De Tim Burton, 1985.
Premier long métrage de Burton, à une époque où il était juste un ex-animateur de Disney ayant fait ses classes dans des clips musicaux et pas encore l’idole de tous les ados semi-gothiques de la planète, Pee-Wee’s Big Adventure est un drôle d’objet cinématographique. Véritable véhicule cinématographique mettant en avant le personnage de Pee-Wee Herman, créature imaginée par Paul Rubens, un candidat malheureux de la première saison du légendaire Saturday Night Live qui fit le tour des cafés-théâtres new-yorkais avant de voir son one-man-show immortalisé par HBO au début des années 80. Le personnage de Pee-Wee Herman, un espèce de grand enfant irresponsable et colérique, eu droit à un sérial sur HBO avant de passer sur grand écran en 85, dans le film qui nous intéresse aujourd’hui.
Si Pee-Wee Herman avait à l’origine une tonalité adulte, visiblement, avec des allusions à une sexualité extravagante, celle-ci fut progressivement gommée quand HBO se rendit compte que le personnage marchait davantage avec les enfants qu’avec les adultes et Pee-Wee devint donc un salle gamin (adulte) irrévérencieux en pleine slapstick comedy (les chutes, combats et danses ridicules s’enchaînent). Puis vint le jour où Paul Rubens demanda, comme il le voyait tous les jours aux studios, à la Warner qu’on lui donne un vélo pour se déplacer d’un plateau à l’autre dans la ville-studios hollywoodienne. La Warner lui filant un vélo des années 50, Paul Rubens eut l’idée de raconter l’histoire d’amour entre le personnage de Pee-Wee et son vélo, ce qui devint la clé de voute du futur long métrage.
De fait, le long débute sur le réveil cartoonesque de Pee-Wee (jeux pour enfants, petit-dej automatique à la Doc dans Retour vers le futur, inventions improbables directement tirée de l’imaginaire de Rick Moranis dans Chérie j’ai rétréci les gosses, etc.) Sortant de chez lui impeccablement habillé dans son complet gris, ses chaussures blanches et son nœud-pap rouge pétant, le voilà qui enfourche sa fière bécane pour allers chercher des farces et attrapes et un nouveau klaxon en ville. Mais, drame absolu, l’arch-ennemi de Pee-Wee, le fils gâté (lui aussi adulte) d’un voisin fortuné s’arrange pour lui faire voler son vélo. Et le film d’enchaîner avec 1h30 d’aventures rocambolesques où Pee-Wee rencontrera dans le désordre un repris de justice en cavale, le fantôme d’un camionneuse, un gang de motard ou encore une Française avec le mal du pays dans la tête d’un dinosaure géant en plastique. Avant de finir en apothéose avec un course poursuite directement tirée d’un Tex Avery (ou plutôt un Hanna Barbera) dans les studios de la Warner, à Hollywood.
Tout ceci est bien aimable, mais, je l’avoue, ne m’a pas déridé souvent. Si le cœur de cible est (était?) sans doute un public enfantin, l’invraisemblance du scénar et l’idiotie de certaines péripéties ne sont finalement qu’un moindre mal face au principal problème du film : Pee-Wee Herman lui-même. Le personnage, en plus d’être désagréable et ridicule, est bourrés de tics verbaux et physiques qui font sourire pendant deux minutes (à la manière des clowns au cirque), mais qui agacent très rapidement dans un film d’une heure trente. Et il est difficile d’entrer dans un film quand on a qu’une seule envie : mettre des claques dans le pif du protagoniste principal, tellement c’est un gros con égocentrique. L’on me rétorquera que ce personnage excessif, cartoonesque, n’est pas sensé redescendre de son nuage de folie, au risque de perdre son charme, mais je répondrai qu’il fallait déjà un charme à la base, dans ce cas. Daffy Duck, pour prendre un parallèle, est aussi un personnage horripilant. Mais on (enfin moi, en tous les cas) n’a pas envie de le trucider après 5 minutes…
Que reste-t-il a sauver du film, dans ce cas ? Et bien les débuts de l’homme qui allait réaliser 3 ans plus tard Bettlejuice et enchaîner avec Batman, Edward aux mains d’argent et Batman : Le Défi (avant de commencer à se répéter et s’enfermer dans un style/genre jusqu’à perdre tout intérêt avec, par exemple, Dark Shadows). Et, en effet, on peut y voir les prémices de la patte de celui qui allait proposer un « autre » cinéma populaire à l’aube des années 90. L’univers rose-bonbon factice et super-chargé de la maison de Pee-Wee, le recours dès que possible à un tournage en studio (en l’intégrant même dans l’intrigue à la fin du film), le décalage parfois dérangeant entre des personnages enfantin et une certaine réalité adulte et, bien sûr, une imagerie gothique/noire avec quelques passages en stop-motion (la transformation du visage de la routière fantôme, le passage dans la boutique de farces et attrapes, l’attaque du dinosaure ou encore le passage avec l’opération médicale du vélo de Pee-Wee par une bande chirurgiens fous grimés en clowns grimaçants).
Si ces quelques passages valent en effet quelque chose en terme de mise en scène, cela ne fait cependant pas de Pee Wee’s Big Adventure un grand film. Le personnage, ressuscité par Netflix il y a quelques années après un mise au placard médiatique de Paul Rubens suite à quelques affaires personnelles malheureuses, ne gagne pas à être connu. Les autres acteurs du film ont bien du mal à capter l’attention du spectateur face à l’omniprésent Pee-Wee Herman et n’offrent donc que peu d’intérêt. Une curiosité, donc, qui ne devrait intéressé que ceux qui, comme moi, souhaitaient connaître les premiers pas d’un réalisateur atypique qui réussit à imposer un style avant d’être atteint de sénilité précoce, malgré un certain succès commercial. Espérons, d’ailleurs, que Tim Burton poursuive son retour au source avec le prochain Dumbo, qui suivra deux opus plus réussis que leurs prédécesseurs (Big Eyes, un tout petit budget pour un film intimiste plutôt sympathique et Miss Peregrine’s Home for Peculiar Children, film de commande dans un univers qui colle parfaitement au réalisateur sans être une grosse machine façon Alice au pays des merveilles).