The Battles of Tolkien

De David Day, 2016

Le canadien David Day n’en est pas à sa première incursion dans le monde de Tolkien avec ce court essai paru en 2016. Depuis la fin des années 70, c’est déjà son septième bouquin consacré à la Terre du Milieu. Le bonhomme est malheureusement connu pour la faiblesse de son contenu et les imprécisions et erreurs qui entachent ses « companion books« . C’est d’autant plus dommage que ses livres sont généralement de belle facture et richement illustrés (notamment par Alan Lee pour ses anciennes publications).

The Battles of Tolkien ne fait pas exception à la règle. Malgré les 200 pages du livre, dans un format poche agréable à manipuler avec une couverture gravée en simili cuir, il se lit en une petite heure sans trop de problème. De fait, si l’on ne tient pas compte des pages de titres, des quelques schémas et des nombreuses illustrations, le corps du texte en lui même ne doit pas faire beaucoup plus d’une quarantaine de pages mises bout à bout. Et quel est son propos ? Et bien ce n’est pas très clair.

Le livre se vend comme un guide des diverses batailles qui émaillent la Terre du Milieu, depuis sa création dans les premiers livres du Silmarillion jusqu’au nettoyage de la Comté qui clôture la Guerre de l’Anneau. Et… ce n’est pas du tout de cela qu’il parle (ou si peu). Day profite des quelques pages qu’il avait à rédiger pour tracer tout au long du livre une série de parallèles entre les intrigues de Tolkien et ses inspirations mythologiques et historiques (de la cosmogonie scandinave à l’histoire de la Rome antique en passant par Charlemagne et, pourquoi pas ?, la geste héroïque de la famille royale tibétaine).

Si tout cela sonne relativement érudit et si certains emprunts sont indiscutables (on sait tous que Tolkien s’est beaucoup inspiré du Kalevala finlandais ou, dans une moindre mesure, du mythe arthurien et que l’anneau du Nibelung n’est pas tout à fait étranger à l’Anneau Unique), il n’en reste pas moins que d’autres parallèles sont un poil capillotractés. Et surtout assez vains : quel est l’intérêt de répéter inlassablement que tel passage est peut-être inspiré de tel légende ou de tel évènement historique ? Tolkien a suffisamment expliqué que son œuvre n’était en rien une allégorie. Qu’il ait été inspiré par ses lectures et sa connaissance des récits mythologiques, à travers le prisme de la linguistique, personne n’en doute. Depuis la nuit des temps, tout raconteur d’histoire s’inspire de ce qu’il a entendu, vu et lu. Tout l’art est de mélanger savamment ces influences pour ressortir un récit complexe qui s’auto-suffit et ne ressemble ni à un hommage ni à un plagiat (Terry Brooks, Shannara ?).

La conclusion de Day, qui introduit le christianisme de Tolkien comme un deus ex machina, n’apporte rien non plus, puisqu’elle s’égare dans des considérations tout à fait accessoires. Je me rappelle avoir lu une critique assassine de l’essai dans un récent Amon Hen (le périodique de la très sérieuse Tolkien Society) et je comprends mieux pourquoi les amateurs un tant soit peu « sérieux » de Tolkien et son monde rejettent pratiquement en bloc les productions de Day.

Au-delà du texte oubliable, il reste donc le livre comme objet artistique. On y trouve de belles illustrations, parfois à contre-courant de l’iconographie dominante (représenter Morgoth comme un simple humain est un choix que je n’avais, je pense, jamais encore vu). Dommage qu’elle soit légèrement amputée par le format de poche qui, bien qu’il soit pratique pour la lecture, ne rend pas justice aux coups de pinceau des artistes. Autre frustration, les illustrations ne sont pas signées. Il faut donc se reporter à la série de noms des artistes, cités en petits caractères sur la page du copyright pour tenter de deviner qui a dessiné quoi. Enfin, je trouve que les quelques « visions d’artistes » présentant sous forme de carte topographique les grandes batailles sont assez laides et très confuses. Elles n’apportent rien au texte, par ailleurs, puisque, je le répète, le texte ne parle en fait pas du déroulé des batailles.

En résumé, pas de quoi casser trois pattes à un canard ! Si vous voulez réellement en apprendre plus sur la Terre du Milieu, n’hésitez pas à vous plonger dans la très complète (et parfois très lourde) Histoire de la Terre du Milieu de Christopher Tolkien.

Les chants de l’été

De Robert Silverberg, 1956-1981

Anthologie inédite en anglais, commissionnée par l’inénarrable Jacques Sadoul à l’époque où il régnait en maître sur l’édition SF dans la langue de Molière, Les chants de l’été est une sorte de best of des nouvelles du prolifique Robert Silverberg. Impossible, bien sûr, d’avoir un panel complet du Silverberg nouvelliste, le new-yorkais en ayant écrit plus de 200 dans sa longue carrière. Le principe de ce best of est de présenter des nouvelles rédigées entre 1956 (Silverberg a alors 21 ans) et 1981 (soit 25 ans plus tard), en ordre chronologique, pour y voir, peut-être, une évolution du style.

Pour être honnête, si évolution du style il y a, elle m’a au moins partiellement échappée. C’est peut-être dû à la traduction française de la très discrète Iawa Tate, qui a sans doute uniformisé la progression du style en imprimant sa propre patte aux textes traduits. Mais qu’à cela ne tienne, on lit de toute manière rarement de la SF pour un style particulièrement soutenu. Sur le fond, la progression n’est pas flagrante non plus : Silverberg fait preuve d’une imagination débridée dès le départ. Bien sûr, il y a quelques thèmes connus et balisés dans ces nouvelles, mais vu l’âge des textes, c’est un effet inévitable.

Je regrettais récemment, avec le pourtant très bon recueil La ménagerie de papier de Ken Liu, que les nouvellistes SF actuels pêchent souvent par un certain manque d’audace. Je me rends bien compte que, les années passants, il devient de plus en plus difficile d’imaginer des situations, des progressions ou des chutes inédites. Mais entre ce constat et un certain conformisme, il y a de la marge. Nul question de conformisme, dans cette anthologie. Silverberg fait preuve d’une imagination à toute épreuve dans chacun des 13 courts textes qui constituent ce recueil.

Il serait un peu fastidieux de tenter de tous les résumer. Disons simplement qu’ils vont du drame à la comédie en passant par des textes plus contemplatifs. La nouvelle ouvrant l’anthologie, qui donne son nom au recueil, est un récit de voyage dans le temps classique dans ses prémisses. Un new-yorkais des années 50 se retrouve projeté sur une Terre post-apocalyptique où les rares humains survivants ont opté pour un mode de vie contemplatif basé sur une utilisation modérée des bienfaits de la nature et sur des liens sociaux plus diffus qui favorisent un climat de paix et d’équité entre les individus. C’est évidemment sans compter sur leur visiteur, parfait exemple du capitalisme rugissant des années 50, qui voit dans les doux rêveurs du futur une bande de hippies mous qu’il convient d’exploiter.

Et ça n’est que la première histoire. J’ai particulièrement apprécié également Le Dernier poète, qui nous narre le choix malheureux du dernier poète de l’humanité, misanthrope, de s’expatrier à l’autre bout de la galaxie. Mais aussi La Digue, réflexion étrange sur le dernier choix libre de l’humanité dans un monde robotisé qui se protège d’une nouvelle menace venue des océans. L’Épouse 91 m’a bien fait marrer aussi, comme courte satire des rapports hommes-femmes avec quelques échos de sexualité débridée.

Nous savons qui nous sommes présente également une vision d’une Terre post-apocalyptique, où les survivants craignent les vestiges du passé et où il faudra l’arrivée d’une impromptue voyageuse pour rallumer la curiosité des survivants. Sauve qui peut!, enfin, est une belle réflexion sur la manipulation d’intelligences artificielles par l’homme (ou de l’homme par des intelligences artificielles ?) : un dictateur choisi de s’enfuir vers une étoile lointaine à la veille de son renversement. Il prend pour tout compagnons des cubes mémoriels (des sortes de copies enregistrées, douées de réflexion et de la capacité d’apprentissage) de sa famille proche et de quelques philosophes et écrivains du passé. Et le dictateur tente de se persuader qu’il a fait le bon choix…

Difficile d’en dire plus sans ruiner le plaisir de lecture. Retenons juste qu’il y a au moins trois ou quatre bonnes idées par nouvelles (ce qui, vu leur longueur, est un ratio très élevé !) et que Silverberg parvient, comme les très bon nouvellistes, a intéresser le lecteur au devenir de ses personnages qui ne sont pourtant parfois qu’esquissés en quelques traits. Un tout bon recueil, qui mérite une (re-)découverte, pour autant que vous ne soyez pas allergiques aux histoires qui tiennent en maximum 30 pages. Vu que l’anthologie n’est plus éditée depuis le début des années 90 et que la tendance de l’édition SF est plutôt de pondre des intégrales, il ne vous reste sans doute plus qu’à écumer les bouquinistes (physiques ou virtuels) pour mettre la main sur le volume. Bonne chasse !

Tales from the Mos Eisley Cantina

Édité par Kevin J. Anderson, 1995

Ah ! Comment donner un avis argumenté sur une collections de nouvelles de l’EU (Extended Universe, pas European Union, bande de petits malins) de Star Wars quand on est, comme moi, biberonné depuis sa plus tendre enfance à coup de sabres lasers et de contrebandiers scruffy looking… Impossible, me direz-vous. Il me faut pourtant essayer.

Tales from the Mos Eisley Cantina est la première d’une série de trois anthologie de nouvelles éditées par Kevin J. Anderson au milieu des années 90. Le principe est simple : 16 auteurs de SF se sont prêtés au jeu et ont chacun à leur tour donner du corps aux extra-terrestres que l’on aperçoit parfois seulement au détour d’un plan dans la très fameuse scène de la Cantina du premier Star Wars (A New Hope). Cela donne 16 nouvelles, plus ou moins bien écrites, sur 16 personnages secondaires, plus ou moins connus (de Figrin D’an et Greedo à… Het Nkik -ok, c’est jawa- ? BoShek ??)

Vous aurez compris à ma présentation un peu cynique que la qualité de cette anthologie est toute relative. Les « grands noms » ne se sont d’ailleurs pas bousculés pour y participer. Mis-à-part Timothy Zahn (ici peu inspiré par les Tonika Sisters), Jennifer Roberson, Barbara Hambly et Kevin J. Anderson lui-même, les autres nouvellistes sont des inconnus au bataillon.

Tout n’est pas à jeter pour autant dans ce recueil : il est amusant, sur le principe de Rashômon, de découvrir les trajectoires des uns et des autres selon leur propre point de vue avant, pendant et après la fameuse scène de la Cantine, où Han tira en premier et Obi-Wan sectionna un membre (passage obligatoire de tout Star Wars qui se respecte). De tête, seule la nouvelle sur Ponda Baba et le Docteur Evazan ne se passe pas pendant les évènements de l’épisode 4 (l’une des meilleurs nouvelles du bouquin, d’ailleurs). Amusant aussi de découvrir des cultures extra-terrestres toutes plus extravagantes les unes que les autres.

L’anthologie, inédite en français, a, de par sa piètre qualité moyenne, peu de chance d’être un jour traduite et éditée de par chez nous. Si la curiosité vous pousse à vous faire une opinion vous-mêmes, je vous suggère d’écumer les bouquinistes ou de vous résoudre à la chercher sur le net comme les vilains petits pirates que vous êtes. Ou vous me croyez sur parole et vous passez votre chemin en laissant de côté cet objet peu probable. L’ayant lu, je comprend désormais mieux pourquoi n’importe quelle ombre aperçue à l’écran dans la trilogie originale a à peu près 14 pages A4 de biographie fictive sur le net. L’Univers Étendu l’explique. Le justifie-t-il ? Pour les fanatiques sans doute. Pour les curieux nettement moins.

Wonder Woman

De Patty Jenkins, 2017.

J’ai toujours été du côté DC de la force. Marvel, c’est gentil, mais à part les X-men (Deadpool compris), c’est quand même pour les gamins. Le fait que je vienne de m’aliéner une grande partie de mon lectorat potentiel n’y changera rien. Batman a lui tout seul le justifie. Bon… Je sais aussi que c’est un peu comme le débat PC ou Mac dans les années 90 (de nos jours, le débat à moins de sens : Mac a gagné le marché parce que c’est hipster) : on n’arrivera jamais à convaincre l’autre partie.

Mais bon, depuis la trilogie de Nolan, on sait que le côté dark de DC permet de viser autre chose que le merchandising de fanboy (Captain America: Civil War est l’exemple type du film qui aurait pu être sympa et qui se contente de ronronner tranquillement). Évidemment, n’est pas Nolan (ou même Burton?) qui veut. Et c’est Snyder qui a pris le relais en premier. DC tente depuis quelques années de créer une franchise/monde à son tour avec The Man of Steel (du Zack Synder avec tous les excès qu’on lui connait), Batman Vs Superman (la même chose, en confus, avec un Lex Luther over-the-top) et Suicide Squad (que je ne me suis toujours pas infligé), en attendant le tout prochain Justice League. Wonder Woman s’inscrit dans cet ensemble comme le premier stand-alone des « personnages secondaires » de l’univers DC, en attendant les longs sur Aquaman et sur le Flash, entre autres.

C’est donc avec une curiosité sans attente particulière que je me suis maté Wonder Woman. Peu familier avec le personnage (qui ne m’a jamais réellement attiré), j’imaginais une « origin story » comme elles sont produites à la chaînes par les grands studios depuis plus de dix ans maintenant, capitalisant sur l’une des dernières valeurs sûres d’Hollywood, les films de super-héros. Et je n’ai pas été surpris : c’est exactement ça. Résumé en quelques mots : Diana (Wonder Woman) est la fille de Zeus, élevée sur une île de guerrières amazones immortelles dans l’attente de pouvoir un jour défaire le maléfique Arès. Vivant sur une île protégée par des brumes éternelles, les gentilles amazones sont envahies par des méchants allemands qui sont alors occupés à mener, comme de bien-entendu, une guerre mondiale provoquée par Arès (la première, en l’occurrence).

Avec les allemands (presque nazis, dommage, on rate la catégorie de méchants universellement reconnus à 30 ans près) débarque aussi un bel espion américain, joué par le toujours efficace Chris Pine. Il n’en faut pas plus à la belle Diana, jouée par la non moins belle Gal Gadot, pour suivre son bellâtre et se transformer, face à l’horreur de la guerre, en Wonder Woman. Sortez les violons. Original comme un trèfle à la Saint-Patrick, le film multiplie les tentatives de décalage et d’humour gentillet. Même les blagues de fesse (des Amazones qui n’ont jamais vu un homme… logique) sont innocentes. Pour se sortir de sa trame convenue, le film tente quelques passages plus noirs, avec la mort de la mentor de Diana, les quelques scènes dans les tranchées ou encore le personne du tireur d’élite repentant joué par le toujours excellent Ewen Bremner. Mais, même ces tentatives sonnent faux. L’horreur des tranchées sur le front belge, sensé provoqué l’éveil de Diana à un destin plus large que la simple vengeance contre Arès, se transforme rapidement en une scène extrêmement classique de démonstrations de super-pouvoirs où tous les personnages secondaires plus ou moins importants s’en sortent eux-aussi comme par miracle. Le tout sans évidemment verser une goute de sang à l’écran. Snyder avait au moins le bon goût d’être plus cru, même si par trop excessif, dans son Batman vs Superman.

De même, avoir fait d’Arès un personnage de diplomate joué par le toujours excellent David Thewlis était une brillante idée. Bien que largement prévisible, le rebondissement aurait pu être exploité pour faire comprendre à Wonder Woman que la force n’est pas forcément une solution, qu’il est nécessaire de développer d’autres armes, comme le Mal l’a fait, pour être efficace à une échelle plus large que l’échelle individuelle. Mais… non. Le vieillissant David Thewlis/Arès, qui se déplace avec un canne de marche une bonne partie du film (il est toujours bon pour jouer les personnage un peu « faiblard« , à l’instar du professeur Lupin de la saga Harry Potter), se transforme en gros-bill habituel pour les dix dernières minutes de bataille finale -au prix, d’ailleurs, d’incrustations vidéos un peu gênantes par leur irréalisme et leur incongruité. La morale est sauve : suffit de taper plus fort.

Bref, chers amis amateurs de pop-corn, Wonder Woman est un spectacle passable. Patty Jenkins, qui n’avait plus tourné de long depuis Monster en 2003, fait un boulot impersonnel qui aurait pu être fait par des centaines d’autres noms gravitants autours de la côte ouest américaine. Elle a cependant réussi un pari inattendu : elle a fait basculé DC dans l’uniformité sans vague des productions Marvel. Si les opus de Snyder étaient bourrés de défaut, ils avaient au moins pour mérite d’essayer quelque chose, de proposer une certaine vision. Wonder Woman ne propose rien. Il exécute ce qui est attendu de lui, sans plus. Et, de manière totalement incompréhensible à mes yeux, il est dès lors devenu l’un des plus gros succès DC et l’un des films de super-héros les plus appréciés outre-atlantique. Vive le mainstream.

La panse

De Léo Henry, 2017.

Court roman sorti directement en poche chez Folio SF, La panse est une plongée assez sombre dans les entrailles du quartier de la Défense, à Paris. Pas de thriller politico-financier au rendez-vous, pas de Jérôme Kerviel ou autre clone du Wolf of Wall Street comme personne principal : Bastien est un chômeur qui vivote de droite à gauche quand il se met, presque sur un coup de tête, à rechercher sa sœur jumelle, Diane, qui n’a plus donné de nouvelles à sa famille depuis des mois. A force de chercher, Bastien tombe sur un société étrange aux multiples noms et activités douteuses. Société qui semble avoir des ramifications jusqu’aux tréfonds physiques du quartier de la finance parisienne et qui cache, bien sûr, des secrets inavouables.

Finalement très classique dans sa trame, La panse est une bonne surprise. Acheté par hasard (les couvertures d’Aurélien Police sont toujours efficaces pour attirer l’œil), rapidement lu, le roman mélange savamment le côté intrigue policière crade à la Jean-Christophe Grangé et le fantasme souvent utilisé de la « société secrète » tentaculaire et manipulatrice (au hasard, The Game, Eyes wide shut, le Spectre de James Bond). Les parallèles cinématographiques ne manquent pas, tant le développement de l’intrigue correspond au schéma traditionnel de la descente (littérale, dans ce cas-ci) aux enfers du personne principal, petit à petit contaminé par ce qu’il entends combattre, jusqu’au point où les frontières floues de la raison et l’ivresse du pouvoir amènent le protagoniste sur le fil du rasoir.

Ajouter à ceci un brio certain pour décrire l’environnement froid, tout en métal, en béton et en verre, de la Défense (qui, comme tous les quartiers de bureaux, est infréquentable en-dehors des heures d’ouverture) et une certaine propension à utiliser la novlangue de l’entreprise pour colorer le tout d’un verni de crédibilité bienvenu, et vous avez un bon livre. L’enracinement dans le présent est l’une des forces du roman, puisqu’il augmente l’identification, mais aussi, peut-être, sans doute, une faiblesse. Je ne peux m’empêcher de me demander si ce genre de bouquin survit à l’épreuve du temps. Si l’encrage dans le quotidien, pour de la SF (light, il est vrai), n’est pas une condamnation à plus ou moins court terme.

Autre élément amusant : sans connaître rien de l’auteur, j’ai « reconnu » à plusieurs endroits des similitudes troublantes avec la « corporate SF » de L.L. Kloetzer (sans tout de fois le côté pédant qui m’avait un peu agacé dans CLEER). Et, visiblement, le parallèle est assez logique puisque les deux auteurs se connaissent et ont plusieurs fois travaillé ensemble. Au-delà de ces quelques commentaires anecdotique, La panse est une belle découverte. Un bon récit, classique, plein de rebondissements, dans une ambiance poisseuse et glauque décrite avec une certaine maestria. Un bon moment de lecture qui pique ma curiosité quand aux autres travaux de son jeune auteur. A découvrir de toute urgence, donc.

PS: et ne croyez absolument pas la quatrième de couverture de Folio SF. Si je veux bien croire qu’il s’agit là d’un hommage à une certaine littérature populaire, l’adjectif lovecraftien est totalement usurpé. La présence d’un élément fantastique au cœur de l’histoire (je n’en dirai pas plus pour ne pas spoiler), que l’on imagine trop horrible pour être décrit, ne suffit pas à établir une parenté solide. Ou alors X-Files dans son ensemble est un hommage à l’homme de Providence !