Sous-titré : And the Fantabulous Emancipation of One Harley Quinn
De Cathy Yan, 2020.
Drôle d’idée que de financer une suite au tellement mal aimé (et malmené) Suicide Squad. Mais on peut reconnaître une chose au DC Extended Universe (nom plus ou moins officiel, je pense, à l’instar du MCU), c’est qu’il est résilient. Malgré les mauvaises critiques, malgré les demi-fours au box-office et malgré leurs films souvent foutraques, DC persévère. Il faut préciser que depuis qu’Aquaman a dépassé Wonder Woman au box-office mondial, franchissant la désormais traditionnelle ligne de démarquage du milliard de dollars de bénéfices en salle, tout semble possible, même l’improbable. Alors, oui, pourquoi ne pas se lancer dans l’aventure d’un deuxième Suicide Squad ? Pour éviter, cependant, de retomber sur ce qui fut quand même le film le plus mal aimé de l’univers cinématographique concerné, les producteurs décidèrent de tabler sur un spin-off plutôt que sur une suite directe. Et un spin-off sur le seul personnage qui avait favorablement marqué le public : Harley Quinn.
La fantasque copine du Joker (pauvre Jared Leto…) a en effet tout pour plaire. Elle est jouée par l’excellente Margot Robbie, elle déconne à plein tube, elle lance des vannes en frappant les gens avec sa batte de base-ball ; elle a un charisme qui bouffe l’écran. Sur le papier, c’est gagné. On ne peut donc que comprendre que DC a mis un petit 85 millions de dollars de budget sur la production de ce spin-off, en pensant largement rentrer dans ses frais. Pour surfer sur l’air du temps, ils en ont même profité pour faire un film « girl-power » (à l’instar de ce que Katleen Kennedy a fait avec la dernière trilogie Star Wars), en adaptant non pas un stand-alone sur Harley Quinn, mais bien Birds of Prey, une association de super-héroïnes façon Justice League ou Suicide Squad. Et en confiant la réalisation également à une femme : Cathy Yan, une relative inconnue auréolée seulement de la bonne réception critique de Dead Pigs, son premier long, primé à Sundance en 2018.
Mieux, même. DC et Warner Bros ont tiré des conclusions des relatifs échecs précédents et se sont dit qu’il fallait se rapprocher de Marvel (ce qui m’énerve passablement, mais soit). Pas du trop policé Avengers, mais davantage des productions « délirantes » : le personnage d’Harley Quinn réussira forcément mieux dans un environnement à la Guardians of the Galaxy ou à la Thor: Ragnarok. Plein de couleurs et des vannes toutes les deux minutes. Mieux, encore. Comme ils se fichaient d’avoir un Rated-R (le succès de leur Joker était encore dans toutes les têtes), ils se sont dit : on va faire du délirant, mais avec en plus un humour limite façon Deadpool, car ça aussi, ça marche plutôt pas mal. Bref, le cahier des charges était clair.
Pourtant, avec autant d’influences et de modèle, fallait-il encore que Birds of Prey ait quelque chose à raconter et ait une identité personnelle. Donc, tout ça mis ensemble ne suffisait encore pas. Du coup, Cathy Yan (à moins que ce ne soit la scénariste Christina Hudson – encore une femme !) a choisi de réutiliser ce qu’on n’avait pas vu depuis des années dans l’adaptation d’un comics : l’esprit cartoon. Une partie des méchants et des décors sont donc directement inspirés du Gotham du dessin animé de Batman des années 90, voire de la série télé Batman des années 60. Le côté gore et adulte en plus.
Et ce mix étrange donna Birds of Prey. Un film over-the-top et ultra in. L’histoire tient sur un timbre-poste, bien sûr : Harley se fait larguer par le Joker. Tout ce que Gotham compte de criminels veut donc lui faire la peau après toutes ces années où elle était intouchable en raison de la peur inspirée par son psychopathe d’ex-copain. Et le pire de ces criminels est bien le patron d’une boîte de nuit de la pègre où Quinn étanche sa soif toutes les nuits et super-méchant à ses heures, le très dérangé Black Mask, homo formidable et amateur de torture glauque jouée avec beaucoup de bonheur par un Ewan McGregor qui prend visiblement son pied. Heureusement pour Harley, Black Mask perd un diamant d’une très grande valeur suite à un concours de circonstances rocambolesque, largement provoqué par Harley elle-même, et succombe dans un moment de faiblesse à la requête de la belle et folle blonde : elle va se charger de le retrouver, ce putain de diamant.
Et comme le bonheur ne vient jamais seul, à nouveau un peu par hasard, elle sera aidée par un flic déchue, une fille de mafieux revancharde, une ado pickpocket et une chanteuse à la voix surpuissante. Par les Birds of Prey, qui donnent leur nom au film, donc. Bon, dans l’histoire, y’a une hyène aussi. Parce que c’est cool, les hyènes. Et là, cher lecteur, tu penses bien sûr que je n’ai pas aimé le film. Eh bien détrompe-toi ! Au contraire, je me suis bien marré de bout en bout !
Évidemment, le film est bourré de faiblesse. La première est que le film aurait du s’appeler The Story of Harley Quinn. And, by the way, the creation of the Birds of prey. Il n’y en a que pour Margot Robbie. Les autres actrices sont très sympas et elles font ce qu’elles peuvent dans leur scène, mais, honnêtement, ce sont des faire-valoir, pas des personnages principaux. Il n’y a en définitive que McGregor qui tire son épingle du jeu et fait à peu près jeu égal avec Robbie dans les scènes qu’ils partagent (McGregor cabotinant tellement que cela en devient effectivement jouissif). Et, oui, bien sûr que l’on voit en très gras le cynisme des producteurs qui ont été cherché tout ce qui marchait ces dernières années pour s’assurer un carton. Ça parasite effectivement le film, qui confond parfois influences et lasagnage… D’ailleurs certains paris ne tiennent qu’à moitié, rayon mixage des influences : le film est effectivement classé R, mais je n’ai pas réellement d’idée du pourquoi, par exemple. L’hémoglobine est tellement cartoonesque que je me demande bien à qui elle peut faire peur. Et si les personnages sont de temps à autre vulgaires, on est très loin du nombre de fuck à la minute des buddy movies des années 90 (au hasard : L’Arme Fatale).
Cathy Yan, par contre, s’en sort très honorablement avec une réalisation balancée aux multiples effets visuels et autres gimmick ultra-tendances. Ça va à 100 à l’heure, c’est foutraque au possible et on se fiche de savoir s’il y a une quelconque progression scénaristique, en définitive. Bien sûr ! Ce n’est pas l’objet du film. Du tout. Le but est juste de faire une grosse farce pleine de thunes avec un casting 5 étoiles pour nous amuser avec le max d’exagérations possibles. Certaines scènes de combat sont trop longues et mal chorégraphiées, mais là aussi on s’en fout. Ce qui compte, c’est voir Harley Quinn s’en sortir avec le sourire en cassant un tas de jambes avec des répliques bad-ass. C’est pour ça que je préfèrerai toujours DC à Marvel. Je l’ai déjà dit dans ces colonnes : ils font des films nettement moins formatés qui sont bourrés de défaut, mais au moins, ils tentent quelque chose. Conséquence logique : longue vie à Harley Quinn (et, très accessoirement, aux Birds of Prey) !
PS : pas de bol pour la Warner et pour DC, l’exploitation du film en salle a tourné vachement court en raison du COVID-19. Du coup, avec son petit 200 millions de dollars au box-office mondial, c’est officiellement le plus mauvais film (économiquement parlant) du DC Extended Universe. Espérons que des critiques plutôt positives (chez ceux qui n’ont pas été énervé par le côté bouffon/ridicule du long) et une sortie digitale très rapide vont quand même sauver sa carrière et ne pas enterrer définitivement toutes idées de suite.