Dredd

De Pete Travis, 2012.

Aaaaahh, enfin une adaptation de comics qui n’est pas ni une origin story larmoyante ni un combat destiné à sauver l’humanité ! Non, Dredd n’a pas l’ambition démesurée des productions Marvel et DC. Dredd n’est pas un super-héros. Pete Travis et son scénariste Alex Garland (qui signa notamment La Plage, 28 Jours plus tard et Sunshine pour Danny Boyle et réalisera ensuite cette petite perle de SF qu’est Ex Machina) veulent simplement nous raconter une journée type dans la vie de Judge Dredd. Sans fioriture. Sans temps mort. Du coup, ceux qui ne connaissent pas le « héros » de comics anglais (car si Dredd agit sur le sol américain, ses créateurs sont bien des auteurs de BD anglais) ou qui n’ont pas vu l’infamante première adaptation avec Sylvester Stallone au mi-temps des années 90 n’ont qu’à aller se faire voir.

Le film s’ouvre donc sur le minimum possible d’exposition : on est dans un monde post-apocalyptique, où toute la population s’est réfugiée dans quelques monstrueux centres urbains, à l’instar de Mega-City One qui sera le décor de notre histoire. Dans ces villes tentaculaires, des super-gratte-ciels ont vu le jour, véritable Tour de Babel accueillant pas loin d’un million d’âmes chacune. Mais ces « blocs » ne sont pas réservés à l’élite. Au contraire, ce sont les nouveaux HLM, les nouvelles banlieues, tout en verticalité, en proie au crime et à la pauvreté crasse. Dans ce monde où les institutions ont fait faillite, la justice est incarnée par des hommes et des femmes surentraînées qui cumulent les fonctions de flic, de juge et, le cas échéant, de bourreau. Ce sont les Judge. Les procès qu’ils entament sont expédiés en deux phrases et la sanction arrive sans tarder. Et elle fait mal.

Sans transition, on se retrouve dans les rues de Mega-City One pour suivre une légende parmi les Judge, le Judge Dredd, dans ses œuvres quotidiennes. Après s’être débarrassés de quelques camés (sans s’être soucié le moins du monde des dizaines de victimes collatérales que sa chasse à l’homme a causé), il rentre au bercail pour apprendre qu’on lui file une nouvelle rookie. Une Judge un peu jeune qui n’a pas la moyenne aux tests de sélection. Mais qui a l’avantage d’être télépathe. A Dredd de l’éprouver sur le terrain et de juger (arf-arf, j’ai fait exprès) si elle est apte pour le service oui ou non.

Et quelle meilleure manière de tester que d’aller enquêter sur le meurtre de trois pauvres petits dealers qui sont « accidentellement » tombé du 200ème étage de l’un de ces gigantesques immeubles ? Dans cette zone de non-droit, c’est Ma-Ma, un ancienne prostituée devenue baronne d’une nouvelle drogue qui a pour effet de ralentir la perception du temps qui passe, qui règne en maîtresse absolue. Et elle n’aime pas que des Judges viennent fourrer leur nez dans ses petites affaires. Du coup, ça sent la baston.

Et baston il y aura. Dredd n’a d’ailleurs presque que ça à proposer : de la baston, des fusillades crades et sans merci pendant une petite heure et demie. Un actionner bourrin façon années 80. Et ça marche, croyez-moi ! Bon, faut pas être allergique à une certaine forme de violence visuelle, mais mon Dieu ! qu’est-ce que ça fait plaisir de se mater un film d’action 1er degré comme celui-là de temps en temps ! Pete Travis, qui n’avait jusque-là signé que deux films passés totalement inaperçus (Angle d’attaque en 2008, Endgame en 2009) essaie visiblement de faire le maximum avec le budget réduit dont il dispose. Après quelques scènes en extérieur qui montre une ville de SF réaliste tout ce qu’il y a de plus correct, la majeure partie du film se passe dans le méga-building. Du coup, à peu près tout a pu être tourné en studio en limitant les SFX aux explosions et autres artifices utilisés pendant les scènes de baston. Ce qui aurait pu être vu comme un peu cheap donne au contraire une atmosphère oppressante au film qui rend la situation encore plus désespérée.

Côté casting, Travis n’avait pas non plus les moyens de se payer de grands noms. Pourtant, Karl Urban (Eomeeeeer !) fait un boulot convenable en Dredd impitoyable et inexpressif, caché derrière ce casque qu’il n’enlèvera pas une minute dans tout le film. Et Olivia Thirlby tient elle-aussi assez bien le rôle de l’apprentie Judge Anderson, qui, bien que dégoûtée de ce que l’uniforme l’oblige à faire, n’hésite cependant pas plus d’une seconde à le faire. Mais c’est surtout côté méchants que le casting brille : Domhnall Gleeson, quand il n’est pas ridicule en General Hux, démontre qu’il sait aussi joué un personnage sensible et torturé. Wood Harris, en second couteau brute et sang cœur, est aussi très efficace. Mais c’est surtout Lena Headey qui tire son épingle du jeu en maîtresse impitoyable du crime locale. Elle était déjà effroyable avant de s’asseoir sur le Trône de Fer, donc ! 🙂

Alors, bien sûr, la morale du film est douteuse (tout comme l’était la morale du comics, puisque le principe même d’un Judge est à la frontière du fascisme). Bien sûr c’est super-gore. Bien sûr Dredd n’y est qu’un justicier lambda que rien ou presque ne distingue des autres Judge, puisque le parti a été pris de ne pratiquement pas développer l’univers ou les personnages. Mais bon sang qu’est-ce que c’est jouissif de retomber sur ce genre de film faussement simple qui assouvi nos pulsions malsaines avec tout de même un certain brio dans la forme. Verhoeven n’aurait pas craché sur la filiation.

Malheureusement pour Travis, le film a fait un four. Avec un budget de 45 millions de dollars, il n’est même pas rentré dans ses frais et n’a rapporté qu’un peu plus de 40 millions à l’international, signant par là-même la fin (déjà) de la courte carrière de réalisateur de Travis. Dommage, car le film ne le mérite vraiment pas. Évidemment, ce n’est pas un chef d’œuvre, mais c’est un « trésor caché » qui aurait connu une longue carrière en VHS dans les vidéoclubs, s’il était sorti 20 ans plus tôt. Et, l’un dans l’autre, pour une ambition similaire, il est vachement mieux que le Predator de Shane Black

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