De Shane Black, 2018.
A l’instar de Terminator: Dark Fate, dont il a été question il y a peu en ces lieux, The Predator fait le choix d’ignorer les suites aux deux premiers opus de la licence qui égaya notre jeunesse en mal de gros monstres à dézinguer. Exit donc les Alien VS. Predator et le reboot un peu mou de 2010 signé par Nimród Antal. Et retour aux sources : après Shwarzie et Dany Glover, c’est donc à une nouvelle équipe de se coltiner les extra-terrestres les moins rigolos de l’univers (après les Aliens, j’admets). Et quoi de mieux comme retour aux sources que de confier le tout à Shane Black, l’homme derrière les scénar de L’Arme Fatale, de Predator (le premier, celui de McTiernan), du Dernier Samaritain ou encore de Last Action Hero ?
Admettons : le bonhomme a ensuite connu une loooooongue traversée du désert. Mais l’inspiré Kiss Kiss Bang Bang de 2005 l’avait remis sur les rails jusqu’à lui offrir une place de choix dans l’écurie Disney/Marvel quand il réalisa Iron Man 3 avec son pote Robert Downey Junior qui s’était battu pour l’avoir à la réal ? ça fleurait bon le retour en grâce et une belle histoire de rédemption (car Black a une réputation d’emmerdeur fini et de petit con qui claque toute sa thune en bagnoles de luxe et gonzesses faciles) comme Hollywood les aime. Et là, miracle, on lui confie les rênes du reboot de la saga qu’il a contribuer à lancer et qui est devenu un classique avec le temps : Predator, le chasseur, le chasseur de l’espaaace ! (sur la musique de X-Or, bien sûr).
Et qu’a fait Shane Black avec ce pain béni ? Et bien ce qu’il sait faire de mieux : un film des années 80. Sorti en 2018. Exit la bienséance aseptisée des films d’actions des deux dernières décennies. The Predator est fier de ses origines : c’est un bon gros film d’action de derrière les fagots, avec des muscles, des explosions, de la violence gratuite et explicite (oui, oui, je vous rassure, les Predators arrachent toujours la colonne vertébrale de leur trophée en 16/9èmes) et des punch-lines de la mort comme Shane Black a toujours su les écrire (Le Dernier Samaritain, pas le plus apprécié de sa filmo, est pourtant un catalogue de one-liners qui tuent : une Bible en son genre, dans laquelle je replonge toujours avec beaucoup de bonheur).
Mais le problème, c’est que Shane Black en a fait un peu trop. Caster des inconnus était une bonne idée pour rester sous les radars de la surmédiatisation (après tout, Predator est une saga de séries B, hein !). Mais il les a pris un peu trop jeunes, un peu trop acteurs secondaires. Le brave Boyd Holbrook, acteur surtout connu pour Narcos, endosse un costume un peu trop grand pour lui. Il est sympathique et fait de son mieux pour avoir l’air d’un gros dur qui sort des répliques cools, mais… y’a quelque chose qui ne fonctionne pas. Jason Momoa aurait fait le taf (mais, bon, la seule fois où il a repris un rôle de Shwarzie a donné un Conan de triste mémoire, à la limite de l’étron cinématographique). Même les vannes, d’ailleurs, pourtant la marque de fabrique de Black, ne marchent qu’à moitié : si la bande des siphonnés de l’armée qui constitue cette fois les sidekicks à abattre par le Predator marche sur le papier, les gags s’essoufflent assez vite.
Et Black n’a pas non plus résister aux sirènes du CGI. Si le Predator original et son double « amélioré » qui débarque au milieu du film sont toujours très efficaces (superbes costumes et effets physiques, comme toujours dans la saga), les scènes à bord du vaisseau et, surtout, les innommables « chiens-Predators » ressemblent à une bouillie de pixels mal digérée tout droit sortie d’une cinématique de PS2. Bon, j’exagère : ils ne sont pas si moche que ça. Mais ça ne marche tout simplement pas dans un film qui privilégie par ailleurs l’horreur organique. Le scénar en lui-même est très simple, comme on pouvait s’y attendre : un Predator débarque sur Terre en fuyant un combat. Il tombe sur un soldat américain en opération dans un pays sud-américain lambda, soldat qui parvient à le mettre KO un peu par hasard. Une méchante agence gouvernementale capture le Predator KO et tente d’effacer tous témoins gênants. Le brave G.I., notre gentil héro, ne trouve rien de mieux à faire qu’expédier par la poste (oui, la poste) le masque du Predator ainsi qu’un gadget extraterrestre qu’il trouve dans le coin à son fils de 8 ans. Mais le Predator, qui a le réveil chafouin, ne l’entends pas de cette oreille. Et il dézingue tout le monde dans la base secrète où il est tenu prisonnier avant de se mettre à la recherche de son équipement. Jusqu’à ce qu’un second Predator, nettement plus maous, débarque pour se débarrasser du premier. Et nos chers protagonistes de sauver leur famille et de s’intéresser à ce que vient faire ce second grand échalas dans l’histoire…
Mais bon, le scénar, on s’en tape un peu dans ce genre de film. C’est gros, c’est bourré de ficelles ultra-usées, mais ça marche si on n’est pas trop regardant. Le film atteint d’ailleurs parfois le sublime avec la mise en scène de combats très impressionnants et un certain rythme de film d’action à l’ancienne. Avant de verser dans le trop plein de blagues, le trop-plein d’effets spéciaux et, même, le trop-plein de Predator. Les monstres ne marchent jamais mieux que quand on les voit peu l’écran. Un Predator fonctionne lorsque le spectateur sursaute et a tout de même un peu les chocottes pour le ou les personnages principaux. Ici, on ne tremble pas : on ricaine de temps à autre devant les clins d’œil auto-référencés aux films des années 80. Et on est impressionnés devant la maestria dont Black fait encore preuve pour mettre en scène quelques scènes de bataille/destruction homériques. Pour le reste, on baille un peu. Et c’est bien dommage.