortie, je me rappelle avoir été déçu du « twist » scénaristique qui arrive assez tard dans le film, alors même que les nombreux indices permettent de le deviner assez vite. Cette impression de facilité m’avait quelque peu gâcher le plaisir à l’époque et j’avais donc assez vite oublié ce que je considérais comme un Scorcese mineur. Maintenant que je l’ai revu, il me faut aussi revoir profondément mon jugement.

[Attention, les amis, difficile de parler de ce film sans spoiler à fond. Donc, je vous suggère de voir le film avant de lire plus avant cette critique/avis, sans quoi votre propre expérience de vision sera certainement amoindrie. Raison pour laquelle je ne vais pas réellement résumer le film et me contenterais-je de dire qu’il s’agit d’une enquête policière dans un asile d’aliénés, où l’une des patiente a mystérieusement disparu. Deux flics du continent débarquent, DiCaprio et Ruffalo, et se rendent bien vite compte que l’endroit lui-même est plus obscur que ce qu’il semble être au premier abord et que le personnel médical semble cacher des choses…]

Près de dix ans plus tard, alors que le détails de l’intrigue étaient un peu brumeux dans mes souvenirs, je me rappelais cependant que le personnage joué par DiCaprio était lui-même un patient de cet asile psychiatrique en pleine mer. Et que le film était donc un grand jeu de rôle. Pourtant, je me suis laissé à nouveau prendre au jeu et j’espérais, en effet, que les deux flics trouvent le fin mot de l’histoire et mettent le directeur médical de l’île, le toujours inspiré Ben Kingsley, devant ses contradictions.

Scorcese n’est pas un manche, évidemment. Il réussit avec ce film à poser un atmosphère inquiétante, dans un décors de fin du monde (la tempête et les pluies diluviennes, probablement inventée par le personnage de DiCaprio, et les cadrages toujours très travaillés rendent les décors menaçants d’un bout à l’autre du film), appuyé par une bande-son oppressante et soutenue par des performances d’acteur irréprochables. DiCaprio, Ruffalo et Kingsley se taillent la part du lion, mais même les rôles secondaires, à l’instar de Max Von Sydow, jouent juste et servent le propos.

Le véritable génie de Scorcese sur ce long est cependant sa maîtrise de la construction du récit et sur les décalages et autres indices qu’il insère dans la linéarité du scénario. Ces petites touchent très rapides qui nous suggèrent que quelque chose ne va pas (un exemple frappant : lors de la scène où DiCaprio interroge les prisonniers, une femme demande un verre d’eau que Ruffalo lui sert obligeamment. Mais, sur un plan de coupe très rapide, on voit la femme faire le geste de boire, mais sans verre en main) durent juste assez de temps pour s’imprimer sur notre rétine. Et notre conscient (pour ceux qui s’attendent à voir un film parfait, sans faute de raccord, puisque c’est du Scorcese) ou notre subconscient (pour les autres !) de se réveiller et de nous signaler qu’on se fait avoir.

Car c’est exactement ça : on se fait avoir. Ce film est une énorme pièce de théâtre où chacun joue un rôle dans l’espoir d’un effet thérapeutique sur le pauvre Teddy Daniel (DiCaprio). Pour l’aider à surmonter son drame personnel qui l’a, il est vrai, poussé à commettre un crime finalement compréhensible. Et si tous les indices mènent à l’inévitable scène d’exposition où la quatrième mur est allègrement franchi (j’adore ces scènes où le réalisateur, par le biais d’un des personnages, nous explique pendant dix minutes tout ce que l’on a pas vu que l’on aurait pu voir, nous explique en somme qu’on a été mené en bateau comme spectateur), la véritable fin arrive dans les derniers instants du film : après la difficile scène où l’on voit DiCaprio revivre l’assassinat de ses propres enfants par leur mère et où on le voit tuer sa propre femme, on retombe dans un monde normal. DiCaprio est un patient parmi les autres, conscient (pense-t-on) de son crime, sur la voie de la rémission, dans cet asile marin où, pour la première fois du film, les couleurs et l’atmosphère semblent printanières sinon estivale. Et il rechute, il retombe dans son délire de fuite, provoquant ainsi sa propre perte par lobotomie médicale. Avant de prononcer une courte phrase à Ruffalo (dont on apprend alors qu’il est le psychiatre attitré de DiCaprio) où il laisse entendre clairement qu’il est conscient de ses actes/qu’il est guérit, mais qu’il préfère se « suicider » que de vivre avec le poids de ses actes et de ses souvenirs. Un véritable drame, donc.

H.P.L.

Suivi de Celui qui bave et qui glougloute De Roland C. Wagner, 2006-2007.

Réédité il y a quelques mois à l’occasion des 80 ans de la mort du reclus de Providence, ce court volume reprends deux nouvelles du regretté Roland C. Wagner, décédé malheureusement trop tôt voilà quelques années. Ce court volume (140 pages plus ou moins) renferme deux textes très différents l’un de l’autre. Le premier est une biographie fictive d’Howard Philip Lovecraft, si ce dernier n’était pas lui aussi mort jeune mais avait vécu jusqu’à ses 101 ans. Le second est une nouvelle plus classique, hommage là aussi aux monstres tentaculaires sortis des abysses insondables -et forcément indicibles- de l’imaginaire lovecraftien.

Dans le premier texte, H.P.L., Wagner se plaît à imaginer un Lovecraft qui réoriente sa production littéraire vers la S-F après la seconde guerre mondiale et qui prend progressivement le rôle d’un vieux sage de la littérature de genre (ce qu’il est, paradoxalement, effectivement devenu à titre posthume). Wagner en profite même pour corriger certains traits que les amateurs des œuvres lovecraftiennes sont toujours un peu gênés d’évoquer lorsqu’ils parlent de l’auteur : exit le racisme primaire dont il a pu faire preuve et sa sympathie étrange pour le régime nazi. Lovecraft, ici, se rend compte de son erreur et fini même par être inquiété par le maccarthysme dans les années 50/60 pour ses sympathie avec le socialisme.

Au-delà du côté amusant de l’exercice, il faut admettre que cette fausse bio est particulièrement bien pensée en ce qu’elle est crédible. Elle présente en effet une progression, tant littéraire que sociale, de la vie de Lovecraft et le tout tient très bien la route. Wagner démontre par ailleurs sa grande connaissance de l’œuvre du maître, mais aussi et surtout des aléas et travers de l’histoire éditoriale de son œuvre, dans leur version originale comme dans leur version française. Les notes en bas de page regorgent d’anecdotes vraies (ou presque vraies ?) sur l’édition des œuvres de Lovecraft en français, par exemple. Si Sadoul est cité à plusieurs reprises pour ses éditions de best-of des revues pulps (faudra un jour que j’en parle ici, d’ailleurs, étant grand amateur du genre), c’est surtout Bergier qui en prend pour son grade avec sa « lecture » totalement faussée de l’intention de Lovecraft et de ses textes…

Ce premier texte est suivi par une version anglaise du même texte. Il s’agit d’une adaptation plus que d’une simple traduction, puisque les nombreuses références au monde de l’édition francophone sont purement et simplement supprimées, lorsqu’elles ne sont pas remplacées par des références anglo-saxonnes (cependant moins nombreuses). L’effort est notable, mais je comprend mal l’intérêt de le publier dans ce court recueil ostensiblement destiné à un public francophone ? Soit, c’est un moindre mal.

Le troisième et dernier texte (après H.P.L et sa traduction anglaise) est donc Celui qui bave et qui glougloute. Vous imaginerez aisément qu’il s’agit d’un texte à vocation comique. Visiblement, symptomatique de la production de Roland C. Wagner (dont je lis ici la première œuvre, donc je sais difficilement juger par moi-même), il s’agit en effet d’une farce sur le fond qui développe cependant une véritable histoire avec un véritable enjeu dramatique. En deux mots, un groupe d’intellectuels américains, dans le but d’aider les indiens a résister à leur lente extermination par les conquérants de la Frontière, invoque malheureusement des créatures d’outre-espace qui n’ont pas pour ambition d’aider uniquement les indiens à mener un combat juste. Ils veulent aussi asservir l’humanité. Et la situation s’empire quand Washington reçoit à son tour l’aide d’autres créatures extra-terrestres qui, sous le couvert de vouloir équilibrer les chances, importe en fait un conflit millénaire sur Terre.

Et la solution s’impose : il faut invoquer un grand ancien qui va mettre tout le monde d’accord. Mais pas le plus malin ; celui qui bave et qui glougloute. Amusant à lire, la nouvelle invoque toutes les grandes figures que l’on associe volontiers au western : les Daltons, Camility Jane, Wyatt Earpt, etc., etc. Avec, au-dessus de tout cela, un couche de monstres chitineux et protoplasmiques. 🙂

Wagner a rédigé cette nouvelle à l’origine pour une recueil consacré au steampunk. Mais, comme on l’apprends dans la post-face du bouquin (composé d’interviews de l’auteur), Wagner n’est pas un fana de ce sous-genre, considérant qu’il n’apporte pas grand chose au fantastique dans son ensemble et qu’il a même plutôt pour effet de restreindre l’imagination des auteurs qui le pratique. Du coup, plutôt que de choisir bêtement un Londres (ou un Paris) brumeux au tournant du XIX siècle, comme dans 99% de la production steampunk, il a cadré son histoire aux États-Unis, sur la frontière de l’Ouest, la fameuse Frontière de la conquête de l’Ouest. Et il l’a mélangé à l’imaginaire de Lovecraft, pour notre plus grand plaisir de lecture. Mangez-en, les amis, c’est du bon.

Du sang sur les mains

Sous-titré : De l’Art Subtil des Crimes Étranges

De Matt Kindt, 2013.

Pour sa seconde incursion dans le monde de la BD, la fantastique maison d’édition indépendante Monsieur Toussaint Louverture (dont le catalogue, très orienté classiques de la littérature US injustement oubliés, vaut le détour) se tourne du côté comics underground. Car si Matt Kindt a officié comme scénariste sur du Spider-Man, du Justice League, du Suicide Squad ou encore du Star Wars, Du Sang sur les mains ne fait pas partie de cette grande famille Marvel/DC. C’est un roman graphique et non plus vraiment un comics, pour lequel il a cette fois-ci associé son coup de crayon à sa plume.

Et il nous livre un thriller malin dans la lignée d’un Seven, en moins sombre. On y retrouve les enquêtes apparemment éparses du détective Gould, un super-flic qui développe de nouvelles méthodes pour mettre sur la main sur une ribambelle de criminels dans la ville de Diablerouge, dans une Amérique des années 60. L’histoire nous est contée principalement du point de vue des criminels, entrecoupée par de courtes saynètes centrées sur Gould et sa femme. Lesdits criminels ne sont pas des grands bandits. Les premiers sont un pickpocket, une voleuse de chaise (si-si), une artiste qui dérobe des panneaux publicitaires pour réutiliser les lettres géantes dans ses œuvres, par exemple.

Pas de meurtres ou de scènes affreuses, donc, mais plutôt une galerie de criminels rocambolesques dont les histoires ne semblent pas liées l’une à l’autre. Jusqu’à ce que, justement, ce lien apparaisse petit à petit. Et c’est là que Kindt exploite au mieux son art de la mise en scène : par de petites touches, des indices anodins glissés au gré des cases et des phylactères, un plan d’ensemble fini par se dessiner. Plan d’ensemble forcément tragique.

Sans vouloir dévoiler plus que le strict nécessaire, je peux quand même dire que la seconde moitié du bouquin est plus sombre et moins anecdotique que la première. Lorsque la trame du récit se referme sur l’inspecteur Gould, comme un piège-à-loup géant, le lecteur aussi se sera fait piégé, endormis par le ton plus badin des premiers chapitres, des premiers larcins dont l’innocence ne laisse jamais apparaître la manière dont ils seront un rouage dans la machination globale du seul véritable criminel du livre.

Kindt nous sert ceci avec un crayonné très particulier, parfois simplement esquissé sans être fini. C’est particulièrement vrai dans les pauses inter-chapitres où Gould et sa femme apparaissent encore encrés sur le crayonnage d’origine, ce qui donne un aspect mal dégrossit qui renforce encore la confusion qui règne dans ces courtes saynètes (confusion évidemment volontaire). Le coup de crayon est cependant agréable, même s’il s’efface bien vite derrière la froide efficacité du scénario. En tournant la dernière planche, on se rend compte qu’on s’est fait avoir comme un bleu. Tant mieux, c’était le but de ce malin thriller !

Un mot encore sur l’édition : comme d’habitude avec Monsieur Toussaint Louverture, maison menée par des professionnels de l’impression et du reliage, on a avec cette édition française un très bel objet entre les mains. Du gaufrage de la couverture à la trame du papier, tout est pensé pour le confort de lecture, tout en ne se refusant rien point de vue graphismes et qualité de la reproduction. Du travail d’orfèvre pour un prix tout à fait raisonnable.

La forteresse de coton

De Philippe Curval, 1967.

Publiée au départ dans la Blanche de Gallimard, La forteresse de coton est un texte hybride, quelque part entre la SF et la littérature intimiste, façon nouveau roman. Francis Berthelot, dans sa Bibliothèque de l’Entre-monde, publiée en 2005 et qui reprend La Forteresse de coton dans son catalogue, parle de transfiction. Je ne suis pas un spécialiste de la segmentation en genres littéraires, mais le terme correspond bien au bouquin de Curval. La quatrième de couverture précise que le texte résiste à toute catégorisation et c’est sans doute vrai. On est quelque part entre les genres, dans un récit intimiste sous acide.

La forteresse de coton nous raconte une histoire d’amour impossible entre Julien Cholles et Sarah, une inconnue qu’il croise sur les plages du lido, face à la sérénissime. Le récit labyrinthique nous apprends bientôt que Julien s’appelle également Blaise Canahan et que cette première rencontre, belle et violente à la fois, n’est qu’un épisode dans une histoire d’amour étrange que les deux protagonistes jouent depuis un certain temps déjà. Entre mensonges et faux-semblants, il faudra poursuivre notre lecture pour comprendre réellement qui sont ces personnages et ce qui les lie.

Curval, vieux de la vieille de la S-F française, collaborateur du légendaire Fiction en son temps, met sa très belle plume au service d’un voyage presque chimérique, entre les brumes vénitiennes et les sables turcs. Sa verve, poétique par moment, alterne entre fascination et dureté. Le texte est dès lors souvent intransigeant et requiert un degré d’attention certainement plus élevé qu’un roman classique. Ce simple fait, additionné à la temporalité bouleversée et à une construction du récit en poupées gigognes, font de La forteresse de coton une lecture exigeante et, sans doute, difficile d’accès.

Mais lorsqu’on entre dans le roman (et ce fut le cas pour moi dès les premières pages, avec la course-poursuite sensuelle, sexuelle, des deux amants dans les eaux de la lagune vénitienne), c’est aussi un très bon moment de lecture. Si l’on perd le fil de temps à autre, par exemple lorsque Blaise/Julien s’enfonce dans ses délires maniaco-dépressifs, l’ambiance délétère du roman, associée à une faconde stylistique brillante, donne une saveur très particulière à cette lecture. Je ne suis pas persuadé d’avoir parfaitement compris les tenants et les aboutissants de ce voyage littéraire (la première critique publiée sur Noosfère voit dans le choix des noms un parallèle biblique qui m’avait totalement échappé !), mais c’est certainement une expérience à tenter.

Confessions d’un automate mangeur d’opium

De Fabrice Colin et Mathieu Gaborit, 1999.

Deuxième titre du line-up de départ de la nouvelle collection poche « Steampunk » de Bragelonne, j’espérai que ce roman allait davantage me plaire que le très léger Club Vésuvius, dont il a déjà été question dans ces colonnes. Et la réponse est : oui et non. Écrire un roman à quatre mains est parfois un exercice ingrat. D’autant plus lorsque le choix est fait de développer deux personnages principaux, dont les histoires s’alternent de chapitre en chapitre. Car, dans ses conditions, il devient assez périlleux d’assurer une cohérence de style et de forme qui ne donne pas l’impression de lire deux livres à la fois.

Ici, Mathieu Gaborit (l’auteur des Chroniques de Crépusculaire) et Fabrice Colin (Winterheim) s’en sortent assez bien. Si l’un est plus sombre que l’autre (et je soupçonne fortement Colin de s’être chargé de la protagoniste féminine de l’histoire, dont le parcours est définitivement moins jojo), le cadre général est cohérent et on a effectivement un sentiment de progression de l’intrigue au fil des pages. Les Confessions d’un automate mangeur d’opium nous plonge donc dans un Paris fantasmé de la fin du XIXème, où la toute nouvelle Tour Eiffel partage le skyline parisien avec des engins volants marchant à l’éther, combustible ressemblant à une brume verte, dangereuse pour l’homme.

Dans ce cadre très steampunk (mérité cette fois-ci, contrairement au Club Vésuvius), une actrice de cabaret est confrontée à la mort d’une de ses amies, dont la chute d’un véhicule volant semble avoir été déguisé en suicide. Face à l’immobilisme de la police, elle décide d’enquêter elle-même sur ce qu’elle devine être un meurtre impliquant, peut-être, un automate pensant. Secondée par son frère, médecin à ses heures perdues, elle n’aura de cesse de débusquer les vrais coupables, au risque de sa propre vie et malgré des enjeux dont la complexité la dépasse. Les chapitres centrés sur Margaret, l’actrice, alterneront donc avec les chapitres centré sur Théo, le médecin, soit les aventures d’une Adèle Blanc Sec dévergondée à celles d’un dandy qui trouverait parfaitement sa place dans les romans de Pierre Pevel (cf. Le Paris des Merveilles).

Le tout s’enchaîne avec un brio certain, une écriture assez maîtrisée et des rebondissements allant crescendo. Mais dans ce cas, pourquoi ne suis-je qu’à moitié convaincu, allez-vous me dire ? Et bien peut-être la prétention du livre. Sorti pour la première fois en 1999, alors que la « mode » steampunk n’en était qu’à ses balbutiements de ce côté-ci de l’Atlantique, Confessions d’un automate mangeur d’opium sortait avec comme argument de vente d’être « le premier roman steampunk français« . Je ne sais s’il s’agit d’une volonté des auteurs ou d’un argument éditorial, mais il me semble que c’est mettre un peu vite de côté un certain Jules Verne, entre autres. Je sais bien qu’à l’époque de Verne le « steampunk » n’était pas du rétro-futurisme comme c’est le cas maintenant, mais simplement de la science-fiction, mais je trouve un peu malheureux de le passer sous silence, comme si Gaborit et Colin avaient inventé un genre.

Soit. Ceci ne serait qu’un point de détail si Confessions d’un automate mangeur d’opium avait été une œuvre phare, servant de modèle à un genre littéraire. Malheureusement, le bouquin ne fait que recycler les bonnes idées que des auteurs anglo-saxons avaient eu sur le sujet pendant les deux précédentes décennies, se contenant d’y ajouter une french touch un poil décadente. Je reproche donc au livre de ne pas prendre assez de risques. On y trouve de très bonnes idées (la partie où Margaret « habite » le corps de l’automate, par exemple, est très efficace par son côté oppressant et tragique) et d’intéressantes réflexions sur des questions d’actualité, comme les risques liés à l’intelligence artificielle. Mais, pour autant, le livre ne va pas jusqu’au bout de ces pistes et poursuit son petit bonhomme de chemin de manière relativement convenue. Je regrette, comme je l’ai fait il y a peu de temps avec Druide d’Olivier Peru, que certaines idées ne soient qu’esquissées pour finalement ne pas être exploitées dans la suite du récit. Le rôle du « créateur » de l’automate, démiurge complètement malade, a une fin tellement abrupte qu’elle est anti-climatique et un peu vaine dans la trame du récit, par exemple.

Mais bon, je pinaille. Le bouquin est agréable à lire et prenant malgré tout. Il ne marquera pas l’histoire de la littérature (même de genre), mais, pour finir, ceux qui le font réellement se comptent sur les doigts d’une main. Confessions d’un automate mangeur d’opium aura donc eu le mérite de me réconcilier avec la nouvelle collection poche de Bragelonne dont je testerai sans doute les prochains titres. En me laissant, malgré tout, un petit goût d’inachevé et de trop peu dans la bouche.