De Charles Stross, 2009.
Une fois n’est pas coutume, parlons novella. Comme j’ai sciemment choisi de ne pas chroniquer les publications d’Une Heure Lumière sur ce blog (puisque tout le monde le fait, il n’est pas nécessaire d’ajouter ma voix à celles d’autres bien plus talentueux que moi), j’en ai rarement l’occasion, le format n’étant pas le plus populaire de ce côté-ci de l’Atlantique. Je saute donc sur l’occasion après la lecture de Palimpseste, novella signée Charles Stross et auréolée du Hugo 2010 dans sa catégorie.
Pour les rêveurs du fond de la classe, il est sans doute utile de rappeler ce qu’est un palimpseste. Il s’agit d’un parchemin ancien dont on a effacé les premières écritures pour pouvoir l’utiliser à nouveau. Quand on additionne cette courte définition avec le fait que Stross est l’un des auteurs britanniques emblématique du renouveau de la SF, rayon hard-SF, et que l’on sait que la novella parle de voyage dans le temps, on peut rapidement imaginer de quel type de palimpseste on parle.
Et, comme prévu, donc, il s’agit bien d’un récit alambiqué de paradoxes temporels en cascade. En résumé, on y suit la vie de Pierce, un anglais paumé qui devient un peu par hasard un membre de l’estimée police de la Stase. Cette institution temporelle a pour but de préserver l’humanité, contre les dangers cosmiques qui la menacent comme (et surtout) contre elle-même. Cependant, alors qu’il est en pleine période d’entraînement (celui-ci se déroulant sur plusieurs années, le temps n’étant plus réellement un problème pour ces agents multi-temporels), il se retrouve pris manifestement au piège d’un palimpseste. Une organisation ennemie tente de le piéger et de réécrire le segment de temps qu’il vient de contrôler, pour une raison qui lui échappe…
Dit comme ça, ça à l’air assez clair. Mais Palimpseste est tout sauf clair. C’est toujours le risque quand on manipule les sauts dans le temps et les paradoxes en cascade : à un moment, cela devient franchement ardu de suivre. Charles Stross n’aide pas, par ailleurs, puisqu’il enchaîne de rare moments d’action avec de longues expositions sur les différentes opérations menées par la Stase pour sauver la Terre de l’extinction de son Soleil, du mouvement inopportun de notre galaxie et des efforts que font ses agents pour créer en cascade, tout au long des millions d’années couverts par le bouquin, les conditions propices à la création de nouvelles civilisations humaines.
Et j’avoue qu’après la cinquième itération, j’ai eu un peu de mal à me rappeler les premières. Le choix du format court oblige Stross à bourrer un maximum d’infos en un minimum de pages, rendant le tout assez indigeste. C’est d’autant plus dommage que les civilisations esquissées semblent vraiment construites et intéressantes et que certaines péripéties de la vie du héros semblent évacuées très vite alors qu’elles laissaient présager des développements intéressants (Pierce, par exemple, est marié et à des enfants dans l’un des segments de temps qu’il parcourt, famille qu’il oublie en deux pages sans s’y appesantir plus que cela).
[SPOILER] Bien sûr, la fin du bouquin revient sur ceci et nous explique qu’il y a autant de Pierce que de réalités parallèles provoquées par les agents de la Stase lors de leurs missions, palimpsestes ou non. Et le fait d’avoir créé une organisation résistante logée ailleurs dans l’espace et dirigée par l’un des nombreux avatars de Pierce fonctionne, en définitive. Mais c’est bizarrement très sage, au regard des éléments développés plus tôt dans la novella. [/SPOILER]
Bref, une lecture dont je ne suis sorti qu’à moitié convaincu. Il y a là de très bonne chose, des idées brillantes et des développements narratifs inattendus. Mais il y a aussi trop d’éléments dans un écrin trop court pour réellement les apprécier. Cet enchaînement infernal ne laisse que peu de place pour respirer, les moments plus calmes étant parasités par un discours scientifique, je dois l’admettre, un peu aliénant. A tester par curiosité, pour les amateurs de paradoxes temporels.