De Neil Gaiman et Michael Reaves, 2007
Comment ne pas aimer Neil Gaiman ? Après avoir scénarisé Sandman, tout lui sera pardonné. Même cet ébauche de série pour ado, avec super-héros et voyages dans le multivers garantis. Peut-être est-ce l’alliance avec Michael Reaves, surtout connu pour avoir pondu quelques séries dans l’univers étendu de Star Wars ? Peut-être est-ce une envie soudaine de se détendre et de rédiger quelque chose de simple, un peu comme ce que fait Brandon Sanderson avec sa série Alcatraz. Peut-être. Quoi qu’il en soit, Entremonde ne fera pas date.
En résumé, on y suit les mésaventures de Joey, un ado passe-partout qui se découvre le pouvoir de naviguer entre les mondes du multivers (vous savez, comme dans Slider ?), ici appelé l’altivers. Pas de chance pour lui : deux puissantes maléfiques tentent de prendre contrôle de toutes les réalités parallèles. L’une se base sur sa foi en la technologie là où l’autre table sur la magie. Noire, bien entendu.
Et le brave Joey, qui n’est pas doué pour grand chose, se révèle être un « marcheur » (ceux qui savent trouver les passages entre les réalités parallèles) avec un potentiel gigantesque (qui l’eut cru ?). Rapidement menacé par l’empire technologique, il est sauvé par un autre marcheur mystérieux avant d’être enlevé par une sorcière retorse pour servir de carburant à son vaisseau transplaneur. Il est fort heureusement à nouveau sauvé par le marcheur mystérieux qui l’emmène au cœur de la résistance : une cité de l’Entremonde dont tous les habitants sont … des versions parallèles de lui-même !
Et j’arrête là, sinon je vous raconte tout le bouquin. Vous aurez compris aux quelques remarques cyniques que l’histoire m’a laissé relativement indifférent. Handicapé par sa taille réduite (à peine un peu plus de 200 pages), le bouquin ne prend ni le temps d’installer ses personnages, ni de les creuser, ni de rendre crédible sa trame principale. Tout va très vite, les bonnes idées et les rebondissements éculés se succèdent sans même qu’on ait le temps de les laisser macérer un peu.
Pourtant Gaiman est plutôt bon dans les formats courts. Ses multiples nouvelles sont souvent excellentes. Au format mi-long, L’océan au bout du chemin est un véritable tour de force. Que c’est-il donc passé avec Entremonde ? Je ne vois que l’explication d’une amitié improbable avec Michael Reaves qui, de par son palmarès, est plus habitué à ce type de production alimentaire.
Reste quelques idées sympas et l’esquisse d’un monde qu’il serait intéressant de développer. Si le principe d’un multivers où des versions alternatives d’une même personne s’entraident pour lutter contre le chaos n’est pas neuve, il y a certainement un plaisir enfantin à imaginer les mondes d’origine des versions alternatives de Joey (la version homme-loup, la version robot, la version homme-aigle, etc.) Ces personnages secondaires sont cependant expédiés en quelques traits avec la promesse, dirait-on, de les exploiter davantage dans les inévitables suites.
Entremonde sert donc d’introduction à son personnage principal relativement insipide, qui vit ici une aventure confuse (pourquoi se bat-il ? contre quoi exactement ? quelle est la nature de la menace, autre que le péril direct pour le protagonistes ?). Les motifs des uns et des autres restent davantage schématiques qu’explicites. Par exemple, que recherchent réellement les méchants de l’histoire (bon, ok, cette question est vraie aussi pour l’Empereur, Sauron, Voldemort, pour ne citer qu’eux) ?
En refermant le livre, je ne peux donc que regretter le gâchis qu’un manque d’ambition a provoqué. Difficile de déterminer la part de responsabilité de l’un ou l’autre des auteurs, mais inutile de préciser à ce stade, je pense, que c’est très en-dessous de ce à quoi l’on s’attend avec Gaiman d’habitude, même dans sa production jeunesse, forcément plus simple (quoi que, Coraline est-il vraiment un récit tellement simple ?).
Peut-être les suites, Silver Dream, sortie en 2013 et Eternity’s Wheel, 2014, à ma connaissance inédites en français, rachètent-elle le concept et proposent-t-elle davantage à partir des idées esquissées dans Entremonde ? Je ne le saurai sans doute jamais, n’ayant pas réellement l’ambition de perdre davantage mon temps avec une série vraiment trop brouillonne, qui cherche systématiquement la facilité là où elle aurait pu proposer de nouveaux concepts intéressants.