De Frédérick Leboyer, 1974.
Les livres se suivent et ne se ressemblent pas. Et c’est tant mieux pour l’agilité des quelques neurones qui me restent. Sur le point de devenir papa pour une seconde fois dans quelques semaines (inconscient que je suis !), ma femme a laissé très subtilement traîner Pour une naissance sans violence sur ma table de nuit. Ce qui signifie, en d’autres termes, qu’elle m’a obligé à lire l’essai avant de pouvoir entamer un autre roman ! 🙂 Curieux, je m’y jette donc avec intérêt, puisque nous avons choisis également, tant que cela est possible, d’aller dans la direction d’un accouchement sans douleur.
Eh bien, j’avoue être très positivement surpris par le bouquin ! Autant je trouve que nombre de publications sur la parentalité positive ou sur l’éducation alternative ressemble, dans leur forme et parfois dans leur fond, à l’honnie « littérature » managériale, autant cet essai-ci se démarque par une véritable qualité littéraire et un point de vue qui reste, près de 45 ans après sa publication originale, relativement inédit.
Le bouddhiste Frédérick Leboyer, aux lendemains de la révolution soixante-huitarde, a en effet choisi de rédiger un essai sur la naissance du point de vue du nouveau-né. Alors que les publications sur l’accouchement sans douleur, où la mère est évidemment le centre d’intérêt principal, ne se comptent plus, celles qui parle de la naissance sans violence pour l’enfant sont extrêmement rares. Et pourtant ce que raconte Leboyer dans son livre n’a rien d’extravagant ou d’iconoclaste : il dit simplement que l’accouchement est un évènement traumatique pour le nouveau-né. Quoi qu’il advienne. C’est un changement d’état soudain, un saut vers l’inconnu. Et comme tous les sauts vers l’inconnu, c’est également un traumatisme.
Le but de Leboyer est donc très simple : il veut ouvrir les yeux du lecteur sur ce qui peut être fait pour réduite au maximum ce trauma inévitable. Et c’est limpide : la pénombre, le moins de bruits possible, le plus de douceur possible (et, donc, laisser le cordon le plus longtemps possible pour que le bébé puisse « apprendre » à respirer avec son cordon qui assurer les fonctions vitales malgré tout), le contact direct et prolongé avec la mère, etc. Seul élément qui semble dater dans son texte : on ne donne plus un bain au nouveau-né avant 24h, alors que cela se faisait après une grosse heure dans le passé (et, ce, malgré les bienfaits potentiels d’un retour dans un environnement liquide). Il n’est donc pas nécessaire de faire hurler le bébé pour se rendre compte qu’il va bien. S’il hurle, c’est qu’il est fonctionnel… mais qu’il ne va pas bien.
Ceci à l’air d’aller de soi, mais, en effet, c’est encore loin d’être respecté dans toutes les salles d’accouchement du monde. Le court essai (lu en à peine une heure, au fil de ses 120 et quelques pages abondamment illustrées) de Leboyer met les points sur le i. Et c’est une confirmation pour les parents un peu éveillés sur les questions de parentalité douce, une révélation pour les autres (sans doute). Et au-delà du fond, dont je viens de livrer pratiquement toutes les clés, il reste la forme : l’auteur a choisi un style presque poétique, divisant ses phrases par des retours à la ligne incessant visant à donner une certaine rythmique à la lecture et à accentuer l’importance de certains mots. Du coup, cela se lit comme une sorte de musique, comme un mantra que l’on peut se répéter à l’envi. Les mots sont simples, les idées limpides et le message clair. Il ne reste plus qu’à le mettre en pratique.
La très sérieuse édition du Points ne s’est pas trompée en publiant ce petit pamphlet dans leur prestigieuse collection essais de sociologie. Un classique dans son domaine.